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Les Films du Corbeau présente
L'Evangile selon Judas

Le jour déclinait et il restait à Shlomi (Avi Elias) encore un colis à défaire. Il avait mal au dos. Toute la journée, il avait fait l’inventaire de la librairie, défait des cartons, rangé des ouvrages dans les rayonnages. Et seul. Car son ami Aaron, le propriétaire de la librairie qui faisait très régulièrement appel à lui pour lui donner un coup de main, était malade et restait chez lui pour se reposer. Shlomi était universitaire, professeur de théologie, et aimait particulièrement venir sentir l’odeur de vieux papiers qui trainait dans cette boutique. Aaron lui permettait régulièrement de passer ses journées à consulter les ouvrages. Tous avaient plus ou moins un lien avec l’histoire des trois religions, celles de Jérusalem.  

Ce dernier colis, Aaron l’avait acquis lors d’une vente aux enchères. Probablement les rebus d’une bibliothèque fournie dont des descendants n’avaient pas accepté l’héritage. Il défit les liens de la grosse boite en bois et découvrit une vingtaine d’ouvrages. Shlomi fut assez peu surpris qu’ils aient attiré l’œil de son ami, car ils entraient tous dans la thématique de la librairie. Excepté un gros ouvrage illustré de Charles Dickens, qui étonna l’universitaire. En le consultant par simple curiosité, il fit tomber au sol une feuille de papier. La ramassant, il constata que, plus qu’une feuille, il s’agissait d’un parchemin élimé, mais dont on distinguait bien les caractères. Shlomi se saisit de l’inventaire qui répertoriait le contenu du colis : on y mentionnait bien le Dickens, mais pas le parchemin. Aaron savait-il qu’il se trouvait à l’intérieur ? Il faudrait qu’il lui demande.  

Intrigué, Shlomi déposa le parchemin sur son bureau pour l’examiner à la lumière de la lampe, et y porta toute son attention. Il semblait très ancien. Shlomi connaissait l’hébreu, l’anglais, le français, l’allemand et l’italien. Mais il ne comprenait pas la langue qui était utilisée ici. Grâce ses connaissances universitaires, il crut reconnaître des formes de caractères proches de l’araméen. La langue qu’on parlait du temps de Jésus ! C’était à peine imaginable qu’un document aussi ancien, donc aussi précieux, puisse se trouver là, devant lui.  

Il n’eut pas le temps de s’y intéresser davantage, car la sonnette de la porte retentit. Il sortit du bureau et rejoignit la boutique. Une jeune femme rousse (Gaby Vigmarsson) se tenait au milieu de la pièce. Les jeunes personnes étaient rares dans cette boutique, exceptés quelques étudiants de temps à autres. La jeune femme ne prêtait pas attention aux rayonnages encombrés, elle regardait Shlomi avec de grands yeux.  

- Bonjour, je suis à la recherche d’un document ancien.  

- Quel genre de document ? C’est pour offrir ?  

Elle était si jolie et vivante qu’il ne lui vint même pas à l’idée qu’elle puisse s’intéresser à de vieux ouvrages poussiéreux.  

- Non, c’est pour moi.  

- Vous savez que cette librairie est spécialisée dans l’histoire des religions ? Laquelle vous intéresse ?  

- Je cherche un document en particulier. Très ancien. Un parchemin.  

Shlomi s’étonna.  

- Nous possédons surtout des livres. Mais vous tombez à point, je viens justement d’en recevoir un !  

- C’est celui-là que je cherche.  

- Celui-là ? Comment…  

- M. Abergel, je suis disposée à vous offrir une somme très généreuse pour ce parchemin.  

Shlomi commençait à se sentir mal à l’aise.  

- C’est que… Je ne suis pas le propriétaire de cette librairie. Nous venons juste de le recevoir, et nous ne l’avons pas encore fait expertiser. J’ignore combien en demandera M. Silberman.  

La jeune femme sourit.  

- Je comprends. Voulez-vous me rendre un service M. Abergel ?  

- Dites-moi…  

- Vous allez recevoir de nombreuses propositions pour ce document. Promettez-moi de n’en accepter aucune avant de me donner la chance de pouvoir vous faire une offre supérieure. C’est très important pour moi.  

- Ca, je peux vous le promettre.  

- Merci, M. Abergel.  

Elle s’apprêtait à sortir de la boutique, quand Shlomi réalisa qu’il ne connaissait pas son nom. Elle se retourna et lui adressa un sourire énigmatique.  

