A cette heure avancée de la nuit, l'Université dormait à poings fermés. Tous les éclairages étaient éteints, et seule la lumière de la lune blafarde permettait aux deux étudiantes de se déplacer dans les allées de l'Université en voyant où elles allaient. Jetant sans arrêt des regards autour d'elles, comme pour s'assurer qu'elles n'étaient pas suivies, ou en tout cas que personne ne les voyait, elles avançaient au pas de course en direction des bâtiments où logeaient tous les étudiants. Arrivées au coeur de la résidence, elles se firent une dernière promesse avant de se séparer et de rejoindre chacune leur chambre. Ce qui venait de se passer cette nuit-là devait rester entre elles, à jamais. Ce serait leur secret, un secret qui les lierait à jamais, et dont elles se promirent de ne plus jamais parler, même entre elles. Après s'être fait cette promesse, les yeux dans les yeux, les deux jeunes femmes prirent des routes opposées et tirèrent un trait définitivement sur cette nuit.  

Elles ignoraient encore qu'elles ne seraient plus jamais les mêmes après cette nuit, et que ce secret bien trop lourd à porter aurait raison de leur "indéfectible" amitié, et les hanterait encore bien des années...  

- Deux ans plus tard -  

Encadré des deux voitures qui l'escortaient, le fourgon de transfert avançait malgré la pluie sur la route boisée, ses phares éclairant les arbres de leur lumière pâle. Au volant, le chauffeur ne quittait pas la route des yeux. Evoluer sur cette route, de nuit et avec cette pluie battante, ne rendait pas les choses faciles, et l'homme était quelque peu tendu derrière son volant. A ses côtés, son collègue observait les abords de la route pour lui signaler quoi que ce soit qui pourrait débouler en travers de la voie. A leur gauche, le dénivelé semblait profond. Difficile de distinguer dans cette obscurité de quelle hauteur ils chuteraient si jamais leur fourgon quittait la route. Raison de plus pour éviter tout écart. Derrière le fourgon, à bord d'une voiture de police, le Marshall Tony Fernandez (Javier Perez) ne quittait pas le véhicule des yeux. Ayant pour mission d'escorter ce prisonnier, il avait bien l'intention d'arriver sans encombre à son objectif, et de livrer son détenu au pénitentier où il devait finir de purger sa peine.  

Secoué par les cahots de la route, assis à l'arrière du fourgon, Aaron Strong (Taylor Eddison) s'interrogeait sur l'endroit où il se trouvait. Par où étaient-ils bien passés pour son transfert ? Ayant demandé à être incarcéré dans une prison de l'Ouest de Cinéjeu Island, pour se rapprocher de ses parents, le criminel savait que le voyage allait être long. Condamné pour le double meurtre de son épouse et de son amant, Aaron Strong avait encore de longues années à passer derrière les barreaux. Mais il souhaitait au moins pouvoir voir régulièrement son fils, dont ses parents avaient la garde, le voir grandir et ne pas l'abandonner. Il était encore très jeune, agé de deux ans seulement, et n'avait pas encore conscience de ce qui était arrivé à sa mère, et du crime dont on avait jugé Aaron coupable, un crime abominable où la mère du petit garçon avait trouvé la mort dans des circonstances attroces. Le jeune père devinait qu'un jour où l'autre, il risquait de perdre totalement son fils lorsqu'il apprendrait tout ça, et qu'il ne voudrait plus lui adresser la parole. En attendant, il souhaitait pouvoir profiter autant qu'il le pouvait des rares moments qu'il pourrait passer avec lui.  

Un nouveau cahot secoua le fourgon. Où diable donc se trouvaient-ils ? Au volant, le chauffeur était de moins en moins à l'aise sur cette route boisée. Bien que le criminel qu'ils transportaient n'était pas jugé dangeureux, le Marshall qui supervisait le transfert avait tenu à éviter les grands axes, un choix compréhensible mais qui avec ce temps ne paraissait à présent plus nécessairement judicieux. Un éclair illumina soudain le ciel un bref instant, suivi d'un violent coup de tonerre. C'est alors qu'un chevreuil déboula de la droite, effrayé par l'orage, exactement sous le nez du fourgon de transfert. Par réflexe, le chauffeur donna un coup de volant pour éviter l'animal, mais sur cette route pluvieuse et recouverte de feuilles mortes, l'homme perdit alors le contrôle de son véhicule et fila droit vers la sortie de route. Sous les yeux du Marshall qui assista impuissant à la scène, l'engin fit une chute de plusieurs mètres de hauteur et alla s'écraser plus bas. Immédiatement, les deux véhicules d'escortes s'arrêtèrent. Le Marshall Fernandez surgit du sien pour descendre au pas de course jusqu'au fourgon en contrebas.  

