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Les Films du Corbeau présente
Du noir en dedans

maquis : bar/restaurant chez l'habitant dans certains pays d'Afrique  

 

 

Guinée, 1988.  

 

BO 1 : https://soundcloud.com/daiwenn/18-sawawani  

 

Le soleil disparaissait derrière les derniers nuages rouges qui recouvraient l’horizon de l’océan. La brise, presque fraiche, s’engouffrait sous sa chemise qui s’arrondissait devant lui sous le gonflement de l’air. Il (Jimmy Oakes) plongea son regard embué dans la dernière lueur du soleil qui disparut totalement. Le ciel s’emplit de rose et d’ocre. A plusieurs dizaines de mètres sous ses pieds, l’eau s’écrasait contre les rochers de la falaise.  

Elle (Chloé Marthe) n’entendait plus la musique tonitruante, perdue dans ses pensées. Elle ne voyait plus l’homme blanc aux cheveux gris, au ventre graisseux, qui buvait assis à côté d’elle en postillonnant sur son épaule. Ce soir-là, elle « n’avait pas le cœur ». Une détresse muette s’était abattue sur ses épaules.  

Il tourna la tête et contempla les lumières de Conakry qui prenaient le pas sur la nuit tombante. Il eut un rictus de dégoût. Ce qui réveilla les ecchymoses qui tuméfiaient son visage. Il n’arrivait plus à voir la ville avec le même regard. Tout avait changé. Tout s’était recouvert de merde, de souffre et de sang.  

Elle scruta la foule à la recherche du « Galé ». Il n’était pas là, évidemment. Elle eut le soudain désir de partir à sa recherche. De le voir, malgré tout. Malgré « tout ». Mais le gros homme voulait danser. Elle se leva subitement et partit. Elle prit la direction de la chambre que louait le « Galé ». Mais que lui dirait-elle ? Elle fit demi-tour et rentra chez elle.  

Il était debout, au bord de la falaise surplombant la baie, les yeux plongés dans le vide. Il se prit le visage dans les mains et pleura, une dernière fois.  

 

************* DU NOIR EN DEDANS *****************  

 

Les vagues faisaient danser le corps et le mollet inerte du cadavre venait frapper les chaussures du lieutenant à un rythme régulier. Alpha Camara (Terry Fillion) se tenait debout devant le corps sans vie du jeune inconnu et le regardait avec une grande lassitude. La peau du mort était blanche. Ce qui était synonyme d’ennuis, de bruit, et de beaucoup de travail supplémentaire. Alpha regarda le soleil monter dans le ciel. Il allait faire très chaud aujourd’hui. Les mouettes volaient au-dessus d’eux. Il fallait sortir le corps de l’eau, elles avaient déjà commencé à entailler ses chairs. Il replongea les yeux dans le visage boursoufflé, méconnaissable, du jeune homme. Malgré sa difformité, il pouvait reconnaître les traces violettes des hématomes qui vrillaient son visage. Une trainée noirâtre encerclait son coup. On l’avait sans doute étranglé avant de le jeter dans le port. Ou d’un bateau. C’allait être une sale journée. Il lui tardait de porter l’affaire au commissaire Bianté, qui lui répondrait par un regard assassin.  

 

Mais lorsque Mariam Louamou (Béatrice Bouma) pénétra dans son bureau quelques heures plus tard, le rapport qu’il avait rédigé à la main, il sentit que quelque chose de pire allait se produire. La juge d’instruction avait son visage des mauvais jours. Elle s’assit en face de lui, sans un mot, ses yeux globuleux fixés sur les siens. Ses yeux de poisson. Le « Flétan », comme on l’appelait dans les bureaux.  

Elle posa le document devant lui. Le polaroid retenu par un trombone se détacha et glissa sur ses genoux. Il retourna le visage difforme contre le bureau.  

- Pas d’identité ?  

- Si, on vient de me la confirmer. Un jeune Français qui s’appelle Charles de Robières.  

Le Flétan resta silencieuse et le darda de son regard lourd.  

