Villa Catarina, Corse.  

Antonio (Vivian Gold) frappa deux petits coups à la porte de son maître. Une voix posée, toute calme, l'invita à rentrer dans la pièce. Nerveusement, Antonio poussa la porte avant de s'avancer timidement dans la lumière du soleil qui commençait à peine à éclairer la pièce, après cette longue et terrible nuit. Une main sortit alors de la pénombre et invita poliment Antonio à s'asseoir en face d'elle. Celui s'exécuta en tremblant. Bien qu'il n'était qu'à un mètre de «Napoléon» (Harvey Winter), il ne pouvait toujours pas discerner les contours de son visage. Personne ne l'avait déjà vu, d'ailleurs. La même voix calme que tout à l'heure résonna alors de nouveau dans la pièce, brisant le silence glacial qui terrifiait Antonio.  

- Alors?  

Antonio déglutit avec peine avant de répondre d'une toute petite voix.  

- Ils...Ils nous on prit par surprise. On n'a rien pu faire pour ramener la marchandise. Tous les gars sont morts.  

La main tenait un petit canif qu'Antonio n'avait pas remarqué jusque là. Elle l'ouvrit d'un geste sec et Antonio prit peur. Mais «Napoléon» ne fit que se gratter la barbe avec la lame affutée de l'objet.  

- Pourquoi as-tu peur, Antonio? As-tu fais quelque chose de mal?  

- Non, enfin,si...J'ai échoué.  

- Ah, tu vois, quand tu veux! Il y a toujours une raison d'avoir peur, Antonio. Sauf pour les cadavres bien sûr !  

L'homme partit alors dans un rire franc et un peu inquiétant. Trop content de s'en tirer ainsi, Antonio se mit à rire, lui aussi. Mais Pierre Macciardi saisit alors son arme de poing et abattit froidement celui qui fut un de ses serviteurs. Antonio tomba, raide mort, et Pierre se leva d'un bond, furieux. Cet imbécile avait échoué.  

Pierre était attablé, une serviette blanche nouée autour du cou. Voilà déjà plusieurs longues minutes qu'il était assis là à manger du saucisson et à boire du vin rouge, en attendant que sa femme, Nicoleta (Natalie Hubbard), daigne enfin vouloir se lever. Cela lui avait au moins laisser le temps de faire nettoyer son bureau...Soudain, les escaliers de bois grincèrent et Nicoleta apparut, en robe de chambre, l'air visiblement mal réveillée. A peine eut-elle embrassé son mari que celui-ci lui balança:  

- Antonio a échoué.  

Nicoleta lisait toute la peur qui envahissait les yeux de son mari. La peur de perdre le monopole de l'île.  

Antonio paraissait on ne peut plus nerveux au volant de sa camionnette blanche. Ses doigts tapotaient le tableau de bord dans un geste incontrôlable. «Putain, qu'est-ce qu'ils foutent!». Ses deux compères auraient déjà dû être là depuis longtemps! Et plus il attendait là, plus ils risquaient d'y laisser leur peau. Antonio les vit enfin arriver dans le rétroviseur de son véhicule. Les deux hommes couraient, les bras chargés de gros sacs qui, il le savait, regorgeaient de billets de banque. Le fruit d'une pleine année de trafic de drogue. Mais la planque avait été découverte par un autre clan corse, et le maître avait décidé de rapatrier tout son argent.  

- Putain, démarre! Démarre Tonio!  

Antonio alluma le moteur avant de s’apercevoir que ses complices étaient poursuivis par une dizaine d'hommes en armes qui tiraient à vue. Un des deux gars tomba, touché en plein dans le dos. L'autre le suivit presque aussitôt. Alors qu'il voyait les hommes cagoulés qui achevaient lâchement ses amis, Antonio fut forcer de démarrer en trombe quand il s'aperçut qu'une femme, étrangement familière, s'était glissée près de sa camionnette et visait désormais sa nuque. Il l'avait échappé belle. Mais peut-être aurait-il dû crever dans ce merdier, plutôt que d'aller annoncer la nouvelle à «Napoléon»...  

- Eh, Jules, tu peut te mettre en short et aller à la plage!  

- Mais, et les trafiquants, chef?  

- Oh, il est 14h, ta journée est terminée mon petit. Les trafiquants attendront demain!  

