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Les Films du Corbeau présente
Les Idées roses

C’est en payant ses articles à la caisse de la grande librairie que Garance (Laurie Patton) rencontra Marceau (Edward Laren) pour la première fois. En même temps qu’il les bipait, il jeta un coup d’œil appuyé sur les achats de la jeune femme : quelques essais, quelques romans, deux ou trois DVD de vieux films français, un carnet de croquis vierge… Il fronça les sourcils en regardant la couverture de L’Enfer de Dante ou du Menon de Platon.  

- Des lectures bien sérieuses !... , commenta-t-il.  

Garance ne releva pas. Elle ne venait pas là pour qu’un inconnu commente ses lectures. En découvrant un roman de Jane Austen, le visage du jeune homme s’éclaira.  

- Ca, c’est davantage recommandé ! Beaucoup plus lumineux...  

Il commençait à l’agacer. Elle lui demanda une facture, il lui demanda son nom.  

- Garance ? Comme c’est joli ! C’est le nom d’une fleur. Rouge. Rouge comme vos lèvres.  

Garance ouvrit de grands yeux. C’était l’une des plus consternantes tentatives de drague à laquelle elle avait eu droit. Marceau sourit, gêné.  

- C’est une réplique de ce film… Je pensais que vous le saviez…  

Il pointait du doigt le DVD des Enfants du paradis de Carné, parmi ses achats. Elle sourit à son tour. Effectivement, elle avait déjà vu le film de nombreuses fois et se souvenait de la réplique. Elle fut légèrement soulagée…  

Il lui tendit un objet.  

- Tenez, petit cadeau.  

C’était un crayon rose à paillettes ridicule, avec une plume synthétique rose fluo à son bout.  

- Pour votre carnet de croquis. Vous pourrez voir la vie en rose !  

Garance commençait à être amusée. Elle régla ses articles et s’apprêtait à s’en aller.  

- Vous reverrai-je ?, lui demanda-t-il.  

Décidément, il était très vieux jeu.  

- Sait-on jamais avec le hasard.  

- C’est que Paris est grand !  

- Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour…  

Avant de disparaître par les portes vitrées, elle se retourna.  

- Ca aussi évidemment, ce n’est qu’une réplique du film… , précisa-t-elle avec humour.  

Il la regarda partir, émerveillé.  

 

 

Ils se revirent. A la librairie, tout simplement, que Garance fréquentait régulièrement. Marceau faisait toujours en sorte de la recevoir lui-même en caisse quand il l’apercevait. Et quand il ne l’avait pas vue, Garance faisait discrètement en sorte de se montrer dans son champs de vision. Il l’amusait autant qu’il la consternait. Elle ne connaissait personne comme lui : ses avances romantiques étaient d’un autre âge. Il lui offrait régulièrement des petits cadeaux : une carte postale poétique, un roman à l’eau de rose, (« pour que vous pensiez à moi »), un marque-page bariolé de rose… Si ses avances n’avaient pas été aussi ouvertes, elle se serait sans doute posé des questions sur la sexualité du jeune homme, tellement il était attiré par des sujets frivoles et ses cadeaux tous d’une couleur rose criarde. Mais elle finit par accepter de prendre un verre. Puis de se promener dans Paris avec lui. Puis de dîner avec lui. Puis de l’embrasser. Puis de passer la nuit avec lui…  

Marceau lui avait fait la cour en bonne et due forme, comme au temps jadis. Garance s’était prêtée au jeu avec patience. Elle avait presque redouté qu’il la demande en mariage avant de « l’honorer » ! Mais heureusement, s’il était vieux jeu, il ne l’était quand même pas à ce point-là…  

Ils se fréquentaient depuis plusieurs semaines maintenant et Garance était toujours surprise et gênée, par moments, par ses élans de romantiques exacerbés, ses éclats d’amour en pleine rue, ses bouquets de fleur, ses déclarations enfiévrées dans leurs moments intimes… Mais elle était avant tout séduite. Marceau avait une facilité à lui faire voire « la vie en rose », comme il le disait lui-même. Il était d’une humeur égale, toujours positive, toujours passionnée. Avec lui, les trajets quotidiens devenaient des aventures. Les discussions ne connaissaient pas de temps mort. Il savait transformer chaque nuage sombre en éclaircie amusante ou romanesque : ce clochard alcoolisé sur le quai du métro et qui les injuriait alors qu’ils passaient devant lui, c’était probablement un ancien amant de Garance, jaloux et détruit d’avoir été rejeté par elle ; cette taxe d’habitation reçue la veille, c’était l’amende obligatoire pour ceux qui sont plus heureux que les autres ; cette toux sèche qu’il se traine depuis la veille, c’était sûrement un sort qu’on lui avait jeté pour mieux qu’il aille se guérir dans les bras de la femme qu’il aimait…  

