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Le Tumulte et le Sang

Demain, le val s'emplira d'un flot de tourments.  

Les entrailles se répandront dans un sublime fracas.  

Seul l'éclat de la braise saura conduire les êtres qu'un fer ardent a désigné.  

Une unique perspective : le tumulte et le sang.  

 

1772, le sud de la France  

Un infini silence figeait l'audience. Des regards mornes alourdissaient des visages pâles tournés vers le sol, vers le vide. Vêtus sobrement de noir, les paroissiens s'adressaient silencieusement au Seigneur lorsque la voix du prêtre se mit à raisonner dans l'édifice entier. Le jeune clerc, le Père Étienne (Leonard Berger), de sa voix rassurante, déclamait en latin quelques proses bibliques. Sous la nef centrale, une foule importante s'était amassée. Des jeunes garçons aux moues perplexes étaient adossés à une imposante colonne tandis que quelques visages renfrognées acquiesçaient machinalement comme pour valider les paroles de l'orateur. Sur l'une des rangées de bancs, au coeur de la masse, une douce et frêle jeune femme se tenait. Catherine (Martha Ren) tenait les yeux clos, tendant simplement l'oreille pour ouïr les saintes paroles. Elle se sentait traversée de mille frissons, emplie d'une tristesse que nul être n'aurait pu diminuer. Cette même tristesse qui semblait parcourir l'entière assemblée. Les fidèles de la bourgade entière s'en remettaient à Dieu en ce jour funeste ; le corps d'une innocente fillette, décédée quelques jours plus tôt, était sur le point d'être inhumé.  

La messe touchant à sa fin, ils convergèrent tous vers la porte de l'église. Catherine se mouvait, lentement, comme prise dans un flot stagnant dont elle ne pu s'extraire qu'à l'issue du cheminement. Un homme au visage bouffi la bouscula bassement avant de pester :  

 

« Ta simple présence ici est obscène. »  

 

Ces quelques mots partagés, il se mit à crachoter salement, expulsant quelques saillies de bave. Une multitude de murmures furent échangés alors qu'un cercle se formait tout autour de la jeune femme. L'ordurier personnage avait disparu en se fondant dans la masse. Celle-ci se plaisait désormais à faire l'écho d'une rumeur des plus scabreuses : Catherine, aux yeux de tous, domestiquaient des assassins ...  

 

Les cadavres de quatre fillettes avaient été retrouvés ces dernières semaines, couverts d'entailles, en lesquelles certains disaient voir l'oeuvre implacable d'une bête. Personne n'avait oublié le spectre de terreur qui s'était propagé quelques années plus tôt sur les contrées méridionales du Gévaudan. Cinq ans après la dernière attaque, les habitants de Florac s'épouvantaient à nouveau, renouant avec leurs pires angoisses. La Bête ressuscitée, ils ne la voyaient reculer devant rien pour parachever son infernal dessein.  

 

Les descriptions de la Bête étaient multiples, chacun s'employant à en produire un portrait stupéfiant. Certains lui prêtaient la taille d'un géant tandis que d'autres insistaient sur l'insatiabilité de son appétit. Peut-être était-ce un loup-garou ? ou bien une chimère ? L'indétermination emmêlait encore davantage les évènements, les transformant alors en d'obscures mythes. Mais la réalité des faits était certaine, faisant définitivement plonger la population floracoise dans le trouble. Ces derniers temps, la bourgade entière, friande de médisances, avait jeté son dévolu sur la jeune Catherine, et plus spécifiquement sur les chiens qu'elle élevait depuis son plus jeune âge. Ces choses qu'elle avait apprivoisé étaient, aux yeux de tous, l'origine des massacres.  

 