- Vous en êtes certain ?  

- C’est le labo qui l’est, ils avaient ses empreintes.  

Ce silence (et ces yeux), encore.  

- Alors vous allez avoir du pain sur la planche, lieutenant Camara. Je veux savoir comment est mort le fils de l’ancien ambassadeur de France.  

Ce fut au tour des yeux d’Alpha de s’arrondir de surprise.  

- Vous me ferez un rapport en chaque fin de journée.  

- Vous voulez dire le commissaire Biant…  

- Non, je veux dire « vous ». Félicitations lieutenant, vous venez de décrocher votre première affaire.  

Elle se retira sans lui laisser le temps de répondre. Ce ne pouvait être qu’une erreur. Il n’avait jamais mené une affaire criminelle. Il n’avait pas l’expérience. Pourquoi le commissaire Bianté ne s’en chargeait-il pas ?  

 

*  

 

Fanta (Chloé Marthe) arpentait les rues familières du quartier de Ratoma. Elle avait remonté ses tresses en un chignon haut et mis à ses oreilles ses anneaux de plastique rouges, ceux qui allaient avec sa robe. Les vendeuses assises et les ménagères posées devant elles la regardaient passer en persiflant. Les jeunes hommes lui décrochaient au contraire leur plus beau sourire. Ils étaient plus ouverts à la discussion, même si elle ne les encourageait pas.  

- Hé, belle gazelle, viens t’asseoir ! Je t’offre un Bissap.  

- Dhê, tu causes ! Je n’ai pas mon temps à moi.  

- Toi, même ! Tu ne sais pas ce qui est doux.  

- Je sais bien, va, répondait-elle en souriant sans cesser d’avancer.  

Elle approcha du maquis de Tata Samba, d’où elle s’était enfuie la veille au soir. Tellement vite et tellement perturbée qu’elle en avait oublié son meilleur tube de rouge. Elle pénétra dans la cour ouverte où quelques hommes partageaient une bière et deux femmes, leur enfant sur le dos, sirotaient ensemble un jus de bissap. Tata Samba, une vieille femme trop maquillée, astiquait le comptoir, les traits tirés.  

- Hé, Tata. Tu n’aurais pas retrouvé un tube de rouge hier au soir ?  

- Ah, même ! J’ai bien la tête de m’occuper de ton maquillage ma fille.  

- Des soucis ?  

- Tu ne sais pas ? Ils ont retrouvé le Galé ce matin dans le port. Plus mort qu’un mort.  

Une choppe de plomb s’abattit sur ses épaules. Elle ne s’y attendait pas, et pourtant, la nouvelle lui parut alors inévitable.  

 

*  

 

Alpha frissonna alors qu’il attendait à la réception. Les bâtiments climatisés étaient rares à Conakry, et il regretta d’avoir laissé son veston au commissariat. La fille blonde aux yeux clairs lui demanda de le suivre et le mena jusqu’au bureau entrouvert. Un homme au regard d’acier vint lui serrer la main. Morten Möller (Hugo Vetenssen) était le directeur de cette filiale danoise d’une firme d’hydrocarbure. Alpha s’était déjà renseigné. Arrivé à Conakry depuis deux ans. Comme la plupart des étrangers. Dès lors que le colonel Conté avait ouvert les frontières et encouragé les investissements étrangers, ils n’avaient pas tardé à rappliquer en masse. Le quartier des affaires pullulait maintenant de hauts immeubles aux enseignes libérales internationales. La firme de Möller finançait des fouilles maritimes, à la recherche de pétrole.  

Son bureau surplombait la ville, mais c’est autour d’une table basse qu’il lui proposa de s’asseoir. Il lui tendit un verre de whisky. Alpha refusa.  

- Qu’est-ce qui vous amène, inspecteur Camara ?  

- Lieutenant, pas inspecteur.  

Visiblement, Möller ignorait réellement l’objet de sa visite. Mais heureusement, il parlait français. Parce qu’Alpha ne manipulait quasiment pas l’anglais. Et encore moins le danois.  

