Le soleil était déjà assommant, bien qu'on n'avait atteint que le milieu de la matiné. Se dirigeant vers le chantier de l'école, Maddy Kendricks (Léa Geoffrey) apportait de l'eau aux bénévoles et aux locaux qui participaient à la construction du bâtiment. Depuis bientôt un an, elle venait en aide aux habitants d'un village en Centre Afrique, et la construction de cette école allait être l'aboutissement de tout un travail effectué depuis de longs mois. Bientôt, les enfants du village allaient pouvoir étudier dans de bonnes conditions. Jusqu'à présent, leur enseignement n'avait lieu que dehors, si bien que beaucoup n'y allaient même pas. Avoir une vraie école aurait donc un très grand impact.  

Dans ce village éloigné de la civilisation, et dont les seules routes d'accès étaient rendues impraticables en période de fortes pluie, on vivait en véritable autarcie. Beaucoup de celles et ceux qui avaient voulu tenter leur chance à la ville en étaient rapidement revenu, leur absence de diplôme ne leur permettant que de trouver au mieux de quoi vivre dans une misère telle qu'ils préféraient revenir dans leur village natal. Ici on était loin de toute technologie, mais les villageois étaient heureux, se contentant de ce qu'ils avaient. Le plus dur était l'absence d'eau et de médicaments, et c'est ce que Maddy leur apportait à travers l'association pour laquelle elle était bénévole.  

Lorsqu'elle arriva près du chantier, tous les hommes qui y travaillaient s'arrêtèrent en la voyant. Un bon verre d'eau était plus que bienvenue par cette châleur, tout comme une petite pause à l'ombre. Pendant que tous discutaient en buvant leur verre, Maddy remarqua cet homme qui comme d'habitude se tenait à l'écart, solitaire, et alla vers lui. Mark était arrivé au village il y avait environ huit mois, peu de temps après Maddy. L'homme restait discret, et parlait peu de lui. Maddy s'était plusieurs foit interrogée à son propos, se demandant qui il était, d'où il venait, et pourquoi il était ici. Mais bien qu'ayant discuté plusieurs fois avec lui, elle n'était jamais parvenu à trouver de réponse à ces questions. Mark restait très mystérieux.  

Elle devinait en lui une grande souffrance passée, quelque chose qui le rongeait à l'intérieur mais dont il ne voulait pas parler. Au fil des mois, elle s'était beaucoup attachée à lui, et quand les autres bénévoles préféraient le laisser seul comme il semblait le vouloir, de son côté Maddy n'acceptait pas cette situation et allait régulièrement vers lui pour lui parler dans l'espoir de le faire s'ouvrir à elle, et aux autres.  

En voyant la jeune femme s'approcher de lui, Mark Reed (Jake Hopkins) se sentit heureux. Il aimait parler avec Maddy, bien qu'il écoutait plus qu'il ne parlait. Son éternelle joie de vivre et optimisme lui apportait une réelle fraîcheur, un peu de réconfort pour l'homme torturé qu'il était. Car malgré ses efforts, Mark ne parvenait pas à oublier toutes ces images qui le hantaient depuis maintenant des années. Tout avait en quelque sorte commencé non loin d'ici, en Angola. Hanté déjà à l'époque par les souvenirs de la mort de Sara, son comportement lors d'une mission lui avait vallu une mise à pied qui avait été l'élément déclencheur de sa descente aux enfers. Depuis, il avait démissioné du MR-4, puis quitté celle qu'il aimait pour disparaître en Amérique du Sud. Pourtant sa nature l'avait malgré tout rattappé et une fois de plus il s'était lancé dans une quête vengeresse suite à laquelle il avait sombré plus profondément encore.  

En décidant de venir ici, aider à la construction de cette école, loin de toute civilisation, il pensait avoir fait le meilleur choix qui était. Ici rien ne pouvait lui arriver. Malgré tout, il ne pouvait s'empêcher de penser à ses anciens co-équipiers qu'il considérait comme des amis, et à Dina qu'il avait laissée derrière lui sans même lui dire au revoir. Désormais, Maddy lui apportait un certains réconfort, en lui racontant tout ce qu'ils apportaient au village, ce que les enfants pouvaient vivre grace à eux.  