Catherine n'avait pas supporté le déchainement d'aigreur subi sur le parvis de l'église et avait fui pour se réfugier dans la forêt. Elle était allongée dans le sous-bois, au milieu de ficaires en fleurs. Soudain, un sublime animal vint la rejoindre ; c'était un loup à l'imposant pelage blanc. Il semblait y avoir une formidable complicité entre eux. « Les hommes sont fous » déclara-t-elle, tout en regardant tendrement l'imposante bestiole. Cet indéfectible amour qu'elle portait à la faune et qui demeurait un précieux repère en ces temps périlleux, elle l'avait hérité de sa défunte mère. D'un coup, la jeune femme se mit sur ses deux jambes, déchira d'un geste assuré sa longue robe noire avant de filer en courant à travers les bois. Poursuivie par son compagnon, qui la dépassa rapidement, elle ne semblait pas même savoir où elle allait, si ce n'est vers la liberté. Peu avant prisonnière du regard d'autrui, elle pouvait ici se vautrer nue dans les fourrés sans que personne ne la juge. Elle n'était ici nullement contrainte. L'exaltation présente lui avait pleinement fait oublier les raisons de son chagrin. Elle s'approchait des rives du Tarnon lorsqu'une découverte chassa tout son enthousiasme. Face à elle, étalé sur un tapis de feuilles mordorées, le cadavre ensanglanté d'une toute jeune enfant gisait. De multiples lacérations quadrillaient le corps inerte. Le visage, lui, était intacte, comme s'il avait été volontairement préservé. Mais comme si la scène n'était pas assez abjecte, une parcelle du corps avait été spécialement écorchée : le sexe de la fillette était désormais une plaie sanguinolente. Ne pouvant supporter la vue d'un tel tableau, et sentant la nausée lui venir, Catherine s'enfuit.  

 

Cloitrée dans le logis familial avec ses deux chiens depuis sa macabre découverte, la jeune fille méditait. Ce ne pouvait être l'oeuvre d'un autre animal que l'Homme. Lui seul était capable d'un travail aussi précis, minutieux, aussi sadique. Si elle avait été victime d'une bête, la fillette aurait été déchiqueté imparfaitement, couverte de morsures et non du tracé de lames. Et que dire de de son entrecuisse, littéralement crevé ... Les images demeuraient. Catherine en était maintenant persuadée, après des jours d'intense réflexion : le tueur était un homme.  

 

« Le mortier, s'il-te-plaît. »  

 

Catherine mit plusieurs secondes à s'extirper de ses sinistres songes alors que son père la sollicitait. Charles (Franck Elioth) n'insista pas et alla lui-même chercher l'outil. Depuis le décès de son épouse, il s'était occupé seul de l'éducation de son unique fille. Son métier d'apothicaire lui assurait un revenu régulier ainsi que la reconnaissance des villageois. Pour le reste, et comme tout le monde, il s'en remettait à Dieu.  

 

La porte de la boutique s'ouvrit soudainement, faisant s'engouffrer un vent glacial en même temps qu'une vieille dame aussi haute que large. Accompagnant son entrée d'un vif hoquet, la vieille ne manqua de se faire remarquer. Il s'agissait de Mme Bouvais (Adele Cohen), éminente veuve de la bourgade qui se trouvait être la mère du prêtre. Cette femme respectée mais dépourvue de tendresse maternelle avait adressé son fils, dès que possible, à un séminaire, traçant l'entièreté de sa vie. Elle s'approcha du comptoir et déposa une feuille de papier pliée ; Mme Bouvais avait pour habitude de faire une liste des produits souhaités, de sorte qu'aucun client ne pouvait avoir connaissance du contenu de sa commande. C'était une femme très secrète mais qui, bien évidemment, adorait jaboter lorsqu'il s'agissait des autres. Voyant Catherine au fond de la boutique, elle ne pu s'empêcher d'annoncer qu'une amie d'un ami du boucher de son quartier avait ouï-dire que Catherine avait été vue avec un loup près du corps sans vie de la dernière victime trouvée. Et elle disparue aussi vite.  

 

Nul ne savait qui l'y avait vu, mais tout le monde avait eu vent de cette présence suspecte. Et ainsi, ceux qui avaient vu en elle, les premiers, le monstre qu'elle était, se félicitaient de leur fabuleuse perspicacité. Chacun, dans les rues, dans les champs, à l'église la condamnait vivement, sans que jamais personne n'ose véritablement l'approcher.  

 

Un jour, alors qu'elle s'était absentée une journée entière, elle crut défaillir en découvrant que ses deux chiens domestiques baignaient dans une importante flaque de sang. Le souffle lui manqua, elle ne pouvait accepter la vérité à laquelle elle faisait face. Ses bêtes avaient été victimes d'une terrible méprise, et plus clairement de la cruauté de ses semblables. Elle s'allongea à leur côté, se fichant du liquide pourpre qui continuait d'affluer ...  

