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Les Films du Corbeau présente
A l'aube d'un nouveau millénaire

Ce film s’inspire de faits et de personnages historiques réels, mais l’auteur assume complètement les nombreuses libertés qu’il a prit avec l’histoire.  

 

2035  

 

Le Dr. Lavigne (Suri Pendragon) pianotait à toute vitesse, entraînée par l’excitation, sur le clavier relié à l’immense machine et déclenchait des bips et sonneries de pulsar à mesure que les fonctions s’enchainaient sur son écran. Dans la pièce remplie par la machinerie complexe, Thibaut Montdever (Jimmy Oakes) la suppléait comme il pouvait, mais se trouvait passablement inutile. Lui aussi était nerveux, mais plus inquiet que la jeune femme qui semblait animée d’une confiance inébranlable. Il se concentra sur le chat, rendu anxieux par leurs allées et venues et tendu comme une boule de nerfs par les bips incessants.  

Le Dr. fit signe à Thibaut d’installer le chat sur le plateau. L’animal ne voulait pas s’y asseoir et le jeune homme dut le caresser jusqu’à ce qu’il se calme. Devant eux trônait la sphère en carbone qui, dans quelques instants, allait créer un halo lumineux dans lequel le chat allait être aspiré. Thibaut n’arrivait toujours pas à prendre conscience de ce qu’ils s’apprêtaient à faire. Doctorant en histoire, il avait obtenu ce stage parce qu’Elodie Lavigne avait besoin de ses connaissances historiques étendues concernant le Haut Moyen-Age (son sujet de thèse), mais l’aspect technologique du projet dont elle avait la charge lui échappait complètement. Pourtant il lui faisait confiance : elle avait bel et bien trouvé le moyen d’ouvrir l’espace-temps, et cette sphère était une porte sur le passé. Aujourd’hui, pour la première fois de l’Histoire de l’Humanité, ils allaient envoyer un être vivant faire un voyage dans le temps.  

Le Dr. Lavigne enclencha le pressoir principal et la sphère démarra sa vrille. D’abord lentement, des éclairs électriques apparurent en son centre et formèrent, au fur et à mesure que l’engin gagnait en vitesse, un halo de lumière stable et incandescent.  

« Thibaut, il va falloir que tu t’éloignes. »  

Il ne demandait que ça, le halo l’angoissait. Mais le chat était intenable. Ils auraient dû prévoir des sangles…  

« Thibaut, dépêche-toi de calmer cet animal bon sang ! Je ne peux pas interrompre le système. »  

Elle en avait de bonnes ! A chaque fois qu’il essayait de s’éloigner, le chat totalement effrayé maintenant se carapatait. Le halo commença à émettre des fibrannes lumineuses qui fouillaient l’air, telles des bras squelettiques à la recherche de nourriture. Il fallait que le chat entre en contact avec elles pour être aspiré. Aussi Thibaut l’attrapa par la peau du coup et approcha son museau d’une de ces fibrannes.  

« Thibaut, ne fais pas ça ! »  

Trop tard. La fibranne était entrée en contact avec la moustache du félin et s’était instantanément immiscée le long de sa gueule, puis de son pelage et avait entouré son corps. Mais ce faisant, elle avait également rencontré la main du jeune homme et remontait le long de son bras, de son coup et de son ventre… Dans un bruit assourdissant, la sphère lumineuse acquit sa vitesse maximale et aspira en un millième de seconde les formes vivantes qu’elle maintenait dans sa poigne électrique. Le Dr. Lavigne appuya sur le bouton d’arrêt d’urgence et le bruit décrût, le halo disparût et la machinerie ralentit, pour s’arrêter complètement. Mais la pièce était vide, Thibaut avait été aspiré avec l’animal. Une sueur froide perla sur le front de la jeune femme : elle venait d’envoyer son stagiaire en l’an 1000 et ignorait comment le récupérer…  

 

**** A L’AUBE D’UN NOUVEAU MILLENAIRE ****  

 

1000 ?  