Beaucoup les observaient tous les deux, se demandant quand est-ce qu'ils finiraient par s'avouer les sentiments qu'ils ressentaient l'un envers l'autre, pourtant Reed savait qu'il ne ressentait pas d'amour pour Maddy. Il se pensait aujourd'hui incapable d'aimer, pourtant le souvenir de Dina lui revenait sans arrêt. Il espérait que de son côté la jeune bénévole ne ressentait également rien pour lui car il savait qu'il ne pourrait pas lui offrir ce dont elle avait besoin, et pire, qu'il risquait de la faire souffrir.  

Les hommes se décidèrent à reprendre le travail, et Reed suivit le groupe sur le chantier pour poursuivre la construction. Maddy retourna alors au coeur du village après avoir tout ramassé. Observant les enfants qui jouaient au milieu des cahutes, elle sourit en voyant le petit Talino (Damien Leblanc), qui semblait retrouver la joie de vivre malgré la nouvelle perte qu'il avait subie plus d'un an auparavant. Lui et son frère avaient perdus leurs parents voilà trois ans, morts tous les deux de maladie. Leur oncle s'était alors occupé d'eux du mieux qu'il pouvait. Mais si le petit Talino était un gentil garçon, c'était tout autre chose concernant son grand frère.  

Anouar était un jeune homme violent, comme si une rage intérieure le rongeait constemment depuis la mort de ses parents. Il semblait en vouloir au monde entier, et s'en prenait à tout le monde, y compris son petit frère. Une nuit, il avait disparu. Personne n'avait su ce qu'il était devenu, et Talino avait vécu cette perte comme un nouveau coup du sort qui s'acharnait sur lui. Pendant de longs mois le petit garçon semblait avoir perdu goût à la vie, mais aujourd'hui il avait beaucoup changé.  

Il était même l'un des meilleurs élèves selon Mareva (Joanna Armstrong), l'institutrice venue au village pour enseigner les bases de la lecture à ces enfants. Talino était un enfant curieux et appliqué, qui apprenait vite. La jeune institutrice avait même beaucoup d'espoirs pour lui. Grâce à l'association pour laquelle elle oeuvrait, elle espérait que le jeune garçon puisse intégrer une meilleure école en ville dans un an ou deux. Le principal frein qui pourrait l'empêcher était son oncle qui refuserait sans doute qu'il quitte le village.  

Les villageois vivaient paisiblement leur quotidien lorsqu'un groupe surgit soudain de la forêt qui bordait le village, armé jusqu'aux dents. Les cris des enfants retentirent jusqu'au chantier, alertant les hommes qui travaillaient et arrêtèrent immédiatement ce qu'ils faisaient pour aller voir ce qui se passait. Sur la place du village, les femmes hurlaient tandis que les hommes armés emportaient les enfants. Immédiatement, l'oncle de Talino chercha son neveux du regard, mais ne le vit pas parmi les enfants qui avaient été regroupés au milieu de plusieurs de ces assaillants qui les menaçaient de leurs armes lourdes.  

L'un des agresseurs surgit alors d'une cahute en tirant derrière lui le jeune garçon qui s'y était caché et se débattait tant bien que mal, refusant d'être emmené de force. Voyant cela, son oncle bondit vers l'agresseur de son neveu pour l'empêcher de lui faire du mal, mais un coup de feu retentit et l'homme s'écroula à terre, hurlant de douleur, la jambe ensanglantée. Impuissants, tous les villageois et les bénévoles assistaient à la scène sans pouvoir rien faire, y compris Reed qui n'avaient rien avec lui pour tenter quoi que ce soit.  

La seule arme qu'il avait avec lui était un couteau de combat glissé dans son sac, qu'il n'avait pas à portée de main. Et quand bien même il l'aurait eut avec lui, qu'aurait-il pu faire face à ces mercenaires armés jusqu'aux dents ? L'un d'eux s'approcha alors de l'oncle de Talino, celui-là même qui venait de lui tirer dans la jambe.  