 

 

« Je le sens, je l'éprouve. Chaque jour cette chose grandit en moi, se nourrit de moi et menace de paraître. Je ne pourrai le dissimuler plus longtemps ... Que ferez-vous lorsqu'il sera trop tard ? Que ferez-vous, mon père ? »  

 

Le prêtre ne réagissait pas. Il ne savait pas, il ne savait rien. Réunis dans le confessionnal, mais séparés par la fine grille de bois, Catherine et le Père Étienne échangeaient discrètement. Catherine venait ici se confier, mais nullement se repentir. L'homme d'église ignorait le comportement qu'il devait adopter en cette situation précise qu'aucun livre sacré ne lui avait enseigné.  

Ne sachant comment interpréter le silence de son interlocuteur, Catherine décida de se retirer. Elle ne pouvait prendre le risque d'être vue ici en la présence du prêtre, alors elle se hâta. En cette nuit brumeuse, opaque il n'y avait rien de rassurant à errer dans les sinueuses rues de Florac. La nature elle-même semblait s'être mise au diapason ; le souffle du vent stridulait au contact des arbres et l'eau de la rivière s'écoulait lentement, comme suinte une plaie. Et c'est ainsi qu'au croisement de deux ruelles, l'inéducable se produisit : trois hommes aux silhouettes imposantes se placèrent en obstacle, avant de la cercler. Elle eut à peine le temps de reconnaître l'un d'entre eux : un homme en deuil, venu supposément venger la mort de sa fille. Tandis que ses deux alliés la maintenait, il commença à la frapper au visage. Elle ne résistait pas, acceptant ce qui lui arrivait comme une conséquence logique, tolérable. Catherine avait pris conscience de l'insanité de son existence et semblait alors en être détachée. Elle tenta à plusieurs reprises de les instruire ; ce n'était pas des morsures animales mais des entailles artificielles qui parcouraient le corps des victimes. Les assaillants répliquèrent par de multiples violences, de multiples injures.  

Ils la trainèrent ensuite sur la plus grande place de Florac ; ici, elle serait visible de tous. Peu à peu des gens vinrent, mais aucun ne s'interposa. Le spectacle leur était trop jouissif. La jeune femme subissait un tamponnement ininterrompu du visage qui peu à peu perdait toute sa structure. Et puis ils furent las, alors ils se mirent à la dévêtir. L'on ne sait si c'était en vue d'un viol ou dans une perspective dégradante car ils furent pétrifiés en retirant son ample habit. Une vision inattendue provoqua la stupéfaction de toute la foule qui ne cessait jamais de croître : celle d'une pucelle enceinte.  

 

« LA CATIN A ÉTÉ ENGROSSÉE PAR LA BÊTE » hurla un homme et très vite chacun se mit à crier expressions semblables. La foule dans un vent délirant commença a scander « Brulons la sorcière » et bien au delà des remparts de la ville, la cohue se faisait entendre. Les jeunes garçons s'enivraient de cette atmosphère galvanisante tandis que les vieilles figures renfrognés commençaient à se dérider. Des rires glaçants éclatèrent.  

Cette immense masse infâme, exaltée à la vue d'une femme torturée ne méritait peut-être pas de connaître la véritable source de ses maux. Ils finiraient par se dévorer entre eux, ils n'avaient nul besoin d'un quelconque démon. Le feu de paille allait bientôt embraser le corps de Catherine en même temps que les curieux, plus que séduits à l'idée de la voir crever.  

 

Catherine, dépossédée de sa vue, était encore vive. Faible, agonisant mais vivante. Elle ne pensait plus à elle mais à cette chose qu'elle sentait, qu'elle éprouvait, cette chose qu'elle partageait avec le Père Étienne et qui se trouvait être leur enfant, leur bâtard. Le clerc n'avait su réagir quelques minutes plus tôt lors de leur entrevue mais devait présentement se presser. Il n'avait plus à s'inquiéter du regard de sa vieille mère et des bigots de la bourgade car bientôt son enfant ainsi que sa maîtresse seraient calcinés, car bientôt tout ne serait que tumulte et sang.  

 

« Que ferez-vous lorsqu'il sera trop tard ? Que ferez-vous, mon père ? »

Scénario : (1 commentaire)
une série B dramatique (historique) de Gillian Cmiral

Franck Elioth

Martha Ren

Leonard Berger

Adele Cohen
Sorti le 25 décembre 2032 (Semaine 1460)
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