 

La tête lui tournait tellement qu’il se sentit sur le point de vomir. Mais quand il ouvrit les yeux, les choses reprirent leur place et ses intestins se calmèrent. Thibaut se découvrit étendu sur l’herbe, à l’orée d’un bois. Entre ses jambes, il découvrit le chat inerte, allongé sur le dos et les pattes en l’air. Il devait être mort. Mais l’animal eut un sursaut quand il le toucha et, saisi d’effroi, il détala aussi vite qu’il put dans les fourrés. Sans avoir le temps de réagir, Thibaut vit son unique compagnon disparaître.  

Alors, il regarda autour de lui et prit pleinement conscience de sa situation. Il avait été envoyé dans le passé ! Il était seul, il avait froid, il ignorait où il était, et il n’y avait plus trace de la sphère lumineuse ou de ses bras électriques pour le ramener d’où il venait… Qu’était-il sensé faire maintenant ? Son corps lui inspira de hurler et d’éclater en sanglots… Mais soudain, un homme à la peau noire (Terry Fillion) et vêtu d’une étrange combinaison rouge vernie se matérialisa comme par enchantement devant son nez. Le jeune homme sursauta et cria bel et bien de terreur. L’inconnu s’agenouilla près de lui et posa ses mains dans ses épaules, le fixant avec intensité.  

« Thibaut, c’est bien toi ?  

- Euh… je… oui, ben oui !  

- Je suis Hiaam. Je viens du futur, comme toi. Je suis venu voir si tu allais bien.  

- … Ben ça va mieux ! J’avais peur d’être coincé ici. Vous avez fait vite ! »  

Le visage de Hiaam reflétât un instant le soulagement, mais son expression restait grave.  

« Vite, c’est une façon de voir les choses… Je viens de l’année 2098. Tu es parti en 2035, c’est bien ça ? 63 ans, c’est le temps qu’il nous a fallu pour réussir à approfondir l’invention du Dr. Levin et te retrouver.  

- Le Dr. Lavigne, vous voulez dire ?  

- Lavigne ? Oui, peut-être… Elle a disparu de la circulation après avoir été radiée cette année-là. »  

C’était beaucoup d’événements et beaucoup d’informations à accumuler en si peu de temps pour le jeune homme. Il commença par se relever, légèrement étourdi encore, et mettre les choses en ordre dans la tête.  

« Donc vous dites que vous venez du futur, c’est ça ? Enfin… le futur de mon futur ?  

- Oui.  

- Ca veut dire que mon futur à moi a disparu ? Je ne pourrai pas le retrouver ?... Non, ne réponds pas. Je ne crois pas que je suis prêt à faire face à tout ça. On verra après. Ramène-moi, cet endroit me fait flipper. »  

Hiaam regarda autour de lui. L’endroit n’était qu’un bois et une prairie tout ce qu’il y avait de plus paisible. Puis il regarda Thibaut en grimaçant.  

« A vrai dire, cela ne va pas encore être possible… Vois-tu, nous ne sommes pas encore tout à fait au point, et nous n’avons pas encore trouvé le moyen de faire voyager deux personnes adultes. Notre volume sphérique est trop important. Je suis juste venu voir si tu allais bien.  

- Tu… tu ne vas pas me laisser là ?  

- Rassure-toi. Dès que nous aurons trouvé le moyen, nous reviendrons te chercher. D’ici quelques minutes pour toi, je pense. Mais si personne n’est encore arrivé, c’est que tu auras sans doute accepté notre proposition. »  

Thibaut le regarda avec inquiétude, attendant la suite.  

« Que dirais-tu de rester quelques jours ici ? Pense à ta situation : tu es le premier être humain à avoir la chance de découvrir de tes propres yeux l’an 1000. Si les journaux de ton époque n’ont pas menti, l’histoire, le Haut Moeyn-Age, tout ça… c’est ton truc, non ?  

- Oui… mais…  

- Deux-trois jours, pas plus ! Et je reviendrai te chercher. Réfléchis, c’est une chance inespérée. »  

 

 

Ce n’est qu’après avoir accepté, et alors qu’il marchait le long d’un sentier en pleine campagne, qu’il réalisa la folie de sa décision. Mais c’était trop tard… Thibaut avançait plus ou moins au hasard. Si les calculs du Dr. Lavigne étaient corrects, il était en l’an 1000 et avait atterri à l’endroit-même d’où il était parti. Donc à l’emplacement futur du centre de recherche de Levallois-Perret. Il se dirigeait donc vers la direction de Paris, à une dizaine de kilomètres de là. Mais il ne reconnaissait évidemment absolument rien autour de lui.  