- Bonjour mon oncle, lui lança-t-il.  

- Anouar, c'est toi ? répondit l'homme surpris après un instant.  

- Ne fais-pas celui qui est surpris, comme si tu ne te doutais pas de ce que j'allais devenir lorsque tu m'as vendu à ces mercenaires !  

Entendant son frère, Talino ouvrit des yeux surpris et se tourna alors vers son oncle à la recherche d'une explication. Que voulait dire Anouar (Lukas Hart) ? Il avait disparu depuis plus d'un an, et son oncle lui avait toujours affirmé ne pas savoir lui non plus ce qui lui était arrivé. Croisant le regard du jeune garçon, l'oncle baissa les yeux, n'osant pas affronter son jugement. Oui, il avait vendu Anouar cette nuit là à des mercenaires, ce qui lui avait permis d'avoir de quoi nourrir son petit frère, avant que l'aide humanitaire ne vienne à leur secours.  

- Dis-lui ! Dis-lui que tu m'as vendu comme un vulgaire animal, pour quelques pièces seulement. Dis lui ! hurla le grand frère qui semblait enragé, ses yeux trahissant une prise régulière de drogue qui ne devait pas arranger son comportement.  

- Si je me suis débarassé de toi cette nuit là, répondit l'oncle en serrant les dents, ce n'est pas pour l'argent, mais avant tout pour t'éloigner de ce village et de ton petit frère pour qui tu constituais un danger. J'espérais que tu meurs avec ces mercenaires, car je ne pouvais pas te tuer moi-même.  

- Mais comme tu le vois, j'ai survécu. Mieux encore, je suis plus fort aujourd'hui. Je dois même te remercier, car c'est à toi que je le dois finalement. Et aujourd'hui, je viens libérer mon frère et les autres enfants du village.  

- Les libérer ?!  

- Oui, les libérer, car grâce à moi ils vont devenir des Combatants de la liberté dans la révolution qui se prépare.  

- Tu es devenu complètement fou, Anouar.  

Le jeune homme éclata alors d'un rire dément en voyant le regard de cet oncle qui ne l'avait jamais aimé, et qui semblait aujourd'hui effrayé devant lui. Combien de fois avait-il été battu par cet homme, sous prétexte qu'un démon l'habitait ? Aujourd'hui, c'est lui qui avait le dessus. Anouar se retourna alors et se dirigea vers le groupe d'enfants qu'il comptait emmener avec lui. Furieux, son oncle puisa alors dans ses dernières forces pour bondir dans le dos du jeune homme et lui mettre la raclé qu'il méritait. Sous le regard effrayé des habitants du village, il mit son neveu par terre et le frappa au visage. Mais en un instant, les hommes d'Anouar furent sur lui et le maîtrisèrent.  

Se remettant debout, le grand frère de Talino semblait plus enragé que jamais. Il saisit alors son arme et sous les yeux de son petit frère, s'apprêta à abattre cet homme qui les avait élevés à la mort de leurs parents. Ne pouvant pas rester inactif face à cela, Mark Reed bondit à son tour vers Anouar pour l'empêcher de commettre l'irréparable, mais l'un des hommes du chef mercenaire l'arrêta et d'un coup de crosse de fusil au visage le mit à terre. La dernière chose qu'il entendit au moment où il s'écroula à terre fut un coup de feu, et les cris des villageois assistant à l'exécution de l'oncle de Talino.  

Lorsqu'il reprit connaissance, Reed était allongé dans une cahute, Maddy à son chevet. Combien de temps avait-il été inconscient ? L'ex agent secret se maudit alors de son manque de réflexe. Plusieurs mois plus tôt, il aurait sans aucun souci évité cette attaque, mais il était aujourd'hui comme engourdi. Il chercha à se relever, mais la douleur à son crâne lui fit tourner la tête. L'homme qui l'avait arrêté dans sa course n'y avait pas été de main morte. Près de lui, la jeune femme lui conseilla de rester encore un moment allongé. Mark Reed demanda alors où étaient les enfants, mais le silence de Maddy lui en dit long sur la situation, et il comprit également ce qui était arrivé à l'oncle de Talino.  

