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Les Flims Plalstique présente
L'enfant et la dictature

Le jour de son anniversaire, Esteban (Edward Erotas) n’eut qu’un seul cadeau : un ballon. Il bougonna toute la soirée car ce n’était pas celui qu’il voulait. Ce n’était pas un ballon en cuir comme ceux de la télé. Celui-ci était en plastique et risquait de s’envoler comme un oiseau au moindre coup de tête. Son papa (Michael Cannon) lui répondit, qu’au moins, il ne risquerait pas de se blesser puis il lui fit signe de se taire. L’homme se rapprocha de la radio déglinguée qui trônait sur le buffet, releva l’antenne de l’appareil et tourna le bouton. Esteban avait remarqué que son papa s’asseyait tous les soirs sur le vieux divan et écoutait attentivement des voix inconnues qui annonçaient des informations qu’on avait de la peine à distinguer car la qualité du son était très mauvaise. Quelquefois, des amis étaient invités et ils se vautraient tous sur le divan ou par terre, fumaient cigarette sur cigarette et restaient religieusement à l’écoute du récepteur. Ce manège avait commencé depuis un mois. Depuis que les rues s’étaient remplies de militaires.  

 

Ces voix qui rassemblaient tant de monde chez lui avaient bien fini par l’intriguer, et Esteban chercha très souvent à interroger sa maman (Maria Lima). Celle-ci se contentait de lui répondre que la radio racontait des choses intéressantes sur le pays, sur eux, sur les choses qui arrivaient et que si on entendait si mal, c’était parce que la voix venait de très loin. La plupart du temps, le garçon finissait par hausser les épaules et allait dans sa chambre, ne s’intéressant pas vraiment à toutes ces considérations adultes et ennuyantes. Mais parfois, il se penchait à la fenêtre de sa chambre et essayait de deviner, parmi les collines qu’il distinguait, la provenance de la voix de la radio.  

 

Pendant l’automne, Esteban ne quitta presque jamais le terrain vague du quartier. Son ballon en plastique et lui étaient les vedettes de ce stade de football imaginaire que seuls les enfants savaient voir. Il courait à l’ombre des grands arbres qui bordaient la rue et le bruissement des feuilles lui donnait l’impression d’être acclamé par une foule en liesse. Un jour, il fut à la réception d’une longue passe en profondeur de Miguel, le fils de l’épicier. Il amortit le ballon avec le dessous de la semelle, élimina un défenseur un peu pataud d’une feinte de corps et glissa le ballon entre les jambes du gardien de but qui tomba en arrière, sur ses fesses.  

– BUUUUUUUUUT !  

Comme à son habitude, Esteban se précipita vers ses coéquipiers où la coutume voulait qu’ils se jettent les uns sur les autres après chacun de ses buts. Mais cette fois, les autres enfants restèrent immobiles, les yeux dirigés vers l’épicerie. Des voix étouffés parvinrent jusqu’à eux. Des fenêtres s’ouvrirent et se refermèrent aussitôt. Des gens apparurent à chaque coin de rue et Esteban vit deux hommes emmener de force le père de Miguel alors que plusieurs soldats en uniforme exhibaient des fusils tout autour. Les garçons s’approchèrent et le jeune Miguel fut stoppé par la main ferme d’un des hommes.  

 

Lorsqu’ils le poussèrent vers la jeep, l’épicier porta la main à sa poche. Un soldat leva son arme et fut proche de faire feu. Le père de Miguel expliqua calmement qu’il voulait donner les clés de la boutique à son fils. Le militaire s’en saisit violemment et les jeta en direction de l’enfant qui croisa le regard de son père alors qu’il grimpait dans le véhicule. La jeep démarra et, dans un nuage de poussière, emmena l’épicier et les militaires. Aussitôt, les mères et les grands-mères se saisirent des enfants et les poussèrent en direction de leurs maisons. Esteban et Miguel restèrent seuls, à contempler la rue désormais vide et étonnamment calme.  

– Pourquoi est-ce qu’ils ont emmené ton père ?  

– Mon papa est contre la dictature.  

Esteban avait déjà entendu ce mot à la radio, le soir. Très souvent. Mais il n’était pas sûr d’en avoir compris le sens.  

– Ça veut dire quoi ?  

– Ça veut dire qu’il veut que le pays soit libre. Que les militaires quittent le gouvernement.  

– C’est pour ça que les soldats sont venus ?  

– Je crois.  

– Et tu vas faire quoi ?  

– Je sais pas.  

Les deux enfants demeurèrent immobiles puis un voisin vint donner un coup de main à Miguel pour lui aider à fermer la boutique. Esteban rentra chez lui.  

 

Lorsque son père revint du travail, le jeune garçon lui sauta dans les bras.  

– Ta maman n’est pas encore rentrée ?  

– Elle est allée rendre visite à la voisine.  

– Tu as mis beaucoup de buts ?  

Esteban sentit la main de son père lui caresser les cheveux.  

- Papa, des soldats ont emmenés le père de Miguel.  

– Je sais. On m’a prévenu par téléphone.  

– Miguel va s’occuper de l’épicerie maintenant. Il me donnera peut-être des bonbons.  

– Je ne crois pas.  

– Son père, ils l’ont mis dans une jeep, comme dans les films.  

Il marqua un silence.  