- Je crois que vous connaissez M. de Robières.  

- Oui et non. Je l’ai côtoyé une ou deux fois lorsqu’il était encore ambassadeur. Mais je n’ai plus de contact depuis qu’il est reparti en France.  

- Je voulais parler de son fils, Charles.  

- Charles ?  

La surprise se lisait sur le visage du Danois.  

- Je connais bien un jeune Français qui s’appelle Charles, mais je doute qu’il s’agisse du fils de M. de Robières !  

- Vous avez été fréquemment vus ensemble, par exemple au maquis de Tata Samba.  

- Oui, c’est bien lui… Mais vraiment, j’ai peine à croire qu’on parle du même Charles…  

- M. Möller, j’ai le regret de vous apprendre que Charles de Robières a été retrouvé mort ce matin. Vraisemblablement assassiné.  

La couleur quitta le visage de Möller. S’il feignait la surprise, alors il était un incroyable comédien, se dit Alpha.  

- Charles est mort ?  

Il se leva et arpenta son bureau. Il s’arrêta devant la baie vitrée et se plongea dans la contemplation de la ville.  

- M. Möller, je dois vous demander comment vous avez connu le jeune M. de Robières et en quoi il était lié aux affaires de votre société.  

Lorsque Möller vint se rasseoir en face de lui, il constata que ses yeux étaient embués de larmes. Alpha en fut surpris, et presque touché. Il se le reprocha et en voulut à la juge Louamou. Il n’était pas prêt pour ce genre d’affaire et allait se planter royalement.  

- Charles n’a rien à voir avec cette société. Je le voyais au maquis parce que nous nous entendions bien. Il était… tellement libre, et lumineux ! Je me rends compte que j’ignore tout de lui. Il ne parlait jamais de lui, il vivait seul, il ne quittait presque jamais le quartier de Ratoma. Il était tombé profondément amoureux de cette ville et de ce quartier.  

- Qu’y faisait-il ?  

- Eh bien… rien ! Il sillonnait les rues, discutait avec tout le monde. Tout le monde l’aimait bien. Il passait son temps au maquis de Tata Samba. Il payait des verres à tous. Les gens de là-bas lui avaient même donné un surnom, le « Galé ». Je savais qu’il était fortuné, je me doutais qu’il avait de l’argent de famille, ou un héritage. Mais je ne savais pas qu’il était le fils de l’ambassadeur.  

Une larme coulait sur sa joue.  

- Vous étiez amants, M. Möller ?  

- Non, pas du tout !, dit-il avec un haussement d’épaules désolé.  

« Mais vous l’aimiez », pensa Alpha.  

 

*  

 

BO 1 (reprise) : https://soundcloud.com/daiwenn/18-sawawani  

 

Charles : Fanta, tu es si belle dans cette robe ! Je te croquerais.  

Fanta : Galé, même ! C’est moi la « croqueuse ». C’est moi qui croque.  

Charles : Mais je voudrais bien, moi, que tu me croques !  

Fanta : Pour que tu repartes ensuite dans ta France ! Je t’aime mieux ici, à me payer des verres et à dire des bêtises. Alors je ne te croque pas.  

Charles : Je pourrai t’emmener avec moi, visiter la France.  

Fanta : Dhê ! Si je te suis, alors tu m’épouserais. Parce que je ne pourrais jamais revenir ici.  

Charles : Tu ne te plais pas ici ?  

Fanta : Ca sent trop fort la mort, ici.  

Charles : Pourtant, c’est magnifique, ici. Je ne partirai jamais. J’aimerais mieux mourir.  

 

La nuit tombait lentement sur Ratoma et lorsque Fanta arriva au maquis, les néons de l’enseigne venaient de s’allumer. « Chez Tata Samba ». Elle avait revêtu sa robe noire, courte, au dos nu. Celle que le Galé aimait tant. Elle avait lâché ses tresses, mis ses larges anneaux argentés aux oreilles. Elle s’était forcée à venir ce soir. L’âme en berne. Mais elle avait faim.  

La musique festive s’élevait dans la cour qui était déjà bien peuplée.  