Immédiatement, les mêmes images qui le hantaient sans arrêt lui revinrent à l'esprit, tous ces gens qu'il n'avait pas pu sauver et tous ces gens qu'il avait abandonnés pour échapper à ses démons intérieurs. Et pourtant le destin semblait vouloir encore une fois le mettre sur le même chemin. Il ne pouvait pas rester sans rien faire, il devait sauver ces enfants, empêcher ces hommes de les transformer comme ils avaient transformé Anouar, en bête de guerre tuant sans réfléchir, complètement aliéné par la drogue et des discours sans fondement de révolutionnaires.  

Après quelques instants, il put enfin se redresser sur sa couchette. Il se leva alors et se dirigea vers son sac contenant ses maigres affaires. Sous les yeux de Maddy, il fouilla à l'intérieur et en sortit son couteau de combat. Lorsqu'il se retourna vers elle et qu'il croisa son regard, il lut dans celui-ci un mélange de peur et de respect. Elle ignorait toujours qui il était, et elle craignait de découvrir ce qu'il était capable de faire. Mais elle craignait aussi ce qui pouvait arriver à ces enfants, et comprit que leur seul espoir était peut-être cet homme mystérieux.  

- Partez avec tous les villageois, lui dit Reed. Prenez tout ce que vous pouvez, et rejoignez la ville. Faites ce qu'il faut pour les sauver. Car très bientôt des hommes risquent de revenir ici pour vouloir se venger. Ils ne doivent trouver personne sur place. Ne les laissez pas leur faire du mal.  

- Qu'allez-vous faire ? lui demanda Maddy.  

- Faire ce qui doit être fait. Talino et les enfants doivent être libérés de ces hommes, son frère doit être libéré du mal qui l'habite.  

- Et vous ?  

- Moi aussi j'ai besoin d'être libéré, mais j'ignore si je peux encore l'être.  

Il attrappa alors son sac et le mit sur son dos. Avant qu'il quitte la cahute où ils se trouvaient, Maddy attrappa Reed et le serra dans ses bras, sans dire un mot. Tandis qu'il s'éloignait du village, elle l'observa disparaissant au loin, sous le soleil écrasant. Mareva s'approcha alors d'elle, ne comprenant pas où partait ainsi Mark Reed. Elle n'osa pas demander d'explication à Maddy, mais celle-ci se retourna alors vers elle et lui demanda de l'aider à réunir le plus d'affaires possibles pour partir avec tous ceux qui avaient été laissés au village car trop vieux ou trop jeunes.  

A plusieurs kilomètres de là, dans la forêt, le groupe d'enfants avançait sous les ordres des hommes d'Anouar et de son lieutenant Idris (Dale Brown). On leur promettait de l'argent et tout ce qu'ils désiraient, mais si certains enfants semblaient se laisser envouter par ces promesses, le jeune Talino quand à lui avançait silencieusement, le souvenir de son oncle abattu sous ses yeux encore ancré devant ses yeux.  

- Tu vas enfin devenir un homme, petit frère, lui dit Anouar qui marchait à ses côtés. Je sais ce que tu penses en ce moment, mais bientôt tu me remercieras. Personne ne nous arrêtera. C'est nous bientôt qui dirigerons ce pays.  

Pourtant derrière eux, un homme marchait dans leur direction, suivant la piste qu'ils laissaient à la vue de tous, et il était prêt à affronter tous les mercenaires qui se mettraient en travers de son chemin pour libérer ces enfants de leur emprise. Il avait besoin de croire qu'il était encore possible pour des enfants d'échapper à l'horreur de ce monde, et besoin de croire qu'il était lui-même utile pour ce monde.  

Maddy lui avait fait part des espoirs que Mareva fondait pour le petit Talino, et Reed refusait de voir cet avenir gâché par ce frère et ces hommes qui l'avait embrigadé. Talino était pour lui le symbole de la possibilité d'un monde meilleur, et il ne voulait pas laisser celui-ci être détruit.