Parfois, elle avait bien l’impression que Marceau était un petit garçon qui voyait tout en rose et ne prenait rien au sérieux. Elle se demandait bien où cette relation la mènerait, elle qui ne manquait pas de fantaisie mais qui était tout de même très cartésienne et terre-à-terre. Mais Marceau lui faisait du bien. Elle n’avait pas encore envie de se poser trop de questions.  

 

 

Un soir, elle rejoignit Marceau dans un troquet, le visage sombre. Marceau s’inquiéta.  

- J’ai eu ma mère au téléphone. Elle est malade. Le médecin craint que ce soit cancéreux…  

Marceau lui prit la main avec tendresse.  

- Ne t’en fais pas. Je suis sûr que ce n’est rien.  

Après quoi, il s’escrima à lui changer les idées. A la faire rire. Garance se laissait distraire, mais le cœur n’y était pas vraiment. Elle aurait voulu revenir sur le sujet de ses inquiétudes, mais le jeune homme ne la laissa pas faire.  

- Viens, allons voir un film, ça te changera les idées.  

- Oh non, vraiment pas envie.  

- Allons nous promener sur les quais alors !  

- Marceau, je suis fatiguée.  

Il lui proposa alors de la ramener chez elle. Elle se laissa faire. Quand ils arrivèrent devant la porte d’entrée de l’immeuble, Marceau paraissait empressé, presque gêné. Il l’embrassa.  

- Tu ne restes pas avec moi ?  

- Non, tu as besoin de te reposer. Je t’appelle demain.  

Il partit. Ce soir-là, Garance se sentit d’autant plus mal. Il avait délibérément occulté son angoisse, fait comme si elle n’existait pas. Elle savait que Marceau faisait tout pour que la vie soit plus belle, plus joyeuse. Que rien de sale ou de sombre ne devait exister. Mais face à un sujet aussi grave, elle pensait qu’il n’aurait pas joué son petit jeu. Qu’il l’écouterait. Elle se remémora le fil de la soirée et s’aperçut de la gêne qui avait plané entre eux. Contre la maladie, Marceau ne pouvait pas grand-chose, aussi pensa-t-elle qu’il avait tout fait pour éloigner le sujet. Elle fut peinée. Peut-être même déçue.  

 

 

Les jours suivants, elle vit moins Marceau. Ils étaient tous deux très occupés. Mais il l’appelait, lui envoyait des fleurs ou des petits mots doux lorsqu’ils ne pouvaient pas se voir. Toujours très prévenant. Mais il ne demandait aucune nouvelle de sa mère. Garance était agacée. Elle le laissait faire. Plus ils se voyaient, plus elle se taisait. Elle aurait voulu lui rentrer dans le lard. Mais il était tellement doux qu’elle n’osait pas. Lui sentait bien cette gêne installée entre eux. Pourquoi ne mettaient-ils ni l’un ni l’autre les pieds dans le plat ? Elle n’arrivait pas à comprendre. Aussi forçait-il encore plus que d’habitude ses traits d’humour, ses tentatives de la faire rire. Et elle souriait de moins en moins.  

Un soir, alors qu’ils marchaient sur un boulevard, ils passèrent près d’un jeune homme assis sur un banc. Il vacillait, les yeux dans le vide, le visage trempé de larmes. Marceau le remarqua.  

- Viens, allons le voir !  

- Fous-lui la paix.  

Garance était lasse, elle avait peu de patience ce soir-là.  

- Il a sans doute un chagrin d’amour ! Je suis sûr que je peux lui remonter le moral, lui…  

Garance explosa.  

- Tu ne vois pas qu’il est complètement torché ? Qu’est-ce que tu espères obtenir ? Qu’il reparte tout pimpant et la trique en avant ?  