C’est alors qu’elle l’aperçut. Avec ses dents jaunes et son regard vague. A sourire dans l’épaule d’une jeune fille qui ne cachait pas son ennui. Il était déjà enivré. Elle sentit une colère sourde monter en elle. Elle s’approcha et, sans crier gare, le poussa violemment. L’homme chuta lourdement sur le sol et releva un regard surpris, apeuré. Elle le frappa au visage.  

- Toi, charogne ! Tu as réussi, hein ? Tu as tiré jusqu’au bout ? Y avait plus rien à lui prendre, hein ? Vautour ! Je te cracherais dessus !  

- Arrête, là, Fanta ! Arrête ! Tu me fais mal !  

Mais elle le frappait encore. Tous les visages s’étaient tournés vers eux. Une jeune femme qui frappait un vieil homme (Axel Winthorp). Sa chemise blanche étincelante se souillait de terre battue. Où l’avait-il dégottée, cette chemise ?, se dit-elle. Lui qui était toujours souillé de tâches. C’était bien la preuve qu’il avait fait son beurre sur le dos de quelqu’un.  

Tata Samba vint s’interposer et un jeune homme retint Fanta. Elle se calma et la vieille femme fit un signe au jeune homme.  

- Qu’attends-tu pour lui payer un verre, qu’elle se calme ?  

L’inconnu attira Fanta vers le comptoir. Elle accepta de le suivre, foudroyant toujours l’autre homme du regard. Il se relevait avec peine, encore sous le choc, s’essuyant le sang de sa lèvre sur sa chemise déjà sale. Tata Samba s’énerva contre lui.  

- Toi, où tes pas te portent, les ennuis suivent ! Je ne veux pas te voir ici.  

Malgré la bonne cinquantaine ou soixantaine qu’il portait, son visage était maintenant celui d’un môme pris en faute.  

- Mais je n’ai rien fait, Tata ! C’est cette tigresse qui m’est tombée dessus !  

- N’empêche ! Déguerpis !  

De l’autre côté de la cour, assis discrètement devant une bière, Alpha n’avait rien perdu de la scène. Il regardait cet homme qu’il connaissait bien quitter le maquis dépité. Au commissariat, tout le monde le connaissait. Aboubacar N’Diaye, « Bouba », un va-nu-pieds bavard qui trempait dans tout ce qu’il pouvait trouver de louche sur son passage. Alcoolique, toxicomane, voleur, bonimenteur. C’était le dernier homme à qui il aurait donné sa confiance. Un paumé, raté. Et pourtant, il trouvait toujours moyen de participer à toutes les combines imaginables. Rarement avec succès. Qu’Alpha le connaisse si bien en était la meilleure preuve.  

Mais ce qui avait surtout surpris le lieutenant de police, c’était d’avoir également reconnu la fille. Fanta. Quand il la côtoyait dans le quartier de son enfance, c’était la jolie Fatoumata Diabouté. Déjà la plus belle fille de toutes. Et gentille, en plus. Ils avaient le même âge. Il avait entendu dire qu’elle était devenue une « croqueuse » maintenant. Vendant ses charmes aux touristes. Mais il ne l’avait pas revue depuis tellement d’années. Elle était restée si belle.  

Il ne l’aborda pas. Il se contenta de regarder, ce soir-là. Scruter les lieux et les visages que côtoyait le jeune Français chaque soir. Ecouter, aussi. Mais il faudrait qu’il lui parle bientôt. Sa dispute et les murmures qu’il avait interceptés par la suite lui avaient prouvé une chose : Fanta connaissait le jeune Robières. Et Bouba aussi, visiblement.  

 

Fanta ne resta pas au maquis ce soir-là. Elle était trop énervée. Déjà deux soirs gâchés par ce fantôme. Maudit Galé, où que tu sois.  

