La musique résonnait doucement dans le club, créant ainsi une atmosphère paisible ou la clientèle pouvait discuter tranquillement. Plus ou moins vêtus, les clients dansaient sur la piste située au coeur de la salle principale, faisaient connaissance, puis si certains d'entre eux se découvraient des affinités, se retrouvaient dans l'une des pièces mises à leur disposition quelque peut à l'écart pour avoir plus d'intimité. Certains clients cependant n'en ressentaient pas le besoin, et s'exhibaient dans la salle principale dans l'indifférence générale.  

Ici, on venait pour donner et prendre du plaisir, sans aucune interdiction, et sans aucun tabou. Une pratique totalement prohibée à Genetria, depuis de nombreuses années. C'est suite à l'apparition d'une maladie génétique touchant de plus en plus de membres de la population mondiale que Genetria décida de faire quelque chose pour lutter contre cela. Au fil des années, les recherches en génétique avaient atteint un tel niveau qu'il était possible de déceler la moindre anomalie génétique chez un embryon, et de trier ceux qui étaient imparfaits. Le gouvernement de Genetria décida alors de contrôler sa population en se refermant totalement sur elle-même, et en mettant en place la sélection génétique, et afin de faciliter celle-ci d'interdire la reproduction de manière naturelle.  

A Genetria, toutes les fécondations étaient réalisées in vitro, afin de trier les embryons pour écarter ceux sur lesquels on relevait la moindre anomalie. Pour qu'un couple ait un enfant, il devait donc avoir recours à l'une des nombreuses cliniques qui pratiquaient ces fécondations. Tout rapport physique était donc interdit, pour éviter tout risque de grossesse non contrôlée par le gouvernement. Certains avaient la chance d'avoir un embryon parfait dès le premier essai, et même d'avoir ainsi plusieurs enfants, d'autres voyaient chacune de leurs tentatives rejetées. Or pour limiter les dépenses de l'état dans ce domaine, le nombre d'essai était limité, et certains couples devaient donc, une fois tous leurs essais épuisés, se faire à l'idée de ne jamais avoir d'enfant.  

Evidemment, cela avait fait l'objet de vives critiques lorsque cette sélection avait été mise en place, mais le gouvernement avait su faire taire ses contradicteurs, et pouvait à présent se vanter d'avoir une population en parfaite santé, ce qui n'était pas le cas de celle qui vivait à l'extérieur de ses frontières. Des frontières très protégées, afin d'empêcher toute personne venant de l'extérieur de pénétrer dans Genetria, mais aussi à tout membre de la population de vouloir fuire.  

Toute tentative de fuite, tout manquement au règlement instauré sur les rapports physiques était passible de peine de prison. Pourtant, si la majeur partie de la population s'était petit à petit pliée à ces règles des clubs clandestins avaient vu le jour, dans lesquels se retrouvaient ceux et celles refusant ces restrictions qui leur étaient imposées. Une brigade luttait constemment pour faire disparaître ces établissements, et n'hésitait pas à arrêter à la fois leurs tenanciers mais aussi les clients, dans le but de dissuader quiconque voudrait enfreindre les lois. Petit à petit, la mentalité de la population de Genetria avait évoluée, et l'envie de rapports physiques était devenue absente chez la plupart des gens. Quand à ceux chez qui ces envies faisaient parfois surface, ils pouvaient bénéficier d'un traitement et d'un suivi afin d'étouffer leur libido, et d'éviter tout risque d'enfreindre la loi.  

La porte explosa sous l'impact du bélier utilisé par la milice pour pénétrer le club en force. L'ambiance paisible laissa immédiatement place à une scène de panique. Les clients se mirent à courir en tous sens, dans l'espoir vain d'échapper aux forces de l'ordre venues les arrêter. En quelques minutes seulement, tous furent maîtrisés et allignés au milieu de la piste de danse sur plusieurs rangs. Andrew Preston (Mickael K. Riddick), le chef de la milice, dirigeait les opérations et suivait l'agent qui un par un relevait les empreintes génétiques des hors-la-loi. Lorsque ceci fut fait, chacun fut recouvert d'une épaisse cape noire, dont on rabattit la capuche par-dessus la tête, afin de cacher à la population qui dehors allait assister à cette arrestation le visage de ces pervers sexuels.  

Comme c'était le cas à chaque fois, on n'entendrait plus jamais parler de ces hommes et femmes. Plusieurs bruits couraient à leur propos. Ceux qui racontaient que ces criminels étaient relâchés à l'extérieur de Genetria, où il finiraient leur vie parmi la population décadante de l'extérieur étaient considérés comme utopistes par beaucoup. Car la plupart des gens étaient convaincus que ces hommes et femmes étaient tout simplement exécutés, une idée que le gouvernement laissait bien volontier courir, car ceci nourrissait cette crainte de chacun qui préférait ne pas subir ce triste sort.  

