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Les Films du Corbeau présente
Gueule d'atmosphère

 

Assise seule sur un lit étroit et dur, une femme (Jessica DANNA) regarde les murs qui l’entourent. Elle est enfermée dans une geôle carrée et très peu spacieuse. Les murs sont gris et chaque coin de la pièce sent l’urine et l’eau croupie. Engoncée dans son tailleur élégant, elle tente de faire disparaître une tâche qui souille le rebord de sa veste en la frottant avec ses doigts. C’est peine perdue. Ses mains tremblent, elle tente de penser à autre chose, mais l’angoisse ne lui laisse pas de repos. Elle voudrait savoir à quelle sauce elle va être mangée, et elle s’en veut d’être si vulnérable. Cela ne lui ressemble pas…  

Des bruits de pas se font entendre. La porte en fer de sa cellule grince et s’ouvre, laissant apparaître deux jeunes hommes. Ils sont vêtus d’uniformes de la FFI et la regardent sans dire un mot. On vient la chercher, c’est l’heure « d’entrer en scène ». « Ils veulent me voir jouer ce rôle, très bien. Ils en auront pour leur argent. » Alors elle se relève et leur renvoie ce regard désinvolte qui a fait sa réputation. Plus rien de l’angoisse ressentie ne transpire dans son apparence. Elle s’avance, la tête haute, de sa démarche alanguie et légèrement effrontée.  

Elle les suit le long de couloirs étroits et sales. Le bâtiment est vétuste. Il était fermé depuis plusieurs années jusqu’à ce que la FFI l’utilise comme prison d’appoint. Elle rejoint une succursale, où on la fait asseoir aux côtés d’une autre femme (Bianca BURNS). Celle-ci regarde le sol et paraît terrorisée. Comme elle, elle porte un tailleur élégant, mais de nombreuses traces de saleté prouvent qu’elle est enfermée ici depuis plusieurs jours. Ses traits tirés marquent son épuisement, pourtant elle reconnaît en elle la comédienne Mireille Balin, l’une des beautés du cinéma français. Elles se sont déjà croisées à maintes reprises, surtout ces dernières années, au cours des soirées parisiennes. Elle se sent touchée par son état, la voir ainsi apeurée ne la réconforte pas.  

- Relève la tête, jolie môme. Si le bon Dieu t’a donné un minois pareil, ce n’est pas pour le cacher, même à ces gars-là ! »  

Mireille relève les yeux et lui sourit timidement. Trop désespérée pour reprendre courage, elle apprécie néanmoins la parole amicale. Une porte s’ouvre, on lui demande de se lever. Elle laisse Mireille sur son banc et les suit. Elle entre alors, encadrée par ses deux geôliers, dans une salle spacieuse où l’on a visiblement installé un simulacre de tribunal provisoire. Derrière une table, trois hommes en uniforme font face à plusieurs dizaines d’hommes et quelques femmes. Tous portent un brassard de la FFI et la regardent entrer avec au mieux de l’indifférence, au pire une antipathie certaine. « On joue à guichet fermé à ce que je vois ! », glisse-t-elle à l’oreille d’un de ses geôliers, qui s’applique à ne pas lui prêter attention. Pourtant, elle voit bien qu’il se retient de sourire…  

Tout à coup, son cœur s’emballe lorsqu’il lui semble reconnaître un visage dans l’assistance. Ces yeux bleus, ces cheveux blonds… Non, ce ne peut être lui, que ferait-il là ? Impossible ! L’un de ses geôliers se tient trop près d’elle, elle n’arrive pas à bien voir. Elle est obligée de se contorsionner… Mais non, ce n’était pas lui. Elle s’est trompée. Ses geôliers l’abandonnent, seule, debout face à la tablée des « trois juges », trois hauts gradés de la FFI dont le regard dur pourrait intimider n’importe qui… Mais pas elle. Elle répond à leur regard avec toute la désinvolture dont elle est capable. Et Dieu sait que c’est sa spécialité.  