– Tu crois que lui aussi va passer à la télé ?  

 

Lorsque sa maman revint, Esteban était dans sa chambre. En entendant la voix de la voisine (Jessica Danna), il se rapprocha lentement dans le couloir pour écouter la conversation. Ce soir-là, lors du dîner, Esteban observa ses parents qui mangeaient en silence. Lui-même se taisait, ce qui était inhabituel de sa part. Soudain, sa mère se mit à pleurer, sans bruit.  

Après le repas, Esteban fila se débarbouiller le visage et enfiler son pyjama. Lorsqu’il fut de retour dans le salon, ses parents se tenaient serrés dans le divan, l’oreille tout proche de la radio qui émettait des sons encore plus confus que d’habitude parce que le volume était très bas. Devinant presque que son papa allait porter un doigt à sa bouche pour le faire taire, Esteban demanda rapidement :  

– Papa, tu es contre la dictature ?  

L’homme regarda son fils, puis sa femme, et tous deux le dévisagèrent à leur tour. Puis, silencieusement, il acquiesça d’un signe de tête.  

– Toi aussi, ils vont t’emmener en prison ?  

– Non, tu me portes bonheur, petit.  

Rassuré de voir son père esquisser un sourire et qu’on ne l’envoie pas se coucher, Esteban s’assit en tailleur sur le tapis, près de la radio, et écouta attentivement. Il perçut des mots qui lui étaient inconnus, des noms de ville, d’autres qui avaient été évoqués notamment par la voisine, comme « résistance ». Quand la voix étouffée dit « la dictature militaire », Esteban sentit tout ce qui trottait séparément dans sa tête se rassembler comme un puzzle.  

– Moi aussi, je suis contre la dictature ?  

Sa maman se gratta le nez avec une moue amusée.  

– On ne peut pas dire ça. Les enfants ne sont contre rien. Ils sont simplement des enfants. Ils doivent beaucoup travailler à l’école, jouer et être gentils avec leurs parents.  

– D’accord, mais si le papa de Miguel est en prison, Miguel ne pourra plus aller à l’école.  

– Va te coucher, petit.  

La voix de son père mit un terme à la discussion et le garçon comprit qu’il était l’heure d’aller au lit.  

 

Le lendemain, Esteban avala un petit-déjeuner gargantuesque, se lava rapidement les oreilles et partit à toute allure en direction de l’école pour ne pas être en retard une nouvelle fois. Il slaloma entre les poubelles éventrées, qui n’avaient pas été ramassées depuis plus de cinq jours, et pensa à fermer les yeux pour éviter le nuage de mouches qui s’y était formé. Il longea le mur de l’école sur lequel était apparu le mot « Résistance ».  

Un silence de plomb régnait dans la classe lorsque la maîtresse (Bianca Burns) entra, le visage fermé, accompagnée par un homme en uniforme militaire (Dirk Delerue), une médaille sur la poitrine, des moustaches noires et des lunettes plus noires encore. Le militaire dévisagea les élèves pendant quelques instants et, à la surprise générale, il se mit à sourire.  

– Bonjour, les enfants. Je suis le capitaine Cuadrado et je viens de la part du gouvernement, c’est-à-dire du général Pinochet. J'ai l'honneur et le plaisir de vous annoncer que tous les enfants de l’école sont invités à écrire une rédaction. L’auteur de la plus belle rédaction recevra, de la propre main du général Pinochet, une médaille en or avec un ruban aux couleurs du drapeau. Et évidemment, c’est lui qui pourra tenir le drapeau au défilé de la Semaine de la Patrie.  

L’homme mit les mains dans son dos et se redressa en levant un peu le menton.  

– Asseyez-vous ! Bien. Sortez vos cahiers et vos crayons. Notez ! Titre de la rédaction : « Ce que fait ma famille le soir »… Compris ? Vous écrirez ce que vous faites quand vous rentrez chez vous après l’école et ce que font vos parents quand ils reviennent du travail. Vous raconterez de quoi ils parlent, les gens qui viennent leur rendre visite, ce qu’ils disent en regardant la télévision. Pensez à préciser, en toute liberté, à tout ce qui pourrait rendre votre rédaction meilleure que les autres. D’accord ? Un, deux, trois : commencez !  

 

Esteban, le crayon entre les dents, commença à regarder au plafond dans l’espoir d’y voir des idées en tomber sur son cahier. Il ne vit que l’ampoule éteinte et les ombres sur les murs. À sa gauche, le garçon nommé Marcelo s’inclina vers lui.  

– Tu sais c’que tu vas mettre ?  

Esteban réfléchit quelques secondes et lui répondit dans un murmure.  

– Si je gagne la médaille, je la vends pour m’acheter un ballon de foot en cuir noir et blanc.  

Puis il reprit son crayon en main, soupira profondément et se pencha sur son cahier : «Quand mon papa revient du travail… »  

 

 

 

 

 

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Ce film est une adaptation de l'album de jeunesse "La Rédaction" écrit par Antonio Skarmeta.

Scénario : (2 commentaires)
une série A historique de Rick Flannery

Michael Cannon

Maria Lima

Edward Erotas

Jessica Danna
Avec la participation exceptionnelle de Dirk Delerue, Bianca Burns
Musique par Bernie Julyan
Sorti le 25 février 2034 (Semaine 1521)
Entrées : 28 552 138
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