Jules Fournier (Miles Baccarin) claqua la porte du commissariat d'Ajaccio avec énervement. A 22 ans, il n'était pas venu en Corse pour se la couler douce sur la plage la moitié de la journée durant, comme ce gros et gras commissaire Lucciardi qui ne voulait rien entendre. Non, il était venu de Paris pour une tout autre raison. Pour venger sa demi-sœur, Jade, victime collatérale des guerres mafieuses, alors qu'elle passait tranquillement ses vacances sur l'île de beauté. On n'avait jamais retrouvé son corps.  

Depuis six mois qu'il était là, Jules avait réussi à trouver quelques informations pour le moins intéressantes sur l'affaire qui l'intéressait. Il avait ainsi recoupé de nombreuses pistes, et, à force de nombreuses heures de travail, il avait réussi à obtenir quelques noms, et quelques lieux. L'un d'eux avait particulièrement attiré son attention. Une grotte, située en bord de mer. Et Jules pensait en savoir assez pour s'y rendre, très certainement inconscient du danger que se jeter dans la gueule encore béante de ce loup assoiffé de sang représentait.  

Il prit son arme de service et se rendit alors à la grotte, située à l'autre bout de l'île.  

Jules avait garé sa voiture à bonne distance de la grotte, dont il s'approchait en silence. Alors que le soleil commençait à se coucher à l'horizon et que la nuit jetait peu à peu son voile sur cette journée, riche en actes mafieux, Jules se figea derrière un rocher, sur la plage. Du bruit. De là où il était, il pouvait parfaitement observer ce qui se passait à l'intérieur de la grotte, située un peu plus haut. Il regardait cet étrange ballet, ces hommes qui déchargeaient là des dizaines de sacs, remplis de drogue. Mais il ne pouvait rien entendre de là où il se trouvait. Aussi décida-t-il de se rapprocher un peu, dans le vain espoir de surprendre une petite partie de la conversation. Arrivé à quelques mètres à peine des trafiquants, il prêta l'oreille. Mais soudainement, il sentit le canon glacé d'une arme qui menaçait de faire exploser sa nuque au moindre moment.  

- Doucement, garçon, doucement...  

Jules se releva lentement avant de lever ses mains vers le ciel en signe de réédition. Il s'effondra violemment quand il fut frappé par un coup de crosse, et plongea dans un long et douloureux sommeil.  

Le soleil s'était déjà couché depuis longtemps quand Jules ouvrit enfin les yeux. Il était toujours dans la caverne, mais il s'aperçut que celle-ci avait été largement aménagée. C'était une véritable planque troglodyte, dont on pouvait difficilement se douter de ce qu'elle recelait. Une lumière s'alluma alors et Jules fut comme frappé par sa vision. Une vision d'horreur. Jade (Renee Tilford) se tenait là, vivante et en bonne santé. Pire: elle dévisageait son demi-frère avec une intensité effrayante. On aurait dit qu'elle voulait l'étrangler à mains nues.  

- Jade...Que...  

- Y'a fallu que tu viennes fouiner dans mes petites affaires, Jules.  

Jules était abasourdi. Jade n'avais jamais perdu la vie dans un attentat. Cet attentat, c'est elle qui l'avait planifié. Jade était corse. Et mafieuse. Une femme brune d'âge mûr s'avança alors à côté d'elle.  

- Je te présente Nicoleta, la femme de mon père. On lui a bien baisé la gueule à ce salopard! Tu as failli tout gâcher, tu sais. Mais bon, tout est réparé. Le clan Guardini contrôlera bientôt la Corse. Toute la Corse.  

Pendant ce temps, Pierre, alias Napoléon, qui sentait bien que son petit trafic était en train de vaciller dangereusement, avait fini par découvrir le traître. Sa femme allait payer le prix fort pour sa trahison. Sans savoir que sa fille, qu'il avait eu avec une pute, la mère de Jules, un soir trop arrosé, serait présente elle aussi. Mais Pierre n'en aurait rien à faire. Il avait filé sa femme jusqu'à la grotte. Il descendit de son 4x4, kalachnikov à la main, magnum à la ceinture, poignard dans les chaussures, bien décidé à reprendre la main dans cette partie de poker menteur particulièrement violente.  

«La froideur est la plus grande qualité d'un homme destiné à commander».  

- Eh bien, je vais te me la refroidir, cette salope, moi!