Alors celui du centre, qui semble plus haut gradé que les autres (Jeremy HAMLISCH), prend la parole :  

- Vous vous appelez Léonie Bathiat. Mais la France vous connaît sous le nom d’Arletty. Vous confirmez ?  

On l’a laissée allumer une cigarette. Pour toute réponse, elle hoche la tête en soufflant sa fumée, la main posée sur sa hanche.  

- Vous comparaissez devant le tribunal d’épuration pour répondre à une accusation de collaboration. On vous reproche vos… « amitiés » avec l’officier nazi Hans Jürgen Soering. Reconnaissez-vous les faits ?  

- Je n’ai jamais été très résistante, oui…  

Derrière elle, quelques rires discrets échappent de l’assistance. Le soldat frappe du poing sur la table.  

 

 

Générique.  

----------------------- GUEULE D’ATMOSPHERE ---------------------------  

 

 

Une équipe de tournage s’affaire autour d’un décor reproduisant une salle de bain modeste. Deux techniciens installent une lourde caméra sur chariot devant une baignoire à rideau. D’autres règlent les volets de projecteurs pour ajuster l’éclairage de la scène en préparation. D’autres encore regroupent des câbles électriques qui sillonnent le plateau. Un homme en costume distingué est assis sur une chaise « de cinéma » et regarde la troupe s’agiter. Il se tourne vers un jeune homme à ses côtés :  

- Mon petit, allez dire à Mademoiselle Arlette que nous sommes prêts.  

Le jeune homme disparaît. Quelques instants plus tard, Arletty fait son entrée sur le plateau. Elle est plus jeune que dans la scène précédente, d’une dizaine d’années au moins, et porte un peignoir. Elle s’avance au centre du plateau avec bonne humeur et retire son vêtement. Elle ne porte plus qu’une courte nuisette couleur chair, dévoilant sa silhouette longiligne et destinée à évoquer une nudité de cinéma. Elle se tourne vers le réalisateur et lui fait une rapide révérence en souriant.  

- Voilà la guèpe, Monsieur Guitry. Satisfait ?  

Sacha Guitry sourit et lui répond d’un succinct « Charmant. » Elle s’installe alors debout dans la baignoire. Guitry reprend la parole.  

- Bon, mes amis ! Faisons bien, et faisons vite. Mon petit, dit-il en s’adressant à la comédienne, je vous rappelle que lorsque Désiré vous surprend sous votre douche, vous vociférez, mais vous ne cachez que l’essentiel. Le tout est de comprendre que la soubrette prend du plaisir à embarrasser Désiré. Est-ce clair pour vous ?  

- Comme de l’eau de roche, Maestro.  

L’eau se met à couler de la douche. Elle se frotte à l’aide d’une large éponge. On dit « Moteur », on dit « Action », et la machinerie se met en branle. L’acteur incarnant Désiré pénètre dans la salle de bain, surprend la soubrette prenant sa douche, elle fait son numéro avec éclat et justesse. On dit « Coupez », mais Guitry ne semble pas satisfait.  

- Cela ne va pas. On voit trop la bretelle de la soubrette. Elle n’a pas l’air assez nue.  

Dès lors, un conciliabule se met en branle. La costumière cherche une solution. L’opérateur propose des modifications, des prises de vue différentes pour adoucir le problème. La maquilleuse tente de camoufler la bretelle. L’éclairagiste de modifier l’angle de la lumière. Guitry n’est pas satisfait, il s’énerve. La comédienne laisse les choses se faire, elle est trempée, elle a froid, elle est triturée par diverses mains mais personne ne prend la peine de la consulter. Impatiente et agacée, elle descend de la baignoire.  

- Bon les enfants, on ne va pas tourner des heures autour du pot. Comme personne n’ose le demander…  

Au centre du plateau, entourée du réalisateur et de dizaines de techniciens, elle ôte purement et simplement sa nuisette. Nue comme un ver, légère et gracieuse, elle enjambe à nouveau la baignoire et reprend sa position. Avec un sourire mutin, elle regarde Guitry :  

- La solution vous convient, Maestro ?  