Elle s’arrêta. Quelque chose venait d’attirer son attention. Un regard, aperçut sans vraiment le voir. Une femme qui la dévisageait dans une voiture garée face à l’entrée du maquis. Elle tourna la tête, mais la vitre s’était refermée. La voiture démarra et passa devant elle. Les vitres étaient teintées, elle ne vit rien de l’intérieur. Mais on n’oublie pas ce regard. Ces gros yeux désagréables, ces yeux de poisson. Que faisait cette femme dans ce quartier ? Elle ne l’avait vu qu’une fois, dans la villa des hauteurs de Conakry, ce fameux soir où elle aurait mieux fait de rester chez elle plutôt que de suivre le Galé. Un mauvais souvenir. Qui se rappelait à elle justement alors que le Galé s’en était allé. Mauvais présage, lui aurait dit sa mère.  

 

*  

 

Elle n’aimait pas venir dans ce quartier, parce que la circulation y était intempestive, bruyante, étouffante. Les boulevards étaient un fourneau parce que rien n’y barrait la route du soleil. Fanta préférait son quartier. Une autre étuve, bruyante aussi, mais pleine de voix joyeuses. Plus respirable. Cependant elle était bien obligée de côtoyer ce type de quartier également, si elle voulait croiser la route des blancs.  

Pendant le déjeuner, un garçon envoyé par Tata Samba était venu la trouver chez elle. Un homme blanc était venu la chercher au maquis et avait laissé un billet à son intention au maquis. Un rendez-vous fixé pour l’après-midi dans une chambre de l’hôtel Millenium. C’était rare qu’on lui paye un si bel hôtel de blancs.  

Elle pénétra dans le hall, tête haute (Ne montre pas que tu es impressionnée), et fut surprise par la bouffée d’air glacée qui lui tomba sur les épaules. Elle n’aimait pas les climatisations, qui lui irritaient la gorge. Elle passa devant la réception sans y accorder un regard. Pour ne pas trop attirer l’attention, elle avait mit sa jupe qui tombe jusqu’aux genoux. Mais d’une couleur acidulée orange et verte tout de même. Elle était sexy en diable et le savait.  

Elle monta jusqu’à la chambre indiquée sur le billet et frappa. Lorsque la porte s’ouvrit, elle fut surprise de découvrir ce visage. C’était l’homme blanc qui trainait souvent avec le Galé. Celui au regard de glace. Elle ne fut pas rassurée, malgré le sourire bienveillant qu’il lui adressa.  

- Entre, Fanta.  

Elle hésita. Elle craignait quelque chose, mais n’aurait su dire quoi. Alors faute d’argument, elle entra. Il s’assit sur le lit. Elle restait debout, silencieuse. Ses traits étaient tirés, il avait mauvaise mine.  

- Excuse-moi de t’avoir fait venir jusqu’ici. Mais je voulais vraiment te parler. Assieds-toi.  

Il tapotait le lit, présentant une place près de lui. Il avait l’air misérable. Inoffensif. Elle posa son sac à main et s’assit sur une chaise de l’autre côté de la chambre.  

- Il n’y a qu’avec toi que je peux parler de lui. Il t’aimait beaucoup, tu sais.  

- Moi aussi je l’aimais bien. Et vous aussi, il vous aimait bien.  

- Oui, je sais. Il m’aimait « bien ».  

Il semblait porter toute la misère du monde sur les épaules. Mais Fanta n’avait pas envie de s’attendrir. Elle n’aimait pas particulièrement cet homme. Elle n’aimait pas son influence sur le Galé. Elle savait qu’il était amoureux de lui. Mais que le Galé n’avait jamais cédé à ses avances. Elle ne comprenait pas, du coup, ce qu’il cherchait avec le Danois. Elle s’en fichait alors. Elle aimait bien le Galé, mais elle ne s’était jamais préoccupée de ses affaires. Néanmoins, maintenant qu’il était mort, cela lui pesait de ne pas y avoir fait plus attention.  

- De quoi vous voulez parler ? Je n’ai pas tout mon temps, hé !  

- Charles m’a dit un jour que s’il lui arrivait quelque chose, il faudrait se tourner vers Fanta. Qu’elle seule saurait qui lui voulait du mal. Sais-tu à quoi il faisait allusion, Fanta ?  

