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Les Films du Corbeau présente
La Taiseuse

 

Les années 1920, quelque part à Cinéjeu Island.  

 

La pluie fine de cette matinée grise ruisselait sur le toit de tuiles. L’eau débordait de la gouttière bouchée et ruisselait sur le plancher de bois du palier. Ariane (Alyssa Mitchell) sortit de l’appartement et regarda par-dessus la balustrade : elle ne vit personne dans la cour intérieure. La moitié paralysée de son visage n’exprimait rien de plus que d’habitude, mais l’autre moitié était secouée de tics nerveux. Elle était pâle. De sa main droite poisseuse, elle tentait de faire entrer la clef dans la serrure, mais elle tremblait. Son autre main lui était inutile, puisque toute la partie gauche de son corps était paralysé depuis la naissance. Elle réussit à fermer la porte tant bien que mal, puis jeta la clef dans la cour. Elle descendit l’escalier, son pied gauche résonnant sur les marches de bois. La semelle compensée alourdissait une jambe raide déjà gênée par la claudication. Elle faisait plus de bruit qu’elle n’aurait voulu, mais boiteuse, elle ne pouvait pas se déplacer à la fois rapidement et discrètement. Elle cacha ses mains souillées de sang dans les manches de sa veste.  

Arrivée en bas des marches, elle se tourna vers la fenêtre du petit appartement misérable : un filet de fumée filtrait depuis l’intérieur. Il fallait qu’elle se dépêche, avant que les voisins ne remarquent l’incendie. Elle fit demi-tour et voulu s’enfuir, mais elle se cambra lorsqu’un bruit de fit soudain entendre : un nourrisson se mit à brailler. Son cri venait de l’appartement. Ariane se retourna, horrifiée. Il y avait un bébé à l’intérieur ! Elle ne l’avait pas vu ! Elle était figée, il fallait qu’elle remonte, mais elle ignorait où était tombée la clef. Alors une voisine ouvrit sa porte et avança sur le palier ouvert du 1er étage. Ariane eut juste la force de reculer pour disparaître sous le palier. La femme s’approcha de l’appartement, d’où venait le cri. Elle aperçut la fumée filtrer sous la porte. Elle tenta d’ouvrir, en vain. Elle se mit à hurler :  

- Au feu ! Au feu !  

Ariane l’observait avec effroi, sans bouger de son abri…  

 

Les pompiers réussirent à maîtriser l’incendie avant qu’il ne touche trop sérieusement les logements voisins. La pluie fine avait été utile, mais l’appartement avait tout de même été dévoré par les flammes. La voisine attendait sur le palier, angoissée, retenue par un pompier. Un de ses collègues s’avança, la mine défaite.  

- Il y a deux corps. L’enfant, et sa mère j’imagine. On n’a rien pu faire.  

La voisine s’effondra sur l’épaule du pompier.  

Plus bas, dans la cour, des voisins et des badauds s’étaient regroupés et avaient observé les pompiers agir. Parmi eux, Ariane se tenait silencieuse, le visage révulsé par la paralysie et la terreur. Lorsqu’elle vit la voisine dans les bras du pompier, puis s’épancher face à eux, se tenant à la balustrade, un froid glacial lui balaya les entrailles. Un enfant était mort, et c’était sa faute. Elle se retourna et s’éloigna, d’un pas claudiquant et vidé de toute vitalité. Elle était sur le point de disparaître à l’angle du bâtiment, quand un cri s’éleva derrière elle.  

- C’est elle ! C’est elle ! Arrêtez-la !  

Elle se retourna. La voisine, le visage en larmes, la désignait en hurlant.  

- La boiteuse ! Je l’ai vu entrer dans l’appartement tout à l’heure ! La laissez pas s’enfuir !  

Ariane, terrorisée, reculait. Mais deux hommes s’empressèrent de la ceinturer, le visage empli de colère.  

 

 

L’inspecteur Alphonse Mirabeau (Joshua Kloss) pénétra dans son bureau. Sur la chaise qui lui faisait face se tenait la jeune femme, le visage tourné vers ses mains. Elle ne leva pas la tête lorsqu’il s’installa face à elle. L’histoire était moche. Une jeune femme et son enfant étaient morts le matin-même dans l’incendie de leur appartement. Les pompiers n’avaient rien pu faire. Le voisinage était en émoi devant une telle tragédie. Lui-même était encore chamboulé par la scène, et surtout énervé de ce que la presse fut arrivée sur les lieux avant lui.  