La maquilleuse et la costumière s’offusquent et s’éloignent. Les techniciens restent cois et ricanent. Guitry, lui, la regarde avec admiration et amusement.  

- Dites-moi, mon petit, votre nom, Arlette… Vous devriez le changer. « Arletty », cela vous convient mieux…  

 

 

La nuit est tombée. Arletty est assise sur la seule chaise de sa minuscule cellule et fume cigarette sur cigarette, éclairée par l’ampoule blafarde du plafonnier dont le courant émet un bruit léger mais continu. De l’autre côté de la lourde porte en fer, elle entend du remue-ménage. Les soldats ramènent une prisonnière en sanglots à sa cellule. Elle reconnaît les pleurs de Mireille Balin. Actrice adulée avant la guerre et pendant l’Occupation, celle-ci a commis la même faute qu’elle : aimer un ennemi. Mais elle l’a fait sans discrétion, enchaînant les mondanités aux bras de son dignitaire nazi. D’après ce qu’elle entend, on la traite maintenant sans ménagement. Elle distingue des insultes : « entraîneuse », « pute à boches »… Des noms d’oiseaux, elle en a entendu beaucoup. Mais ceux-ci lui enserrent l’estomac…  

Elle s’allonge sur son lit en fer inconfortable. Elle entend la porte de la cellule de Mireille s’ouvrir, on l’y jette. Puis à ses cris, elle comprend qu’on la brutalise. A quelques cellules de la sienne, elle entend un soldat lancer d’une voix graveleuse : « Tu vas voir, la Duchesse, que le Français vaut bien le schleu… » Elle tente de ne plus entendre les cris. Elle fixe l’ampoule au plafond. La lumière l’éblouit…  

 

 

… La lumière l’éblouit. Sur la scène du cabaret, des danseuses légèrement vêtues de froufrous et de plumes dansent autour d’un crooner à la peau noire. Assise à une table, Arletty tente de ne pas remarquer les regards qui se tournent vers elle. Depuis la sortie de son dernier film, Madame Sans-Gêne, qui rencontre un beau succès, elle ne peut plus sortir sans être abordée par des inconnus. Certes ils lui font preuve de sympathie et d’admiration, mais ce soir elle souhaite qu’on la laisse tranquille. A ses côtés, Jean-Pierre (Leonard BRUMEL) sirote sa coupe de champagne en regardant les danseuses. Fidèle compagnon, c’est vers lui qu’elle se tourne quand elle en a assez des hommes et des flatteries. Avec Jean-Pierre, pas de tralalas : il aime les hommes, donc joue franc-jeu avec elle. Pas de séduction entre eux, cela la repose. Il se tourne vers elle :  

- Et alors, la suite ?  

- Carné vient de me proposer un autre rôle. Une troubadour au Moyen-Age. Les Visiteurs du soir, que ça s’appelle.  

- Une troubadour ? On va voir tes jambes au moins ?  

Arletty rit.  

- Non, et c’est tant mieux ! Le temps passe, mon biquet. Est-ce que j’ai encore une gueule à m’enrhumer sur des plateaux de tournages ?  

- Tu es toujours aussi belle qu’une petite biche, et tu le sais bien…  

Ils sont interrompus par deux hommes en uniforme d’officiers nazis. L’un d’eux s’adresse à Jean-Pierre dans un français fluide malgré un lourd accent teuton, sans pour autant quitter la comédienne des yeux.  

- Monsieur Dubost, quel plaisir de vous revoir ! Cela faisait des semaines que je ne vous avais pas rencontré ici ! Vous permettez que l’on partage un verre avec vous et votre amie ?  

- Je vous en prie, Herr général.  

Les deux officiers s’installent à leur table. Le général commande une nouvelle bouteille de champagne d’une voix forte et désagréable. Arletty envoie un regard furibond à son ami, qui hausse les épaules en signe d’impuissance. Le général reprend la parole.  