Tandis que les clients du club étaient chargés l'uns après l'autre à l'arrière du camion qui allait les mener au pénitentier de la frontière, Andrew observait ce défilé avec une certaine lassitude. Il ne parvenait pas à comprendre pourquoi certains encore s'évertuaient à enfreindre ces règles, pourtant mises en place pour le bien de tous. Car chacun savait ce qui pouvait advenir de ces gens, tout du moins des femmes qui se rendaient dans ces clubs. Car lorsque l'une d'elles tombait enceinte accidentellement, sachant ce qu'il adviendrait d'elle si jamais elle déclarait une grossesse non contrôlée, son seul recours était de mettre fin à cette grossesse dans l'une des cliniques elles aussi clandestines, avec les risques que cela encourait. Trop souvent ces interruptions de grossesse n'étaient pas pratiquées correctement, ce qui entraînait des complications qui finissaient parfois par la mort de la patiente.  

Tout ça pour quelques instants de plaisir. Andrew ne parvenait pas à comprendre.  

La réception se déroulait à merveilles. Organisée par le Père de Genetria, ce généticien qui avait mis en place tout ce système pour sauver la population d'une disparition certaine et était devenu son dirigeant, elle réunissait toute la haute bourgeoisie, les instances dirigeantes du gouvernement, mais aussi les patrons des différentes cliniques gouvernementales, et les chefs de la police. Près de son père, Sean Merrick (Alexandre Ptouchko) observait toute cette population au service de son père, qui bientôt serait au sien. Car c'est bien lui qui lui succèderait, qui un jour allait diriger Genetria à son tour. Avide de pouvoir, Sean brûlait d'impatience de pouvoir un jour enfin occuper cette place. En attendant, c'est lui qui dirigeait la police de la ville.  

Et le jeune homme pouvait se vanter des très bons résultats de celle-ci depuis qu'il en avait pris le contrôle. Jamais on n'avait fermé autant de clubs clandestins. Malgré les critiques à propos du traitement subit par les criminels, tout ce qui lui importait était les résultats. D'ici quelques années, il était convaincu qu'il aurait totalement éradiqué ce problème. Les clubs clandestins n'existeraient plus. Son père était plus fier des résultats de son fils, cependant sa popularité n'était pas très bonne. Beaucoup voyaient en lui un fils trop avide de pouvoir, et beaucoup craignaient que les choses ne dégénèrent si jamais il prenait la tête du gouvernement.  

Apercevant l'un de ses meilleurs éléments qui passait par là, Sean abandonna quelques temps son père et s'approcha de ce dernier. A son bras, sa fiancé le suivait comme son ombre. Fille du patron de l'une des principales cliniques de fécondation in vitro, Jill Lowry (Melany Dennis) avait été promise à Sean très jeune. Les calculs génétiques qui avaient été faits à partir des deux fiancés avaient démontré que le pourcentage de chance qu'un embryon issu de leurs gamètes respecives soit imparfait était très faible. Aussi le père de Sean avait choisi cette petite fille à l'époque pour devenir un jour l'épouse de son fils. Silencieusement, Jill suivit son fiancé jusqu'à cet homme auquel il voulait la présenter.  

"Capitaine Preston, je vous présente ma fiancée, Jill. Jill, voici l'un des meilleurs éléments de notre police. Il a cet après-midi encore fermé un nouveau club clandestin et arrêté une bonne cinquantaine de criminels"  

La jeune femme salua poliement l'homme d'un signe de tête silencieux, tandis que celui-ci fit la révérence devant celle qui serait sans doute dans quelques années la première dame de Genetria. Sean interrogea alors Andrew à propos de son opération coup de poing du jour. C'est avec une certaine fierté que le chef de police raconta à son supérieur comment tout cela s'était passé. Sean souriait en écoutant son récit, fier encore une fois du travail accompli par ses équipes. Il était convaincu que tout ceci augmentait sa popularité au sein de la population bourgeoise, et c'est tout ce qui comptait à ses yeux. Il savait qu'il n'était pas apprécié de tous, mais était convaincu qu'il ferait rapidement changer d'avis à ses détracteurs. Son père avait mis en place ce système sur lequel reposait Genetria, mais lui allait le sublimer, l'amener jusqu'à la perfection.  

Tandis que les deux hommes discutaient, Jill s'excusa et les laissa tous les deux pour se rendre aux toilettes. Elle masqua du mieux qu'elle pouvait son empressement, puis à peine fut-elle entrée, elle se pencha par-dessus la cuvette pour vomir tous les petits fours qu'elle venait de manger au cours de la soirée. Une jeune femme entra à ce moment là dans les toilettes et lui demanda si tout allait bien. Vêtue d'une magnifique robe, celle qui disait se nommer Melina (Laurie Patton) lui apporta alors un verre d'eau. Jill la remercia et lui assura que tout allait bien. Elle avait du ne pas digérer quelque chose qu'elle avait mangé, mais ça allait déjà mieux, et ça allait passer d'ici peu de temps.  