Le visage de Marceau s’assombrit.  

- Tu n’as pas besoin d’être vulgaire.  

- Arrête ton cinéma, Marceau. Tout n’est pas rose dans la vie, et tu ne peux pas mettre un coup de marqueur rose sur tous les problèmes du monde.  

- Je ne vois pas de mal à essayer.  

- Le problème, c’est que tu oublies de voir les choses en face. Apprends à aider les gens que tu aimes, comme tu dis, avant d’aller t’occuper du premier péquenot que tu croises.  

Elle le planta là et rentra chez elle.  

 

BO : http://www.youtube.com/watch?v=wYtm4QmU3p4  

 

Elle n’avait pas revu Marceau depuis ce soir-là. Ne l’avait pas appelé non plus. Elle s’était attendue à ce qu’il fasse le premier pas. Les problèmes de santé de sa mère s’étaient révélés moins sérieux que redoutés, mais cela n’avait pas rendu son cœur plus léger. Le temps passait et elle réfléchissait. Marceau n’avait pas été adroit, certes, mais maintenant qu’elle y réfléchissait, il lui semblait davantage comprendre. Marceau avait besoin de voir le monde sous son plus beau jour, constamment. Sans doute une névrose quelconque, et elle n’avait jamais cherché à en fouiller les raisons. Dans le fond, il lui semblait tendre et sincère. Elle l’aimait. Et peut-être cette altercation servirait à les faire avancer. Aussi se décida-t-elle à aller le retrouver à la librairie. Mais il n’y était pas. Il était en arrêt, lui avait-on dit. Inquiète, elle alla sonner à sa porte. Mais personne ne répondit. Elle n’avait pas le numéro de ses proches. Maintenant qu’elle y pensait, elle ne se souvenait pas de leurs noms. Marceau n’en parlait jamais, et Garance ne l’avait pas questionné. Pour être plus exact, elle n’avait pas prêté attention à ses tentatives pour occulter ce sujet-là aussi. Elle se sentait coupable, une bien piètre amoureuse…  

Lorsqu’elle redescendit les escaliers, elle croisa la concierge de l’immeuble et l’interrogea, à tout hasard.  

- Oui je vous reconnais. Oh le pauvre, comment va-t-il ?  

Interloquée, Garance lui retourna la question.  

- Vous ne savez pas ? Mais il est reparti à Sainte-Anne le pauvre garçon !  

- Sainte-Anne ?  

- Oui, l’hôpital psychiatrique. Il a réveillé tout le monde l’autre soir, il était en crise. J’ai appelé les secours et ils l’ont emmené.  

Garance sentit son sang lui quitter le visage.  

- … Cela lui arrive souvent ?  

La concierge semblait plus heureuse qu’on l’interroge qu’inquiète.  

- Souvent non, mais ce n’est pas la première fois. Remarquez, quand on connaît son histoire, on ne peut pas s’étonner. Moi, je n’aurais sans doute pas remonté la pente comme lui. Toujours souriant, toujours un mot gentil. Alors c’est normal que de temps en…  

- Que lui est-il arrivé ?  

- Il ne vous a pas raconté ? Remarquez, c’est pas à moi de vous le dire. Mais c’est vrai que ça n'a pas toujours été rose pour lui ! C’est un gentil garçon, tout de même. Je le connais bien, il a toujours habité l’immeuble.  

Garance ne l’écoutait plus. Quel secret cachait Marceau ? Elle n’avait pas du tout compris qui était l’homme qu’elle aimait. Que cachait son goût exacerbé du bonheur, du rire, de l’amour, toutes ces choses, cachait un sombre drame… Qu'importe son secret, il lui sembla alors évident que c'était à son tour d'embellir la vie de Marceau…  

 

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Un film de Fano TOENGA TE POKI  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Laurie PATTON - Garance  

Edward LAREN - Marceau  

 

Sur une musique de Pavel RYE  

 

Ce film participe au Concours Rose 2033.  

Scénario : (3 commentaires)
une série Z dramatique de Fano Toenga Te Poki

Edward Laren

Laurie Patton
Musique par Pavel Rye
Sorti le 16 juillet 2033 (Semaine 1489)
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