Allongée sur son lit défait, elle (Rosie Imbert) pensait. La pluie ruisselait le long des vitres, berçant de sa douce musique l’atmosphère délicate qui régnait dans la pièce. Dehors, les arbres balançaient leurs branches au grès des rafales de vent. Seul son souffle épars se distinguait dans le silence imperturbable de cette nuit d’automne.  

La lumière tremblotante de son Smartphone éclairait les trais de son visage, seule lueur dans la pénombre. Ses doigts s’agitaient sur l’écran à une vitesse folle, son pouls s’accélérait à chaque lettre qu’elle ajoutait. Elle supprimait, recommençait, réfléchissait intensément. Il fallait faire un choix. Et c’est d’une main tremblante qu’elle appuya sur le bouton « Envoyer », le cœur battant à tout rompre, les joues rosies par l’excitation.  

« Demain, 18h, Café des Flores ».  

Des années qu’il (Thomas Cordoue) la connaissait. Le bac à sable, les bancs de l’école, les premiers flirts, les premières fois. Il ne comprenait pas pourquoi il avait voulu la trainer la dedans. Assis sur le siège conducteur, dans une arrière ruelle, il se tenait la tête entre les mains. Il n’avait guère le choix, c’était ça ou le passage à tabac, la balle dans le crâne, la tombe droit devant lui. Le manque commençait à se faire ressentir, des tremblements l’agitaient. Ou était-ce le stress.  

Il avait commencé comme tout le monde, un pétard en cachette un soir tard avec ses potes. Puis c’était devenu régulier, jusqu’à ce qu’il s’en lasse, pour aller toujours plus loin. Aujourd’hui, en voyant les traces des aiguilles laissées sur ses bras, il savait qu’il avait franchi la limite. Telle des chaînes, l’héro l’avait lié à des personnes qu’il n’aurait pas fréquenté s’il avait eu un tant soit peu de bon sens.  

Des coups résonnèrent contre la portière de la camionnette. Il reconnut instantanément un visage qu’il aurait préféré ne jamais avoir à revoir. Sans attendre, elle (Nadia Dominguez) grimpa à l’intérieur du véhicule, plaqua le canon froid de son arme contre la tempe du jeune homme, et planta l’aiguille d’un coup bref dans son bras droit. Alors qu’elle injectait le liquide, elle murmura à son oreille :  

« Tu sais ce qu’il te reste à faire désormais »  

La commission de discipline avait été sans pitié. Pour lui (Gregory Salaun) c’était désormais terminé. On rendait l’insigne, l’arme de service dès le lendemain. Tout cela pour une balle perdue en mission. Ce gosse était une vraie raclure, il avait mérité de crever sur place. Mais le respect des lois primait sur l’élimination de ces poids pour la société. Qu’il en soit ainsi. Il serait fiché comme flic ripoux, trouverait un job d’appoint comme vigile dans un supermarché si la chance finissait par lui sourire et pouvait espérer une vie minable, dans le meilleur des cas. Assis au bar du café des Flores, il ruminait ces sombres pensées et avalait gorgée par gorgée un fond de whisky quand il vit. Certes, la nuit tombait sur la ruelle, mais il ne pouvait pas se tromper. Dehors, une jeune fille criait et était tirée de force dans une camionnette sombre par un garçon qui ne devait pas être beaucoup plus âgée et une femme fluette. La fille se débattait, hurlait, mais personne d’autre ne semblait prêter attention au sombre spectacle qui se déroulait juste sous leurs yeux.  

Il jeta son tabouret au sol, quitta le bar au pas de charge, s’attirant le regard curieux des badauds qui passaient par là et se rua à la poursuite de la camionnette. Celle-ci s’éloignait à une vitesse folle, beaucoup trop rapidement. Il n’hésita pas très longtemps, dégaina son ancienne arme de service et visa les deux pneus arrières, à quatre reprises. La camionnette stoppa net, et il cru entendre un coup de feu, suivi d’un bris de verre. Peu importait. Il tira à nouveau, cette fois-ci en direction de la porte arrière, l’ouvrit et en extirpa la fille. Il prenait des risques inconsidérés, ses ravisseurs pouvant sortir à tout moment mais il s’en foutait désormais. La fille serait morte s’il n’était pas intervenu et il n’avait plus rien à perdre.  

Terrorisée, elle accepta néanmoins de lui suivre sans rechigner. Il la tira de force vers le côté opposé, courant à toute vitesse. Quand ils tournèrent le coin de l’immeuble, il sentit une balle siffler contre son oreille.  

Il fallait se cacher vite. Ils ne tiendraient pas longtemps à visage découvert sur la voie publique. Se rendre aux autorités n’était pas une solution non plus : il jouait sa peau.  

« Espèce de salaud transi d’amour, t’avais tout prévu pour qu’elle nous échappe ! »  

La femme fulminait. Le petit merdeux se tenait la tempe, ruisselante de sang, gémissant de douleur. Il l’avait mérité. Il leur aurait fallu peu de temps pour passer la frontière et échanger la fille contre un peu de came. Mais non, la fille s’était volatilisée au moment où le véhicule s’était stoppé net. Le pare-brise avait volé en éclats, les recouvrant de débris de verre. Elle aurait pu l’abattre sur le champ. Elle ne pouvait pas rentrer à la base sans la marchandise ou elle y laisserait sa peau. Elle avait donc besoin de lui. D’un coup sec, elle le poussa hors du véhicule, et vit au bout de la ruelle un homme s’échapper avec la petite catin. Elle tira, à vue. La balle manqua sa cible. Elle frappa, de rage, un grand coup dans la carrosserie, et sentit la douleur lui brûler les doigts, mais elle n’y prêta pas attention. Elle avait une heure devant elle pour résoudre ce contretemps. Le merdeux était peut être un camé mais il connaissait sa petite chérie par cœur. Il saurait la retrouver.  

La chasse à l’homme pouvait commencer.