Lorsqu'il arriva sur place, après avoir dévallé une descente de terre trempée couverte de feuilles mortes, il aperçut la porte de l'arrière du véhicule ouverte, sous le choc de l'accident. Son premier réflexe fut alors d'aller s'assurer que le détenu était toujours là. Sans doute avait-il été assommé par la violence de l'accident. Malheureusement pour le Marshall, l'arrière du fourgon était vide. Aaron Strong avait profité de l'occasion pour s'échapper, et s'enfuire dans la nuit. Dans l'obscurité, en plein coeur de ce bois, il allait lui être impossible de le retrouver.  

La nuit tombait, et la pluie continuait de tomber dans discontinuer tandis que Katie Donovan (Dorothy Parker) faisait la vaisselle et se préparait passer une nouvelle soirée seule dans sa maison. Voilà deux jours que ce détenu s'était échappé dans les environs, et que la police le recherchait. La veille, on avait retrouvé le corps d'une pauvre femme massacrée chez elle à l'arme blanche, sans doute victime selon le Marshall de ce criminel qui avait déjà massacré sa propre femme et son amant avant d'être incarcéré. Observant par la fenêtre au-dessus de son évier, la jeune femme sursauta soudain, croyant avoir vu une silhouette dans l'ombre de la forêt près de laquelle elle habitait. Sous le coup de la surprise, elle lâcha l'assiette qu'elle essuyait et qui s'écrasa à terre. Avait-elle rêvé ? Son esprit lui jouait-il des tours ? Ca ne serait pas la première fois que ça arriverait. Reprenant son calme, la jeune femme s'essuya les mains et abandonna sa vaisselle quelques instants pour se rendre à sa salle de bain et avaler un cachet.  

Après ça, elle resta appuyée sur le lavabo de la salle de bain avant de relever la tête, fixant son propre regard dans le miroire comme en guise de défi, puis de retourner à ses occupations. En traversant le salon pour rejoindre la cuisine, elle bondit à nouveau lorsque le vent fit claquer la porte d'entrée entrouverte. Foutue maison pourrie dont elle avait hérité de ses parents défunts ! Elle aurait nécessité de nombreux travaux, c'était certains. Mais ce n'était pas avec son petit salaire qu'elle pouvait les payer. En attendant, elle faisait donc avec les moyens du bord. Elle referma la porte et verrouilla celle-ci, puis rejoignit enfin la cuisine pour terminer ce qu'elle avait commencé.  

Lorsqu'elle eut rangé la dernière casserole, elle referma les volets de la maison puis se dirigea vers sa chambre pour se déshabiller. Elle venait d'enlever son pull-over lorsqu'elle entra dans sa chambre et y aperçut cet homme debout au milieu de la pièce. Katie poussa un hurlement en voyant cet homme trempé de la tête aux pieds, le visage sale, et courut en direction de la porte sans réfléchir au fait qu'elle était à moitié nue. Aaron Strong couru derrière elle pour la rattrapper, lui intimant de ne pas avoir peur de lui. Il la rattrappa alors qu'elle tentait d'ouvrir la porte d'entrée qu'elle avait verrouillée, la retourna contre celle-ci et lui plaqua la main sur la bouche pour la faire cesser de crier. Tandis que la pauvre femme s'époumonait, il lui parla calmement et lui expliqua qu'il ne lui voulait aucun mal. Après quelques instants qui parurent une éternité, la jeune femme retrouva son calme, voyant qu'en effet l'homme ne semblait pas lui vouloir de mal.  

Il relâcha alors enfin Katie, espérant qu'elle n'allait pas se remettre à crier, bien que depuis cette maison isolée, et étant donné la pluie battante et le vent qui soufflait dehors, il était peu probable qu'on l'entende. La jeune femme lui posa alors la question à laquelle il s'attendait. Oui, il était bien le détenu que tout le monde recherchait, mais non, ce n'était pas lui qui avait commis ce meurtre la veille. Sans doute était-ce une étrange coïncidence, ou bien simplement quelqu'un avait-il profité de sa présence dans la région pour commettre un crime et le lui mettre sur le dos. Ca ne serait pas la première fois. Le jeune homme lui expliqua alors qu'il était innocent, qu'il n'avait jamais tué personne, et Katie voulut bien le croire.  