Après avoir relu ses fiches, il regarda cette femme qu’on accusait d’avoir lancé l’incendie. Elle évitait son regard. Elle était pâle. Le bord gauche de sa bouche pendait légèrement, sa main droite agrippait son autre main, inerte sur ses genoux. Il se fit la réflexion qu’elle aurait été belle si tous les muscles de son visage avaient été en éveil, et si elle avait pris soin d’elle. Car visiblement, elle n’avait jamais prêté attention à son apparence : ses cheveux ternes s’enfermaient dans un chignon refermé à la va-vite, ses vêtements étaient sombres et de peu de qualité. Les plis aux commissures de ses lèvres et de ses sourcils trahissaient un caractère renfermé et peu avenant qui la vieillissait. Elle ne devait pas avoir plus de 25 ans, pourtant on aurait pu lui en donner au moins 10 de plus… Mirabeau avait toujours été adroit à dresser le contour de la personnalité de ses interlocuteurs rien qu’en les observant. Et il pouvait dire que la jeune femme qui lui faisait face était murée dans un désarroi tel qu’il serait difficile d’y pénétrer.  

- Vous vous appelez Ariane Martin, et vous vivez seule avec votre père, Léopold Martin, ouvrier métallurgiste. C’est bien cela ?  

La jeune femme ne répondit pas. Elle fixait ses chaussures. Mirabeau se demanda même si sa paralysie lui permettait de parler. Il aurait dû interroger les agents qui l’avaient amenée.  

- Je lis que vous êtes couturière. Travaillez-vous dans un atelier ou chez vous ?  

Toujours pas de réponse, toujours pas un geste. Mirabeau décida de changer de méthode. Il reposa ses fiches, se leva de son bureau et approcha une chaise pour s’asseoir près de la jeune femme. Il s’adressa à elle avec délicatesse.  

- Vous êtes émue par ce qui s’est passé ce matin, je comprends ça. Mais vous devez me répondre. Que faisiez-vous là-bas ce matin ? Comment connaissiez-vous Mademoiselle Vielle ?  

Une larme coula sur la joue de la jeune femme. Mais elle continuait de se taire.  

- Avez-vous vu le feu démarrer ? Que s’est-il passé ? Pourquoi n’avez-vous alerté personne ?  

Les mains d’Ariane tremblaient, la partie droite de son visage fut altérée par une succession de tics nerveux, son souffle s’accélérait. Mais elle ne parla pas. Mirabeau voulut lui poser la main sur l’avant-bras, mais elle se recula violemment sur sa chaise. Elle était proche de la crise de nerfs.  

 

 

Ariane était assise dans sa cellule, seule. Elle fixait le sol en tenant toujours son bras gauche, comme si elle craignait qu’il ne tombe. Le maton passa devant ses barreaux et ouvrit la porte en la fusillant du regard.  

- Visite.  

Ariane vit une jeune femme entrer. Blonde aux yeux bleus, le teint frais mais la mine sombre, la jeune femme trainait un ventre lourd arrondi par une grossesse bien avancée. Marthe (Demetra Gorman) la regarda avec embarras. Sa sœur détourna aussitôt le regard. Le silence s’installa. La visiteuse finit par venir s’asseoir auprès d’elle. Ariane ne fit pas un geste pour l’en dissuader, ni pour l’encourager. D’un geste tendre, Marthe releva une mèche de cheveux qui pendait devant le visage de sa sœur.  

- C’est la police qui m’a prévenue. Je crois qu’ils ont aussi prévenu papa. Il viendra sûrement bientôt. Tu n’as pas bonne mine, Ariane.  

Marthe se sentait mal à l’aise. Elle ressentait le besoin de protéger sa sœur, de lui apporter son soutien, mais la communication n’avait jamais été simple entre elles deux. Et ce dont on accusait Ariane la décontenançait. On parlait d’assassinat, celui d’une femme et d’un enfant. C’était horrible. Elle ne croyait pas sa sœur capable d’une chose aussi atroce, mais elle devait bien s’avouer qu’elle avait toujours eu du mal à pénétrer ses pensées, à la comprendre réellement. Elle se pencha vers elle.  

- Que s’est-il passé, Ariane ? Veux-tu bien m’en parler ?  