Il était en train de fouiller ses connaissances et se remettre en tête à quoi pouvaient ressembler les abords de la capitale à cette époque lorsqu’il aperçut une chaumière à flanc de colline. Un homme était en train de fourrager dans son potager et Thibaut sentit monter en lui une légère angoisse à mesure qu’il s’approchait. Dans quelle langue allait-il lui parler ? Il connaissait parfaitement le latin, mais sans doute pas ce grouillot. Et ses notions de vieux Français étaient passablement rouillées.  

C’est quand il découvrit le regard que le paysan portait sur lui, hagard et inquiet, qu’il prit conscience de son apparence : il était en jean, T-shirt et baskets, le crâne rasé et des piercings à l’oreille et sur l’arcade sourcilière… Comment allait réagir l’homme ?  

De toute évidence, pas bien. Le paysan tendit sa fourche en bois pour le garder à distance. Il avait peur de lui. Thibaut le salua en souriant pour le rassurer, mais cela ne donna rien. L’homme s’exprima dans un baragouinage totalement incompréhensible pour Thibaut. Ce n’était évidemment pas du latin, vaguement du Français peut-être, mais cela avait plutôt l’apparence d’un patois qu’il ne connaissait pas. Il ne fut pas surpris, car le vieux Français qu’il connaissait avait plutôt trouvé sa forme trois siècles plus tard…  

Thibaut tenta de se faire comprendre, d’être rassurant et de se faire inviter dans sa chaumière. Mais l’homme avait trop peur. Il lui faisait signe de déguerpir et le jeune homme poursuivit son chemin. Il avait faim. Aussi pressa-t-il le pas, espérant croiser une église où, peut-être, il pourrait se faire comprendre en latin.  

Quelques minutes plus tard, il fut alerté par des bruits de chevauchée. Derrière lui, le grouillot cherchait à le rattraper monté sur un âne. Thibaut l’attendit, mais quand il arriva à sa portée, le paysan s’écarta, passa son chemin, toujours armé de sa fourche et le regardant toujours avec inquiétude, et fila tout droit sans demander son reste.  

Il lui fallu une bonne heure de marche avant d’apercevoir un nouveau signe de vie, et il arrivait maintenant à vue de la muraille d’une ville. Etait-ce enfin Paris ? Il croisait quelques maisons et espérait quérir un peu de nourriture, mais les portes se refermaient à mesure qu’il approchait. On le regardait avec frayeur. Il semblait que le paysan les avait alertés de l’arrivée d’un dangereux énergumène. Thibaut aborda donc les portes de la ville avec inquiétude.  

Des hommes en armes l’attendaient. Lorsqu’il les salua, il n’eut droit qu’à une levée de lances dans sa direction. Un soldat le tança dans cette langue, toujours, qu’il ne comprenait pas. On le sommait de quelque chose. Il tenta de se faire comprendre en Français, puis en latin, mais on ne lui répondait pas. Finalement, les hommes en armes l’encerclèrent et le forcèrent à avancer dans la ville. Des villageois s’amassèrent dans la venelle pour le regarder passer avec des yeux ébahis, tantôt inquiets, tantôt narquois. Quelques minutes plus tard, on l’enfermait dans un cachot puant…  

 

 

On ne lui parla pas, on ne s’approcha pas de lui, et ce n’est qu’au milieu de la nuit qu’on lui jeta une écuelle d’eau et un morceau de pain. Thibaut était affamé, mais le pain était épais et solide, l’eau paraissait frelatée. Il s’inquiéta de n’avoir pas demandé des médicaments à Hiaam… Son système immunitaire était-il préparé à cette aventure ?  

La nuit passa, froide et difficile, et ce n’est qu’au petit matin qu’on ouvrit sa cellule pour y faire entrer un homme. Homme d’église, comme le prouvait son large habit brodé et sa toge épaisse. Thibaut reconnut les signes distinctifs d’un évêque (Leonard Brumel). L’homme s’assit sur la paillasse, face à Thibaut, et le regarda avec curiosité.  