- C’est moi qui reviendrai vous voir, ne vous en faites pas.  

 

 

La nuit était tombée depuis un moment, mais Shlomi n’arrivait pas à détacher son regard du parchemin. Comment cette jeune femme avait-elle eu vent de sa présence dans le colis, alors qu’il n’était vraiment pas certain que son ami-même en connaissait l’existence ? Soudain, Shlomi réalisa qu’elle l’avait appelé plusieurs fois par son nom de famille. Comment le connaissait-elle ? De plus en plus intrigué, il prit le combiné du téléphone et composa le numéro d’Aaron. Mais il ne répondit pas. Peut-être était-il déjà endormi.  

Il lui sembla plus prudent de ranger le manuscrit dans le coffre-fort du bureau. Mais avant, il prit soin de prendre le document en photo avec son téléphone portable. Il avait une idée derrière la tête. Il rassembla ses affaires et s’apprêta à sortir de la boutique. Mais arrivé devant la vitrine, il sursauta. Un jeune homme en habit de prêtre (Aymeric Cruz) le fixait d’un air sombre de l’autre côté de la porte.  

- Nous sommes fermés.  

Sa voix était chevrotante. Il se sentait ridicule.  

- M. Abergel, j’aimerais vous parler quelques secondes seulement.  

Encore un qui connaissait son nom ! Shlomi ouvrit le verrou et le laissa entrer. Le prêtre pénétra dans la boutique en regardant les rayonnages, le nez froncé comme si quelque chose l’indisposait. Shlomi eut très rapidement envers lui un sentiment d’antipathie.  

- Je n’ai pas beaucoup de temps, Monsieur…  

- Père Dresner. Je suis le doyen du diocèse de Jérusalem.  

- Le doyen ?  

Il ne devait pas avoir plus d’une trentaine d’années, cela paraissait peu vraisemblable.  

- Vous n’êtes visiblement pas de notre confession, M. Abergel. Sinon vous sauriez qu’un doyen n’est pas le plus âgé, mais celui à qui l’on a confié le plus de responsabilités !  

Il était toujours agréable de recevoir une leçon de la part d’un jeune prêtre hautain à la fin d’une journée de travail…  

- Je ne vous retiendrai pas longtemps, M. Abergel. Vous possédez un manuscrit que je souhaite vous acheter.  

- Vous aussi ? Mais comment diable savez-vous qu’il est ici !  

Dresner fronça les sourcils.  

- Vous avez reçu d’autres visiteurs à ce sujet ?  

Shlomi perdait patience.  

- Ecoutez, je ne suis pas en mesure de vous vendre quoi que ce soit. Cette librairie n’est pas à moi. Revenez dans quelques jours, après l’expertise.  

Il ouvrit la porte pour lui montrer le passage.  

- M. Abergel, vous n’avez probablement pas idée de l’importance de ce document. Je ne représente pas n’importe quelle institution, comme vous vous en doutez. Et je ne parle pas que de l’Eglise de Jérusalem. Vous n’avez pas non plus idée de l’importance des personnes que ce manuscrit peut intéresser. Aussi nous sommes prêts à être généreux. Mais j’ose croise que vous aurez la charité de ne pas profiter de votre situation pour…  

- Je sais, tout le monde est très généreux ces temps-ci. Au revoir, père Dresner.  

 

 

Aaron persistait à ne pas répondre. Il ne lui restait qu’à aller frapper à sa porte. Au volant de sa voiture, il longeait les boulevards de la ville animée dans cette soirée de juin. Aaron habitait à l’extérieur de la ville. Soudain, Shlomi eut la stupéfaction de voir la nuit « pâlir ». En quelques secondes, le ciel s’éclaira au point de revenir à une lueur de pleine journée ensoleillée. C’était inoui. Il regardait les passants, qui ne réagissaient pas. C’est alors qu’il aperçut la jeune femme rousse, debout sur le trottoir, qui le regardait. Il ouvrit sa portière et sortit du véhicule. Mais au même instant, il fut prit d’un vertige et s’accrocha au montant de la portière. Lorsqu’il ouvrit les yeux, la nuit était retombée, la jeune femme disparue, et les passants marchaient comme si de rien était.  

Une lassitude l’étreignit. Il rendrait visite à Aaron le lendemain.  