La jeune femme ouvrit des yeux ronds. Non, elle ne savait pas.  

 

*  

 

- Ce surnom, « Galé ». D’où ça vient ?  

Alpha faisait face à la juge Louamou, qui l’avait convoqué dans son bureau pour parler du déroulement de l’affaire. Il la regarda, surpris.  

- De « galérien », bien sûr !  

Il était surpris qu’elle n’ait pas fait le rapprochement. Elle avait pourtant grandi dans les quartiers de Conakry, comme lui. Le galérien, c’est comme cela qu’on appelait l’oisif, le jeune homme qui a du temps à perdre. Malgré l’affection que les habitants du quartier manifestaient à son égard, ce surnom était néanmoins la preuve de l’image qui avait été celle de Charles de Robières : un jeune homme qui avait du temps et de l’argent à perdre, qui s’émerveillait de tout et de rien. Un rêveur, un utopiste. Un excessif, par l’alcool, par les drogues, par les folies douces qu’offrait le quartier à foison.  

Un jeune homme autour de qui gravitait beaucoup d’intérêts. Celui des gens du quartier, par les billets qu’il répandait autour de lui. Et par d’autres comme Bouba, qui manifestement harcelait le garçon pour obtenir quelque chose de lui. Des sollicitations auxquelles Charles répondait avec peu de fermeté, semblant avoir de l’affection pour un énergumène parasite comme Bouba.  

- Serait-ce possible qu’il ait trempé dans des trafics ?  

- Rien ne l’atteste. Il consommait. Mais rien ne prouve qu’il soit allé plus loin. Je pensais interpeller Bouba N’Diaye pour l’interroger.  

- Alors faites. Mais si vous n’en tirez rien, laissez tomber.  

C’était la troisième fois qu’elle l’encourageait à laisser tomber une piste qui lui paraissait, à lui, primordiale. Il n’osait pas le dire, mais la juge lui paraissait assez « légère » dans sa façon de superviser cette affaire. Le commissaire Bianté aurait-il su, lui, affirmer ses opinions à cette femme réputée pour sa poigne ?  

Alors qu’il arpentait les couloirs du commissariat, il croisa le regard du commissaire. Tout ce qu’il y avait de plus inamical. Il lui avait clairement fait ressentir son incompréhension de n’avoir pas obtenu l’affaire. Qu’il était un bleu inexpérimenté. Et il avait raison. Il ne s’expliquait toujours pas cette décision de la juge. Sanction contre Bianté ? ou contre lui-même ? Ou alors… Une pensée gratta son esprit. Espérait-elle qu’il n’aboutisse nulle part ?  

 

*  

BO 2 : https://www.youtube.com/watch?v=cIUD1Z3pU1g  

 

Lorsqu’il revint au maquis ce soir-là, il espérait tomber sur Fanta. Mais en sillonnant la cour, il ne l’aperçut nulle part. Déçu, il s’apprêtait à quitter les lieux et se demandait s’il oserait aller la trouver chez elle. Après tout, il n’était pas sûr qu’elle soit liée à l’affaire. Mais il entendit un remue-ménage provenir des toilettes pour dames. Il s’approcha de la porte battante et aperçut les visages de Fanta et de Bouba qui s’y disputaient violemment. Mais cette fois, la jeune femme n’agressait pas le vieil homme. C’était lui qui cherchait à obtenir quelque chose.  

- S’il te plait, ma gentille gazelle, y a que toi qui peut m’aider !  

La voix de Bouba reflétait l’angoisse et la peur. Il suppliait, tentant de tenir ses mains dans les siennes.  

- Ne me touche pas, vieux gaou !  

- Tu peux leur dire, toi, ma belle Fanta ! Que le vieux Bouba n’a pas affairé dans le mauvais sens ! Tu les connais, les akwabatés !  

- Je ne sais rien de ce que tu me dis ! Fais-moi de l’air !  