« On me dit que vous parlez latin ? »  

Le jeune homme sentit un soulagement énorme. Il allait enfin se faire comprendre.  

« Qui êtes-vous donc et d’où venez-vous ? »  

Thibaut s’apprêtait à répondre quand un doute subit l’envahit. Que devait-il dire ? Qu’il venait du futur ? Et être traité de sorcier ou un truc du genre, être jeté au bûcher ? Et même s’il était cru, que devait-il faire ensuite ? Parler de son monde, leur apprendre des choses, les faire progresser en médecine, etc. ? Lui revint en mémoire des lectures de science-fiction, toutes ces aventures de voyages dans le temps où le futur était altéré par les agissements du héros dans le passé… Non, il devait se faire aussi discret que possible dans cette époque. Ne pas bouger quoi que ce soit…  

« Je ne suis qu’un voyageur. Je viens de très loin… d’une île ! Sur l’océan, au-delà des côtes du duché de Bretagne.  

- Vous parlez un très bon latin. Vous avez de l’éducation.  

- Je suis issu d’une ancienne famille noble. Je me nomme Thibaut Montdever… de… de Kerplouflan. »  

Un nom qu’ils ne pourraient pas vérifier…  

« Je suis l’évêque Eudes de Fontainebleau. A l’évidence, vous ne pouvez pas rester croupir ici. Je vous emmène. »  

L’homme d’église reçut Thibaut à l’évêché, où il l’installa devant une table richement dressée. Le jeune homme put se rassasier d’oie rôtie, de perche à la menthe, de pain au miel et de vin aux épices. L’évêque lui posa des questions tous le restant de la journée. Au fur et à mesure où Thibaut inventait ses réponses, l’homme devenait plus curieux, plus étonné et plus fasciné. A la fin de la journée, le jeune homme s’était créé une peau de fils de comte, descendant d’hommes-liges des rois francs, ayant grandit sur une île fermée à toute civilisation, ayant passé sa jeunesse dans l’éducation des lettres et des sciences de son père, et ayant enfin rejoint le continent à la mort de tous les siens. Il avait décidé de rejoindre la cour du roi Robert II le Pieux pour trouver un nouveau but à sa vie.  

« Les années de solitude ont manifestement permis à votre famille d’acquérir de bien étranges coutumes. »  

Il fixait les anneaux perçant le visage du jeune homme et son drôle d’accoutrement.  

« Il faudra que vous me racontiez comment vous êtes parvenus à confectionner de si étonnants tissus. »  

Thibaut eut une bouffée d’angoisse en fouillant dans sa mémoire, à la recherche des origines du jean…  

« Mais nous verrons cela plus tard, je crains de vous avoir épuisé. Il fait nuit et demain sera un grand jour pour vous, puisque je vais moi-même à la rencontre de notre roi, Henri Ier. Je vous emmène avec moi !  

- … Henri Ier ?  

- Oui, le roi Robert n’est plus depuis quatre ans. Je crains que la nouvelle ne soit pas parvenue jusqu’à votre île.  

- Pardonnez-moi mais… En quelle année sommes-nous ?  

- En 1035, tudieu ! Est-il possible que votre île ait été à ce point hors du temps ? »  

Au temps pour la précision du Dr. Lavigne. Elle l’avait envoyé non pas en l’an 1000, mais 1000 ans plus tôt…  

 

 

Ce fut à pied que l’évêque Eudes entraîna Thibaut dans les ruelles de Paris le lendemain matin. Le jeune homme promenait son regard sur les maisons, les échoppes, les artisans et les badauds avec gourmandise. Le décor était plus vrai qu’au cinéma : plus sale, plus odorant, plus sourd… plus vrai ! Il était étonné qu’Eudes, malgré ses habits d’apparat, n’hésitât pas à mouiller son habit dans la gorge d’eau souillée d’immondices qui sillonnait le milieu de la ruelle, et que les curieux jetassent un regard plus étonné sur lui-même que sur l’évêque. Si Thibaut avait accepté de porter une étole prêtée par son hôte pour se réchauffer, il avait préféré garder ses propres vêtements, aussi anachroniques furent-ils, car il pensait qu’il était important que son apparence détonne dans l’ensemble, et qu’ainsi il puisse plus facilement attirer l’attention des gens de cour. Sans sa singularité, il avait peu de chance d’atteindre le roi.  