 

 

Avant de se rendre chez son ami, il s’arrêta à l’Université de Jérusalem. Il voulait voir une collègue, qu’il ne connaissait pas personnellement, mais qui serait en mesure de lui enlever un doute. Le professeur Ziva Reiss (Anna Vodianova) enseignait l’histoire des religions, et assurait un cours au moment où il pénétra dans l’amphithéâtre. Il patienta quelques minutes. Puis, quand la sonnette retentit et que les étudiants eurent quitté leurs sièges, il rejoignit la jeune femme. Il lui parla du document qu’il avait reçu la veille. Elle était la meilleure spécialiste qu’il connaissait à Jérusalem en matière de langue araméenne. Il lui confia ses doutes, et lui montra la photo sur son téléphone portable. Mais à la place du document, il eut la surprise de constater que la photo était totalement blanche.  

- C’est un enseignant en photographie que vous cherhez…, lui dit l’enseignante en souriant.  

- Elle était parfaite hier soir, j’ai vérifié… Accepteriez-vous de m’accompagner à la librairie ?  

 

 

Shlomi avait espéré qu’il trouverait Aaron de retour à la boutique, mais ce n’était pas le cas. Il retrouva le manuscrit dans le coffre-fort, et Ziva Reiss se pencha dessus avec intérêt.  

- A première vue, c’est bien de l’araméen. Mais dans une forme complexe…  

Elle se tut et se plongea dans la lecture du document. Au bout de quelques minutes, Shlomi hasarda une question.  

- Ce pourrait-il que ce soit un faux ?  

Ziva ne l’entendit pas. Elle fronçait les sourcils.  

- Melle Reiss ?  

Elle releva la tête, les yeux écarquillés.  

- …Un faux ? Ca, je ne suis pas qualifiée pour vous le dire. Mais ce que je viens de déchiffrer est… j’ai…  

Ses doigts tremblaient sur la feuille manuscrite.  

- Vous allez bien, Ziva ?  

- J’ai besoin d’un café.  

 

 

Ils étaient maintenant attablés dans un bistrot en face de la boutique, un café posé devant eux. Ziva parlait à Shlomi en contenant le volume de sa voix.  

- Je pourrais me tromper. C’est un araméen complexe, très ancien. Et si je me trompe sur l’interprétation d’un signe, cela pourrait tout changer sur le sens de… Par exemple, si je manque une négation…  

- J’ai compris, Ziva. Mais dites-moi ce qui vous met dans cet état-là.  

Ziva regarda autour d’elle.  

- Tout d’abord, c’est écrit à la première personne. Comme un témoignage, ou une confession. Ensuite, je suis certaine d’avoir déchiffré plusieurs fois un nom, et un seul : « Sikariot ».  

- Sikariot… Sicaire ?  

- Oui, ou « Iscariote ».  

- Comme « Judas Iscariote » ?  

- Précisément.  

Ziva le regardait avec insistance. Etait-il censé déduire quelque chose en particulier ?  

- Vous voulez dire que Judas peut avoir écrit ce manuscrit ?  

- Je me trompe peut-être…  

- C’est insensé !  

Shlomi se frotta la tête. Cela le dépassait.  

- Et si vous ne vous trompez pas, qu’est-ce que ça veut dire ?  

- Ca ressemble à un témoignage, comme je vous l’ai dit. D’autres de ses semblables ont également témoigné à la même époque…  

- Un évangile ?! Vous pensez que dans le coffre de ma boutique, je dispose de l’évangile de Judas Iscariote ???  

Ziva baissa les yeux sur son café. L’idée était trop invraisemblable. Shlomi était complètement décontenancé.  

- Cela expliquerait pourquoi le prêtre tient tellement à l’avoir. Vous vous imaginez ? Un nouveau témoignage d’un proche de Jésus ? Et Judas en particulier ?  

- Cela pourrait renverser les fondements-même de la plupart des religions de cette planète.  

Shlomi et Ziva sursautèrent en entendant la voix éraillée du vieil homme (Daniel Prigione) qui s’était avancé vers eux sans qu’ils s’en rendent compte. Ils le fixèrent, interdits. L’homme les regardait en souriant. Il dégageait un calme et une sérénité évidente. Il s’assit auprès de Ziva.  

- N’êtes-vous pas curieux de savoir ce qu’il a à raconter ?  

- Qui êtes-vous ?  

Aussi souriant était-il, Shlomi se méfiait.  

- J’ai bien peur d’être un admirateur de plus de votre découverte !  

- Et vous voulez m’en proposer une somme très généreuse, j’imagine ?  