Pour toute réponse, Ariane tourna la tête vers le mur opposé, s’ancrant dans son silence. Mais son visage ne reflétait pas le même trouble que face à l’inspecteur. La présence de sa sœur la mettait mal à l’aise, mais plus facile à supporter.  

- Ariane, je me fais beaucoup de soucis pour toi. On t’accuse de choses terribles. Je n’en crois pas un mot, mais si tu te tais, les choses vont s’empirer. Parle à l’inspecteur, explique-lui. Ou explique-moi, au moins ! Tu sais que tu peux tout me dire.  

Ariane la dévisagea avec colère. Tout lui dire ? Et dans quel but ? S’imaginait-elle pouvoir la comprendre ? Parce qu’elles étaient sœurs, c’est ça ? Mais si ce n’était le sang, que pouvaient-elles partager ? Leur vie était tellement aux antipodes l’une de l’autre. Quand Ariane avait souffert toute sa vie du handicap, de cette malformation, de solitude et du regard des autres, Marthe était née belle et fraiche, avait vécu toutes ses belles années aux côtés d’une sœur honteuse, s’était mariée avec un bel homme qui lui avait fait de beaux enfants. Et Ariane pouvait la détester, parfois, pour cela. La vie n’était pas juste de la même façon, que ce soit pour elle ou pour sa sœur. Alors que pouvait-elle comprendre de ce qu’Ariane avait à dire ?  

Marthe fut blessée par ce regard dur. Elle rougit. Non effectivement, elle ne pouvait pas comprendre les pensées qui emplissaient sa sœur. Elle se sentait désarmée, face à une inconnue.  

 

 

Flash-back, une dizaine d’années plus tôt.  

Ariane est adolescente, bientôt une jeune femme. Elle boîte en direction d’un lit où repose sa mère allongée, le teint pâle et fiévreux. Elle s’assied à côté d’elle et lui prend la main. La femme ouvre les yeux et contemple sa fille au visage déformé.  

- Ma pauvre Ariane, tu vas te sentir bien seule quand je serai partie. Que vas-tu devenir ?  

Ariane articula des paroles légèrement déformée par sa bouche tordue.  

- Dis pas ça maman. Et puis papa est là !  

La femme sourit avec tristesse.  

- Ton père est un homme bon, mais il ne sait pas s’y prendre avec ses filles. Non Ariane, dis-toi bien que tu es seule. Plus tôt tu l’accepteras, mieux tu t’en sortiras avec la vie. Car elle ne va pas être tendre avec toi. Il faudra que tu sois forte.  

Elle tenta de se redresser sur ses oreillers. Ariane voulut l’aider, mais sa mère retint son geste.  

- Va dans l’armoire et prends la boîte que j’ai cachée dans mes sous-vêtements. J’ai quelque chose à te montrer.  

Ariane s’exécuta et trouva un coffret en bois, pas plus grand qu’une boîte à chaussures, qu’elle amena à sa mère.  

- J’ai un secret que je veux te confier. Ne le dis ni à ton père, ni à ta petite sœur. C’est quelque chose qui te permettra d’avoir des à-côtés, une vie à toi et rien qu’à toi. Mais il faudra que tu sois aussi discrète que moi, car on en a pendu d’autres pour de tels secrets. Ouvre la boîte.  

Ariane ne comprenait vraiment pas où sa mère voulait en venir. Elle ouvrit le coffret et découvrit plusieurs ustensiles qu’elle n’avait jamais vus et dont elle ne connaissait pas l’utilité. Parmi eux, un pavé de savon noir, et une sorte de poire en caoutchouc reliée à un tube transparent. Elle interrogea sa mère du regard, qui lui répondit.  

- Sais-tu qui on appelle les « faiseuses d’ange » ?  

 

 

Ariane se tenait toujours dans sa cellule. Après la visite de sa sœur, on avait laissé la porte ouverte puisque l’inspecteur était au bout du couloir et discutait avec Marthe. Le maton revint, accompagné d’un autre visiteur, un homme plus âgé. Léopold (Leonard Brumel), le père d’Ariane, pénétra dans la cellule et regarda sa fille. Ariane répondit à son regard avec tendresse. Elle attendait cette visite avec impatience, elle en avait besoin. Elle aimait profondément son père. Il était comme elle, taiseux, et ensemble ils partageaient une solitude qui était rythmée par bien peu de divertissements, mais c’est auprès de lui qu’elle trouvait son réconfort depuis la mort de sa mère. Lui aussi avait beaucoup souffert, surtout depuis l’accident qui lui avait fait perdre son travail. Depuis, il restait souvent chez lui, désœuvré, et il avait commencé à boire. Loin d’être un père parfait, mais Ariane aimait s’occuper de lui.  