Ils longèrent les bords de Seine, qui puaient du relent des ateliers de tannages installés sur ses berges, et Thibaut avait toujours beaucoup de mal à se repérer, tellement la ville était méconnaissable. Ce n’est que lorsqu’ils franchirent un pont qu’il reconnut l’île de la Cité et le château-fort installé au plein cœur de la ville. Ils pénétraient dans le Palais de la Cité, berceau de la cour des rois francs. La ville était tellement plus petite que celle qu’il connaissait ! Il était difficile de croire que le leader d’un royaume fut installé au sein d’une bourgade aussi modeste, protégé par quelques dizaines d’hommes de garde seulement. Thibaut repensa à l’Elysée…  

« Je dois vous prévenir que vous trouverez peut-être l’humeur chargée à la cour. Le roi est en guerre contre ses vassaux normands, et il doit lutter lui-même contre des discordances familiales. »  

L’évêque Eudes était attendu, aussi furent-ils reçus rapidement. Si tous les gardes et hommes de cour regardèrent Thibaut avec surprise, personne ne questionna l’homme d’église à son sujet. Il devait être particulièrement important à la cour.  

Thibaut se sentait tout petit, et bien peu sûr de lui, lorsqu’ils pénétrèrent dans la salle du trône. Des hommes et des femmes, emmitouflés dans diverses capes, rubans, toges et collants peuplaient la salle en discutant par groupe. L’évêque Eudes s’avança vers le fond de la salle, où un homme brun aux cheveux longs et à la barbe touffue (Weston Hatcher), corseté dans un habit pourpre liseré d’or, parlait avec un groupe de jeunes personnes. Lorsqu’il vit l’évêque, l’homme leva les bras.  

« Parrain ! Vous avez tardé. J’avais grande impatience de vous voir. »  

A ces mots, l’ensemble de la cour fit silence et se tourna vers les nouveaux arrivants. Eudes fit la révérence devant son filleul le roi et Thibaut l’imita avec maladresse. L’accoutrement du jeune homme attira assurément les regards.  

« Votre suite est pour le moins étonnante, mon évêque.  

- Sire, permettez-moi de vous présenter Monsieur le Comte Montdever de Kerplouflan, un voyageur à la destinée bien équivoque, dont je vous entretiendrai quand il vous siéra. »  

Le roi Henri émit un hochement de tête approbateur en regardant le jeune homme, puis entraina l’évêque dans une autre pièce, laissant Thibaut seul au milieu d’une assemblée aux regards aussi interrogatifs qu’hautains.  

 

L’entretien du roi et de l’évêque s’éternisait, et Thibaut restait seul assit dans une alcôve de la salle du trône, rêvassant en regardant les vitraux de la fenêtre. Personne ne s’était approché de lui, et il n’avait osé s’avancer vers personne. Au bout d’un certain temps, néanmoins, une jeune femme (Earinn Stone) au visage angélique, cerné d’un voile vert qui mettait en valeur ses jolis yeux, s’approcha de lui avec un sourire timide et s’assit sur le muret en face de lui.  

« Le clerc de l’évêque vient de me conter votre histoire. Elle est fascinante ! Pour tout vous avouer, à voir votre accoutrement, je pensais que vous veniez d’Orient… »  

Son sourire réchauffa le jeune homme, refroidi par les pierres et l’ambiance rigide de la cour. Elle devait avoir quelques années de moins que lui et un visage amical était un soulagement. Il eut envie de lui dire la vérité sur son compte, ne serait-ce que pour l’impressionner, mais il renonça.  

« Je dois avouer que je me sens comme un chien dans un jeu de quilles. Les regards qu’on tourne vers moi l’expriment assez clairement…  

- Il ne faut pas vous outrer de cela. Bon nombre des gens de cour ne savent rien faire d’autre que de toiser de leur hauteur. Mais ce qu’il y a derrière est tout bonnement vide. Laissez-moi vous indiquer desquels il faut vraiment tenir compte. Voyez-vous cette grande dame à l’air pincé, qui vous regarde comme si vous étiez un accroc sur une tenture ? »  

Elle désignait une femme d’un certain âge, à la robe particulièrement précieuse, dont le voile serrait tellement son menton et ses joues que la peau tendue de son visage semblait incapable du moindre rictus.  