Elle le repoussa violemment contre l’évier, sur lequel il se cogna. Il chuta à terre, et elle en profita pour s’esquiver. Elle passa en trombe, furieuse, devant Alpha qui la regarda partir. Il regarda ensuite Bouba qui s’était mis à pleurer en se frottant le bras. Puis il choisit de suivre Fanta.  

A la sortie du maquis, il vit un jeune homme l’aborder (« Tu viens gazer avec moi, ma belle ?) mais elle l’ignora. Elle s’enfonça dans les ruelles sombres de Ratoma. Alpha devait marcher vite pour la suivre. Elle rentrait chez elle, il reconnut l’adresse. Mais soudain, alors qu’elle s’apprêtait à disparaître dans un vestibule, une silhouette imposante s’approcha d’elle et lui barra la route. A la lueur d’un réverbère lointain, Alpha reconnut l’éclat d’une lame que l’homme tendit vers elle. Fanta la reconnut aussi, car elle eut le réflexe de retenir le coup qu’il lui porta. L’homme, bien plus large qu’elle, la gifla violemment et la jeune femme s’écroula sur la terre battue. Il s’apprêta à la frapper de nouveau, quand Alpha se jeta contre lui et parvint à lui faire perdre l’équilibre. Il chuta sur lui, et ils s’empoignèrent. Alors que la lourde main de l’inconnu s’agrippait à sa gorge, Alpha réussit à lui tordre l’autre poignet pour lui faire lâcher le couteau. Mais, puissant, son adversaire projeta son crâne contre le mur. Alpha était sonné mais ne lâchait pas prise. Fanta s’était relevée, le visage en sang, et lança le pied dans le visage de l’agresseur. Surmené, il parvint à se redresser et à bousculer la jeune femme pour réussir à prendre la fuite. Alpha reprenait haleine, presque assommé. Il ne put le prendre en chasse. Fanta l’aida à se redresser et l’amena chez elle.  

Après s’être nettoyée le visage, elle lui servit un verre d’eau et nettoya la plaie qu’il avait sur le dos du crane. Il reprit peu à peu ses esprits et remercia la jeune femme.  

- Je te reconnais. Tu vivais dans ma rue. Je ne me souviens plus de ton nom.  

- Alpha.  

- Tu es mon sauveur, Alpha.  

- Je suis aussi policier, et je te suivais. Fanta, il faut que tu me parle du Galé.  

 

BO 1 (reprise) : https://soundcloud.com/daiwenn/18-sawawani  

 

Fanta : Je ne comprends pas pourquoi tu veux rester ici.  

Charles : Ailleurs, la vie est plus noire.  

Fanta : Regarde autour de toi. Du noir, il y en a partout.  

Charles : C’est pas le noir qu’on voit, que je hais. C’est celui qu’on ne voit pas.  

Fanta : Parfois, le noir est dehors en même temps que dedans.  

Charles : Pas ici.  

Fanta : Tu te trompes, Galé. Souviens-toi la villa.  

Charles : Mais tu étais là, toi. Tant que tu es là, le noir reste dehors.  

Fanta : Je ne t’aime pas, moi.  

Charles : Moi aussi, je t’aime.  

 

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Un film de May ELBEZ  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

Terry FILLION - Alpha Camara  

Chloé MARTHE - Fanta  

Jimmy OAKES - Charles de Robières, dit le « Galé »  

Béatrice BOUMA - la juge Mariam Louamou  

Hugo VETENSSEN - Morten Möller  

Axel WINTHORP - Aboubacar N’Diaye, dit « Bouba »  

 

Sur une musique de Hiromi HANSON  

BO 1 : https://soundcloud.com/daiwenn/18-sawawani  

BO 2 : https://www.youtube.com/watch?v=cIUD1Z3pU1g  

Scénario : (3 commentaires)
une série A policier de May Elbez

Terry Fillion

Chloé Marthe

Jimmy Oakes

Béatrice Bouma
Avec la participation exceptionnelle de Hugo Vetenssen, Axel Winthorp
Musique par Hiromi Hanson
Sorti le 03 février 2035 (Semaine 1570)
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