- Pas du tout ! Pour tout vous dire, j’avais espéré que vous accepteriez de me l’offrir gracieusement…  

- Ce document n’est pas à moi. Venez, Ziva.  

Shlomi se leva, mais l’homme arrêta la jeune femme en posant sa main sur la sienne, sans se départir d’un sourire doux. Il s’adressa à elle.  

- Les généreuses propositions qu’a reçu M. Abergel n’ont qu’un but, croyez-moi : détruire ce document. Il est très dangereux ! Imaginez, une possibilité de repenser entièrement tout ce sur quoi se sont bâties les cultures chrétiennes. Mais pas seulement ! Judaïques, et musulmanes aussi.  

La jeune femme plongeait son regard dans le sien.  

- Et vous, vous voulez que tout le monde en ait connaissance ? A-t-on le droit d’ôter à des milliards de personnes leurs croyances ? Leurs espoirs ?  

- A-t-on le droit de leur cacher la vérité ?  

Shlomi intervint.  

- Est-ce à vous d’en décider, qui que vous soyez ?  

- Non M. Abergel, j’en conviens. Dans l’immédiat, c’est d’abord à vous de prendre une décision…  

- Pas moi, non.  

 

 

BO : https://www.youtube.com/watch?v=uTAaKAVpOOM  

 

Shlomi et Ziva roulaient en direction de la demeure d’Aaron Silberman. Ils regardaient la route, sans dire un mot. Ils étaient tous les deux dans une tension nerveuse extrême. Sortis de Jérusalem, ils approchaient de la maison. Soudain, la voiture fut prise de secousses brutales. Shlomi freina. Sitôt arrêtés, les secousses disparurent. Ziva s’apprêtait à ouvrir sa portière, mais Shlomi l’arrêta.  

- Non, ne sortez pas !  

- Ce n’est qu’un tremblement de terre.  

- Je ne crois pas.  

Shlomi désigna une vieille dame, qui marchait sur le côté de la route comme si de rien n’était. Elle n’avait visiblement rien ressenti. Il redémarra le moteur et parcouru les quelques centaines de mètres qui les séparaient de leur destination. La maison d’Aaron était paisible, les volets étaient ouverts. Shlomi sonna, mais n’eut aucune réponse. Il tenta d’ouvrir la porte, qui n’était pas verrouillée. Dans le hall d’entrée de la spacieuse maison, il appela son ami. Mais celui-ci ne répondit pas. Il arpenta le salon, la cuisine. En montant l’escalier, il sentit une odeur particulière, une odeur de roussi. Une angoisse lui étreignit les entrailles, et il se précipita vers la chambre d’Aaron. Il le découvrit là, ou plutôt ce qu’il en restait. Dans son dos, Ziva émit un cri étouffé. Sur le lit, une forme humaine était étendue, complètement carbonisée. On eut dit qu’un feu terrible avait ravagé son corps, sans abimer la moindre parcelle de draps. Pourtant l’odeur de roussi dans la pièce était insoutenable. Shlomi était pétrifié devant les restes de son ami. Ziva se dirigea vers la fenêtre qu’elle ouvrit, pour aérer.  

- Shlomi…  

L’universitaire tourna la tête. Elle regardait à l’extérieur. Shlomi la rejoignit. Dehors, une pluie tombait sur les maisons du voisinage. Une pluie rouge et épaisse, de la couleur du sang. Dans le jardin d’Aaron se tenait la jeune femme rousse. Elle les regardait calmement.  

 

 

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Un film de Bernie HOWELL  

Sur un scénario du Corbeau, librement adapté de la nouvelle Le Mystère de High Street d’Anne Perry  

 

Avec  

Avi ELIAS – Shlomi Abergel  

Anna VODIANOVA – Ziva Reiss  

Gaby VIGMARSSON – la jeune femme rousse  

Aymeric CRUZ – le père Dresner  

Daniel PRIGIONE – le vieil homme  

 

Sur une musique de Joan JODOROWSKY  

 

Le Corbeau remercie la Morcar Prod pour son aide graphique  

Scénario : (1 commentaire)
une série A fantastique de Bernie Howell

Avi Elias

Anna Vodianova

Aymeric Cruz

Gaby Vigmarsson
Avec la participation exceptionnelle de Daniel Prigione
Musique par Joan Jodorowsky
Sorti le 11 septembre 2032 (Semaine 1445)
Entrées : 21 882 046
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