« Il s’agit de la reine Constance d’Arles (Olivia Fallon), la mère du roi. Une femme acariâtre et arrogante, qui régente presque autant que le roi les affaires du royaume, avec toute la fourberie dont une femme est capable. »  

Le ton de la jeune femme démontrait suffisamment la révulsion que cette femme lui inspirait.  

« En face d’elle se tient son fils, le jeune frère du roi. Robert de France (Hugh Darby). »  

Thibaut observait le jeune homme au regard de glace, qui se tenait fièrement dans un plastron en velours bleu nuit aux ornements d’argent.  

« Il pourrait avoir de l’esprit si sa mère lui en donnait l’espace. Mais il se contente d’exécuter stupidement ses moindres désirs et se laisse emporter par ses ambitions de trône. »  

Thibaut regarda la jeune femme avec surprise.  

« Quelles ambitions ?  

- Le roi Henri n’a pas que des alliés dans son gouvernement. Sa mère et son frère ne sont pas les moindres de ses ennemis. Tout le monde sait qu’ils convoitent son trône. Et la jeune fille près d’eux, c’est Anne de Kiev (Cassie Dickinson), la fille du grand-prince de Novgorod. Il est l’allié d’Henri, mais la reine-mère n’a d’intérêt pour elle que pour lui donner ma place.  

- Votre place ? Qui êtes-v… »  

Il ne put terminer sa phrase. Le roi Henri venait de s’approcher d’eux, accompagné de l’évêque, et s’adressa à Thibaut.  

« Prenez garde, jeune monseigneur. Vous voir compter fleurette à ma jeune épouse ne saurait être de bon augure pour que nous fassions connaissance ! »  

Cette jeune femme était donc la reine ? Thibaut ne put cacher sa surprise, qui amusa grandement le roi. A toute vitesse, il fouilla sa mémoire et les détails de la dynastie capétienne pour retrouver le nom de cette jeune femme. 1035… Henri Ier de France… Mathilde de Frise !  

 

 

Cela faisait plus de deux jours que l’évêque avait présenté Thibaut à la cour et sa rencontre avec le roi s’était particulièrement bien passée. Henri avait été fasciné par ses histoires et s’amusait grandement de cette curieuse destinée, autant que de son étrange apparence. Le jeune homme sut montrer de l’esprit et de l’humour, et réussit à se faire apprécier de lui. Aussi, chaque jour, l’évêque Eudes, qui avait continué de lui offrir l’hospitalité, amenait Thibaut passer ses journées dans les couloirs du palais, à parader au milieu de la cour et à attendre que le roi ait du temps à leur accorder.  

Mais passés les premiers moments fascinants à découvrir la vie de cour et les mille et une petites choses qui en composaient son quotidien, Thibaut se sentit le cœur lourd. Il n’appréciait pas ce monde, et surtout pas l’ensemble de ces courtisans qui lui paraissaient froids, faux et difficiles à cerner. Il n’y avait que dans les nombreux instants qu’il pouvait passer avec la reine Mathilde qu’il trouvait du réconfort. La jeune femme était intelligente et très différente des autres. Avec elle, il avait le sentiment de passer du temps avec une jeune femme de son propre temps.  

Quoi qu’il en soit, Thibaut s’inquiétait de ne pas revoir apparaître Hiaam. Il lui avait promis de le retrouver trois jours plus tard, et le délai était passé. N’arrivait-il pas à le retrouver ? Aurait-il dû retourner au lieu de leur première rencontre ? Il lui semblait qu’il avait passé bien assez de temps pour avoir des choses à raconter, et il n’en pouvait plus des repas lourds, gras à boucher des artères, et dont il redoutait toujours les microbes, fait comme il était d’un corps habitué aux nourritures pasteurisées, sur-nettoyées et sur-aseptisées.  