Elle fut marquée par son regard qui la toucha en plein cœur. Ses yeux étaient embués d’alcool et de larmes. Il souffrait de regarder sa fille. Et à mesure qu’il la regardait, ses sourcils se fronçaient de plus en plus en une grimace de dégoût…  

 

Marthe n’avait pas vu son père arriver. Elle parlait avec l’inspecteur Mirabeau.  

- Le procureur veut inculper votre sœur de meurtre avec préméditation. Il nous met beaucoup de pression parce que la presse parle beaucoup de l’incendie. Tout le monde est contre elle, pourtant je n’arrive pas à la voir comme une meurtrière. Mais elle refuse de parler ! Si elle ne veut rien dire, je ne pourrai jamais l’aider.  

- Ariane a toujours été une taiseuse, inspecteur. Mais je suis d’accord avec vous : elle n’a jamais eu un caractère facile, mais elle n’a jamais fait de mal à personne. La vie a été dure avec elle, et elle est devenue dure avec la vie. Elle est méfiante vis-à-vis des autres.  

- Que pouvons-nous faire ?  

- A moi aussi, elle refuse de parler. Je ne sais vraiment…  

Ils furent interrompus par des cris en provenance de la cellule d’Ariane. Ils accoururent et découvrirent le maton qui essayait de contenir Léopold Martin. Sa fille était au sol et pleurait en tentant de se protéger de ses coups. Il hurlait.  

- Qu’as-tu fait, fi de garce ? Un gamin est mort, nom de Dieu ! Vas-tu me répondre ?  

Mirabeau vint à l’aide du maton, et ils purent repousser Léopold hors de la cellule. Il était hors de lui.  

- C’est pas ma fille, ça. C’est un monstre !  

Marthe s’était penchée avec difficulté auprès de sa sœur et tentait de l’apaiser en maintenant sa tête sur ses genoux. Mais Ariane était prise des convulsions impressionnantes et gémissait de douleur. Mirabeau revint à la cellule et fut saisi par l’état de la prisonnière. L’opinion publique la prenait déjà pour une démente sanguinaire. S’ils ne parvenaient pas à la faire parler et l’aider à se contenir, on l’enverrait sûrement à l’asile. Il devait à tout prix éviter ça, car il était persuadé qu’Ariane avait beaucoup de choses à raconter…  

 

 

La veille.  

 

Ariane pénétra dans la cour avec sa démarche claudicante. Elle sortit un morceau de papier de sa veste et y relut l’adresse. C’était bien là. Elle gravit l’escalier en bois et regarda le numéro de la porte. Elle ouvrit la sacoche qu’elle tenait à la main et en sortit le coffret en bois de sa mère. Elle en vérifia le contenu. Tout était là. Alors elle frappa à la porte. Une jeune femme ouvrit. Elle était en chemise de nuit. Jolie au demeurant, elle avait néanmoins les traits tirés par la fatigue. Elle devait avoir beaucoup pleuré. Elle regarda Ariane avec angoisse. Celle-ci voulut lui sourire, mais y renonça rapidement. La grimace qui en résulterait l’effraierait plutôt que de la rassurer.  

- Je suis Ariane Martin.  

Le visage de la jeune femme s’éclaira légèrement.  

- Merci d’être venue aussi vite. Entrez…  

Elle referma la porte derrière Ariane, après avoir jeté un regard sur la cour. Elle vit un rideau de fenêtre bouger. Elle espérait que sa voisine ne les avait pas vues. Personne ne devait savoir pourquoi cette demoiselle Martin venait la voir.  

 

 

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Un film de Patricia COLEMAN  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Alyssa MITCHELL - Ariane Martin  

Joshua KLOSS - l’inspecteur Alphonse Mirabeau  

Demetra GORMAN - Marthe Sartot  

Leonard BRUMEL - Léopold Martin  

 

Sur une musique de Wayne HOPKINS  

Scénario : (3 commentaires)
une série B dramatique de Patricia Coleman

Joshua Kloss

Alyssa Mitchell

Leonard Brumel

Demetra Gorman
Musique par Wayne Hopkins
Sorti le 20 février 2032 (Semaine 1416)
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