Les deux femmes ressortir quelques temps plus tard. Tandis qu'elles rejoignaient la salle, elles tombèrent nez à nez avec Sean qui parut quelque peu surpris en les voyant. Voyant le teint pâle de sa fiancé, il lui demanda à son tour si tout allait bien. Jill lui demanda alors l'autorisation de quitter la réception pour rentrer chez eux se reposer. Sean lui proposa alors de l'accompagner et abandonna Melina tout en échangeant avec elle un regard curieux.  

Sean raccompagna en limousine sa fiancé jusqu'à chez eux, et la laissa dans sa chambre. Comme tous les couples de Genetria, ils faisaient chambre à part, et la laissa donc s'endormir tranquillement avant de retourner à la réception de son père. Lorsqu'il rentrerait, elle serait profondément endormie et ne s'apercevrait même pas de son arrivée. Mais à peine eut-il quitté leur maison, Jill se releva pour rejoindre la salle de bain. Se tenant debout nue devant un miroir, elle carressa son ventre qui n'avait pas encore commencé à s'arrondir. Jusque là elle n'avait eut que des doutes concernant ce qui lui arrivait, mais elle en était désormais certaine.  

Songeant au père de cet enfant qui avait été arrêté l'après-midi même dans ce club, elle ne put retenir ses larmes. Ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre alors qu'ils n'étaient encore que des adolescents, mais la jeune femme était déjà promise à un autre. Elle avait tenté en vain de convaincre son père de rompre cet engagement qu'il avait pris avec le Père, mais ce dernier avait refusé en bloc. C'était un honneur pour sa famille que sa fille ait été choisi, et rompre cet engagement aurait des conséquences désastreuses pour sa famille et sa clinique.  

Sans autre choix, les deux amants s'étaient alors rencontrés régulièrement en secret, dans ces clubs clandestins. Rapidement, ils s'étaient laissés emporter par leurs envies, et ignorant tout ce qu'on leur avait appris depuis leur enfance, s'étaient donnés l'un à l'autre. Ils avaient alors découvert un plaisir tel qu'ils ne pouvaient pas comprendre la raison pour laquelle on l'interdisait. Depuis que Jill vivait avec Sean, chaque fois qu'elle et son amant se donnaient rendez-vous, elle s'assurait que les hommes de son fiancé n'avaient pas découvert l'endroit, en piratant son ordinateur. Sean était tenu au courant à l'avance de toutes les opérations qui devaient avoir lieu, ce qui avait permis aux deux amants d'échapper plusieurs fois aux arrestations coup de poing de la milice. Mais cette fois-ci, elle n'était pas parvenue à prévenir à temps l'homme qu'elle aimait. Elle ignorait ce qui allait advenir de lui, son fiancé ne lui ayant jamais révélé la vérité à propos du sort réservé aux clients de ces clubs lorsqu'ils étaient arrêtés. Mais à présent, elle savait qu'elle portait en elle son enfant.  

Qu'allait-elle pouvoir faire pour se sortir de cette situation ? Alors qu'elle ne reverrait sans doute jamais l'homme qu'elle aimait, elle refusait de tuer leur enfant. Pourtant elle ne pouvait pas révéler cette grossesse. Debout dans sa salle de bain, Jill se mit à pleurer à chaudes larmes.  

La récéption était terminée, chacun était rentré chez lui. Le père de Sean lui aussi avait quitté les lieux, mais le jeune homme était resté sur place. Quittant la pièce principale, il entra dans les toilettes pour se rafraîchir le visage. Quelques instants plus tard, la porte s'ouvrit de nouveau et Melina entra dans la pièce. En voyant la jeune femme, Sean se mit à sourire.  

"J'ai été surpris de te trouver avec mon épouse. Que faisais-tu avec elle ?"  

La jeune femme balaya sa question d'un revers de la main et attrappa le jeune homme par le col de sa veste pour l'embrasser fougueusement. Ses clients ne la payaient pas pour parler. Ils la payaient cher, afin d'assouvir tous leurs désirs, sans aucune prise de risque pour eux. Répondant à ses impulsions, Sean l'attrappa par la taille et la retourna violemment. L'appuyant contre le rebord du lavabo, il souleva la robe de Melina en observant Melina dans le miroir. Il ne pouvait pas prendre le risque de la mettre enceinte, elle le savait. Très bientôt, lui et Jill devaient se rendre dans la clinique du père de cette dernière pour avoir leur premier enfant.  

Depuis la salle de réception vide de toute cette population qui avait répondu présent à l'invitation du Père de Genetria, on put alors entendre les gémissements du jeune homme qui laissait libre cours aux pulsions qu'il retenait trop souvent à son goût.  

A plusieurs kilomètres de là, le bus pénitencier arriva à la prison de la frontière et fit descendre ses passagers. Si chacun d'entre eux avançait la tête basse, craignant le sort qui leur était réservé, l'un d'eux au contraire ne cessait de jeter des regards en arrière, pensant à celle qu'il avait laissée dernière lui, et s'inquiétant sur ce qu'elle allait devenir elle.