« Que le soleil se lèvera demain est une hypothèse. » (Ludwig Wittgenstein)  

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--Film participant au Concours "On the Road"--  

"Le Monde s'achève aujourd'hui. Et avec, il emportera les innombrables vies humaines qui forment notre civilisation. Depuis plusieurs décennies déjà, il a fallut s'adapter aux nouvelles formes de vie. Quant à l'amour, le sujet qui nous intéresse, il a été trouvé une nouvelle forme de contrat pour lier les amants. Il ne s'agit plus de l'institution lourde du mariage, plombée par la fidélité et la longévité des vies humaines, mais de contrats éclairs durant deux années. Pendant deux années, chaque être de la planète est lié à quelqu'un par ce contrat amoureux. Lorsqu'il prend fin, les partenaires changent. Seules les passions fugaces comptent, dès qu'elles flanchent il faut les remplacer par des nouvelles. Aujourd'hui, c'est la fin du monde annoncée et autant les scientifiques que les religieux sont d'accord sur ce point. Sauf que..."  

- Quelle bande de trou-du-cul serrés, ils se sont plantés d'une année sur la fin du monde !  

- Quoi ?! C'est l'année prochaine ?! Mais on a vendu notre baraque et tous nos meubles, il ne nous reste que cette voiture !?  

- Bah, on est aussi des trou-du-cul alors. Et en plus... Ça veut dire que notre contrat s'achève dans 24h... Avec qui on va devoir se mettre après ?  

- Ils ont du prévoir le coup. Écoutons la radio pour voir ce que les Directeurs disent.  

Norman (Isaac Chenowith) et Amy (Toni Bergman) se sentent à l'étroit soudainement dans leur Bentley qui traverse les déserts américains. Ils s'étaient habitués à cesser de s'aimer prochainement et à vivre leurs derniers instants. Ils avaient même prévus de prendre des trips (vendus pour 1$ pièce dans les station-service) avant de crever ensemble dans un ravin profond juste avant la fin du monde. Ils ont déjà signé 6 contrats amoureux avant le leur et n'ont absolument aucune envie d'être avec un nouvel individu. Par chance, tous les contrats ont été tacitement renouvelés pour une année supplémentaire suite à ce retard entrepris par l'Apocalypse.  

Sur la route, ils croisent plusieurs voitures qui font demi-tour pour rentrer chez eux et revenir à leur vie normale. Chacun retrouvera son foyer, son animal de compagnie et ses voisins plutôt fades. Le retour à la normale n'est pas du goût de Norman et Amy qui prennent la décision suivante.  

- Et si on le prenait quand même, ce trip ? Et après, on continuera tout droit jusqu'à ce qu'un obstacle immense comme une montagne ou un océan nous arrête.  

- Ok, poupée. Prenons ces trips, arrêtons-nous dans la prochaine station-service et ensuite direction pour le Grand Voyage !  

La prochaine station-service était déserte. Pour cause, elle est discount et vend du très mauvais carburant (de l'essence d'étoiles en provenance de Mercure). Pendant que Amy achète les trips au distributeur à trips (appelé Distritrips), Norman feuillète les magazines virtuels sur les présentoirs. Secrètement, il adore les magazines psychologiques avec des titres tels que "Comment faire l'amour à l'interface de ma copine", "Je déteste mes implants capillaires" ou "Ai-je vraiment besoin d'une assistance psychologique quotidienne motorisée ?". Il en achète un en toute discrétion. Amy, elle, se retrouve face au Distritrips, elle suit les commandements de la voix robotique (Dante Machine) : "Bonjour Amy, veuillez faire votre choix entre nos différents assortiments de trips. Sachez que pour 3 achetés, le quatrième est gratuit. Pour commencer, appuyez sur le bouton vert". Quelques secondes plus tard, Amy ramène quatre trips dans la voiture.  

Amy et Norman reprennent la route. Sur le trajet, Amy glisse un trip dans la paume de la main de son compagnon. Elle prend le sien en premier et lui en second. Ils se regardent avec l'intensité de deux amants qui se connaissent bien et sourient en sachant qu'une grande aventure s'ouvrent devant eux. Pour commencer, la route devient bordée de cactus géants qui essaient de les avaler, des corbeaux de couleur rouge foncent droit sur le pare-brise et se crashent en éclatant en de multiples morceaux. Norman appuie sur la champignon et foncent à 240km/heure sur la route déserte. Amy a soudainement envie de parler, certaines vérités lui semblent importantes à dire.  