- Mais nous n’avons pas fait les présentations. Voici mon aide de camp, le sous-caporal Hans Soehring.  

Arletty est agacée par cette arrivée intempestive. Malgré tout, la beauté du jeune homme et le regard qu’il lui porte la troublent.  

- Herr général, je vous présente mon amie…  

- Monsieur Dubost, vous savez très bien que j’adooore le cinéma ! Vous n’avez pas besoin de me présenter Madame ! Il se redresse et se prosterne devant elle, attirant le regard des tables avoisinantes : Madame, si vous saviez comme je vous admire…  

Elle aimerait surtout tant qu’il se rasseille et qu’il ferme son clapet ! Elle lui répond à peine d’un vague hochement de tête et reporte immédiatement son attention sur le spectacle. Devant la rebuffade, le général se rassoit et se tourne vers la scène. Le chanteur noir à la voix langoureuse termine son tour de chant et se fait applaudir. A nouveau, l’Allemand fait entendre sa voix tonitruante.  

- J’aime beaucoup cet endroit. Mais je ne comprends pas pourquoi ils éprouvent le besoin de faire appel à des nègres. Certes ils chantent bien, mais cela ne vaudra jamais la gorge blanche d’une Mistinguett ou les belles jambes d’une Arletty ! N’est-ce pas Madame ! Ah ah !  

Elle aurait pu vomir. Sur Jean-Pierre, tant qu’à faire, pour lui donner une leçon. Elle se demandait déjà quelle excuse prétexter pour se retirer au plus tôt, quand une douce et chaude voix s’adressa à elle. Le jeune homme s’était penché vers elle et lui soufflait à l’oreille :  

- Veuillez excuser mon général, Mademoiselle. Il n’est pas très subtil, mais ce n’est pas un mauvais homme.  

Elle se tourne vers lui, une réplique cinglante toute prête à lui sortir des lèvres. Pourtant, devant son beau visage et à la vue de ses mains fines et musclées, elle ravala sa bile.  

- C’est un sacré mélomane, votre loustic !  

- Oubliez cela. Il a beaucoup de qualités, mais surement pas celle de percevoir la puissance et la profondeur de la musique noire. Vous connaissez le Chat noir ? C’est une boîte de Pigalle où un pianiste reprend des morceaux de Duke Ellington. Je vous y emmènerai si vous le voulez bien.  

- Du jazz ? Je croyais que votre Führer l’avait interdit.  

- Vous allez les dénoncer ? Moi pas. Vous savez, mon Führer a beaucoup d’idées… qui me paraissent parfois assez excessives !  

Elle ne put s’empêcher de sourire. Voilà un officier allemand bien différent de ceux qu’elle avait pu rencontrer.  

En sortant du cabaret, Jean-Pierre lui serra le poignet et s’adressa à elle avec reproche.  

- Dis-moi que je rêve ? Tu viens d’accepter l’invitation d’un nazi ? Tu sais ce que tu fais ?  

- Et alors ? Ne t’inquiète pas mon biquet : mon cœur est Français. Par contre, mon cul est international…  

 

 

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Un film de Leonard BRUMEL  

Un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Jessica DANNA - Arletty  

Paulo FISCHER - Hans Jürgen Soehring  

Leonard BRUMEL - Jean-Pierre Dubost  

Bianca BURNS - Mireille Balin  

 

Sur une musique de Veronica DAVEY  

 

Si ce film s'inspire de la vie réelle de l'actrice Arletty, l'auteur indique s'affranchir de la réalité des faits pour privilégier la fiction.  

 

Scénario : (2 commentaires)
une série A historique (Biopic) de Leonard Brumel

Paulo Fischer

Jessica Danna

Leonard Brumel

Bianca Burns
Avec la participation exceptionnelle de Jeremy Hamlisch
Musique par Veronica Davey
Sorti le 09 mai 2031 (Semaine 1375)
Entrées : 22 234 616
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