Concernant le crime qui avait été commis la veille tout du moins, elle était bien placée pour savoir que cela lui rappelait autre chose. Personne ici n'avait fait le lien, mais cette femme qui avait été retrouvée morte la veille, avait été tuée d'une manière qui avait rappelé à la jeune femme la mort de son ancienne amie un an auparavant. Bien qu'elles s'étaient perdues de vue depuis l'Université, lorsque Katie avait préféré abandonner ses études sans donner d'avantage d'explications, elle avait reconnu son amie sur les photos diffusées dans les médias à l'époque de sa mort. Jamais on n'avait retrouvé le criminel qui avait commis ce meurtre, et Katie avait craint à l'époque que cela concerne le secret qu'elle et son amie partageaient depuis plus de deux ans.  

Elle avait cru à l'époque être la prochaine à mourir, et avait sombré dans une profonde dépression. Mais rien n'était arrivé. Grâce aux médicaments qu'elle prenait à présent, elle avait repris le cours de sa vie normale, mais continuait malgré tout d'être hantée par ses peurs profondes. Découvrir les circonstances de la mort de cette pauvre femme vivant non loin de chez elle avait alors réveillé chez elles ces vielles angoisses. Elle était alors persuadée que celui qui avait tué son amie un an plus tôt était venu à présent pour elle. Pourtant il était impossible que ce soit cet homme qui se tenait dans son salon à présent, puisqu'elle ne l'avait jamais croisé. Elle décida alors de le croire, et de ne rien dire à la police. Elle voulait bien le loger pour la nuit, et lui permettre de se laver. Après tout, elle se sentait quelque part proche de cet homme, et donc quelque peu redevable. Mais dès le lendemain, il fallait qu'il quitte sa maison.  

Le Marshall Fernandez pesta contre le temps qui ne facilitait pas ses recherches, mais savait très bien qu'il ne cherchait là qu'une occasion de rejeter la faute de son échec sur quelque chose d'autre. C'est lui qui était responsable de cet échec, et personne d'autre. Le pauvre chauffeur du fourgon de transfert, qui était encore à l'hôpital suite à l'accident, n'y était pour rien. C'est lui qui avait décidé d'emprunter cette route, avec les danger que cela entraînait. A présent, il devait au plus vite retrouver ce criminel avant qu'il ne commette un autre meurtre.  

Aidé par la police locale, ainsi qu'une équipe venue en renfort pour arrêter au plus vite Aaron Strong, il espérait rapidement remettre la main sur lui, avant qu'une autre victime ne tombe sous sa main. Cela faisait plus de deux jours maintenant qu'il lui avait échappé, et déjà une femme avait été retrouvée morte. Combien d'autres allaient suivre si jamais le Marhsall échouait à le rattrapper ? Le Docteur Karen McKay (Anna Vodianova) s'approcha de lui pour le rassurer. Il était impossible que cet homme leur échappe. Ils allaient mettre la main sur lui rapidement, c'était certains. La psychologue installée dans le village avait proposé son aide aux policiers sur place, et proposait surtout ses services aux habitants du village inquiets à cause de la situation.  

Mais si plusieurs d'entre eux étaient déjà venus la voir, elle était surprise que Katie n'ait pas encore fait cette démarche. Elle savait que la jeune femme était perturbée, et devinait que ce crime survenu près de chez elle allait réveillé de vieux souvenirs. C'est elle qui l'avait soignée lorsque Katie avait fait cette dépression, et s'était convaincue qu'un homme allait la pourchasser et la tuer. Le fait que ce criminel rôde dans le coin aurait donc du l'inquiéter. Et pourtant, sa patiente n'était pas encore venue la voire. Elle se promit de passer lui rendre visite dès qu'elle aurait un peu de temps, mais pour le moment elle était débordée. Dans ce petit village paisible, on était peu habitué à cette activité, et nombreux étaient ceux qui s'inquiétaient de savoir ce tueur en liberté près de chez eux.  

Après avoir répondu évasivement au Docteur, le Marshall Fernandez s'approcha de la carte de la région qui avait été suspendue au mur du commissariat de police. Où pouvait bien se cacher Aaron Strong ? La région était grande et boisée, et le Marshall craignait que le détenu ne lui échappe. Pourtant, il ignorait encore qu'il avait autre chose à craindre. Car un tueur, un réel tueur cette fois, rôdait lui aussi dans la région, et avait décidé de jouer avec sa victime avant de réellement passer à l'acte, à la terroriser avant de la tuer. Et l'homme que le Marshall recherchait allait peut-être bien être finalement une précieuse aide pour la pauvre Katie, qui allait bientôt vivre le cauchemar qu'elle redoutait depuis plus d'un an maintenant.