- Je crois que l'homme qui veut dominer ses semblables suscite la machine androïde. Il abdique alors devant elle et lui délègue son humanité. Il cherche à construire la machine à penser, rêvant de pouvoir construire la machine à vouloir, la machine à vivre...  

- J'aimerais tellement l'inventer cette machine...  

- Mais te rends-tu comptes qu'elle a déjà été découverte, chéri ? Et on s'en sert tous les jours sans même sans rendre compte. Regarde le cadran de ton tableau de bord, je suis certaine que tu ne sais pas comment ça marche et pourtant ta voiture est l'instrument de ta liberté !  

- Je ne comprends pas, ma puce... Je ne comprends pas, excuse-moi. Oh, regarde, il y a des biches écrasées là-bas !  

Ils arrêtent la voiture au niveau d'un troupeau de biches écrasées sur la route. Elles sont toutes mortes, les boyaux à l'air. Amy et Norman sortent du véhicule pour contempler la mort à l'oeuvre. Certaines sont à l'agonie tandis que d'autres sont bel et bien mortes. Norman est particulièrement fasciné par cette vie qui s'enfuit tandis qu'Amy est déjà remontée dans l'habitacle. En cachette, elle ouvre une poche pleine de trips car en réalité elle a trafiqué le Distritrips pour en avoir plein gratos. Elle en avale un de plus.  

Elle ouvre la radio pour écouter les nouvelles. La voix de la radio est étrangement la même que celle du Distritrips : "Repoussée d'une année, la fin du monde est. Les Directeurs du monde entier s'excusent auprès de la population de cette erreur à la fois scientifique et religieuse. L'erreur se situe dans la marge d'erreur, justement, qui fut mal calculée. Il se trouve que le centre de gravité de la Terre est en train de se modifier et c'est cela même qui modifie le rapport temporel. Cette mauvaise gestion des algorithmes horizontaux aura pour impact le remplacement immédiats de tous les Directeurs. Vous connaitrez leur nom dans quelques heures."  

De nouveau sur la route, Norman est en descente, autant physiquement (la route est en pente) que spirituellement (le trip ne fait plus effet). Le retour lent à la normalité commence à le faire trembler.  

- Je me souviens de notre fille morte dans l'incendie de notre première maison. Toi, tu ne dois plus t'en souvenir car nous avions pris pilules de l'oubli. Moi seul ai fait semblant de les prendre. Toi, tu as voulu oublier. Je te déteste pour ça et maintenant tu veux me faire la morale sur les relations morbides entre l'homme et la machine.  

- Nous n'avons jamais eu de fille, Norman. Je n'aurai jamais fait ça, je n'aurai jamais pu prendre ces pilules, je les ai toujours haïs.  

- Pas dans ce moment-là.  

La radio crée des interférences et on n'entend que des grésillements. Amy et Norman plongent dans un profond mutisme. Amy, qui est toujours perchée, aperçoit des androïdes qui leur courent après avec leurs immenses jambes mécaniques. Norman est dans la torpeur, il hésite à reprendre un nouveau trip. Il appuie brutalement sur la pédale de frein.  

Il sort de la voiture et coure comme un fou dans le désert. Pour Amy, il fuit les androïdes qui sont à sa poursuite. Pour Norman, il fuit une réalité excécrable. Amy décide de prendre le volant et de quitter la route pour le retrouver. Il est à genoux sur le sol brulant, en larmes qui ne s'arrêtent pas. Elle le prend dans ses bras et s'excuse. Elle lui dit : "J'ai l'impression de vivre dans une immense serre. Tu te souviens des cactus qui voulaient nous dévorer ? Je pense que la plante artificialisée ne peut exister que dans ce laboratoire pour végétaux qu'est une serre. Et nous sommes en plein dedans. Je suis profondément triste moi aussi, mais je ne saisis pas d'où vient cette tristesse".  

Amy et Norman remontent dans la voiture pour reprendre leur voyage. Ils avalent un trip chacun. Amy prend le volant cette fois-ci et Norman trafiquote la radio pour la refaire fonctionner.  

- Yes ! Elle marche ! Écoute cette douce musique, je l'adore !  

- Oh oui, ça je m'en souviens. On a dansé dessus lors de la fête de notre contrat amoureux.  

Musique de la radio : https://www.youtube.com/watch?v=NmCCQxVBfyM  

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un film écrit et réalisé par Dante Machine  

avec Isaac Chenowith et Toni Bergman  

Chanson du générique  

Tetris Theme - https://www.youtube.com/watch?v=NmCCQxVBfyM