Un jour, le roi lui dit :  

« Jeune Montdever, malgré vos années de confinement au bout du monde, votre esprit est singulièrement aiguisé. J’aimerais que vous m’accompagniez au conseil. Votre esprit si étrangement tourné pourrait apporter à mes affaires un regard nouveau. »  

C’est ainsi que Thibaut assista à son premier conseil royal, où les plus proches conseillers du roi discutaient avec lui de la bataille de Mortemer, qui verrait dans quelques semaines les troupes royales se confronter à celles des seigneurs de Normandie. Thibaut restait assit sagement dans son coin à écouter le conseil décrire la topologie des lieux, l’emplacement futur des deux armées et les stratégies de combat. La reine Constance était présente et monopolisait volontiers la parole. Mais ses conseils semblaient tellement malavisés, malgré son assurance, que le jeune homme en venait parfois à douter qu’elle désirât réellement la victoire de son fils.  

Cette bataille lui en rappela d’autres, et ses cours d’université lui revinrent en mémoire. Il s’était beaucoup intéressé aux stratégies militaires de Napoléon. Aussi, quand le roi Henri tourna le regard vers lui et haussa les sourcils, Thibaut toussota avant de prendre la parole.  

« Sire, de quel armement disposez-vous ?  

- Hommes d’épées, archers, cavaliers, balistes… »  

Thibaut pensa au canon, mais il ne se souvenait pas de la recette de la poudre à canon, et son usage n’était pas encore connu en Europe. Par contre, il se souvint d’une invention qu’il avait lue dans un roman de fantasy et qui lui avait toujours parue intéressante. Il se leva et s’approcha de la table. La reine Constance eut un hoquet outré.  

« Si vous me permettez, Sire, votre position n’est pas bonne. Votre armée serait encaissée et prenable par ce flanc-ci ou ce flanc-là. Vous devriez positionner votre armée sur les hauteurs de cette butte. Et pour l’armement… »  

Il saisit la propre plume du roi et se mit à dessiner sur un morceau de parchemin le plan d’une baliste avec sa base proche de l’arbalète, mais en y couplant un corps aux allures de mitrailleuse, qui pourrait (si son roman disait vrai) décocher des dizaines de carreaux à la minute. Le roi regarda son schéma avec étonnement et le tendit à son maître d’armes. Le militaire signifia sa stupéfaction et regarda Thibaut avec des yeux brillants.  

« Sire, c’est tout bonnement ingénieux. Je n’ai jamais rien vu de tel en ce monde ! »  

Sur ces mots, Robert de France se dressa et frappa du poing sur la table.  

« Mon frère, vous n’allez pas accorder d’importance aux lubies de cet énergumène ? Qui est-il et qui l’envoie ? Comment pouvez-vous-même permettre à un vilain aux allures de sauvage mongol de paraître au conseil ? »  

Henri se dressa à son tour et s’enflamma à l’encontre de son frère.  

« Robert, vous êtes bien trop versé dans vos propres secrets pour me demander des comptes sur mes fréquentations ! Je suis le Roi et j’accorde ma confiance à qui le mérite. L’idée est excellente, et le jeune Montdever sera à mes côtés à la bataille de Mortemer. J’ai dit ! »  

Le roi mit un terme au conseil en quittant la salle à grandes enjambées. La reine Constance et Robert fusillaient Thibaut du regard, qui avait diablement pâli en apprenant qu’il allait rejoindre le sentier d’une guerre médiévale… Mais bon sang, où était Hiaam ?  

 

 

Plaines de Mortemer, Normandie  

 

Cela faisait trois semaines que Hiaam aurait dû venir le rechercher, mais Thibaut n’avait aucune nouvelle. Il se trouvait maintenant prostré dans sa tente, dans le camp de l’armée royale, à quelques centaines de mètres de la plaine qui allait voir la bataille faire rage dans moins d’une journée.  

Un garde vint le chercher pour le mener à la tente du roi, immense, où les têtes les plus fortes étaient rassemblées pour les derniers préparatifs au combat. Thibaut était pâle et même la présence de la reine Mathilde, qui lui souriait avec confiance, ne pouvait l’empêcher de sentir ses entrailles danser la zumba.  

Et ce fut ce moment, au centre du cercle formé par le roi, la reine, Constance d’Arles, Robert de France, Thibaut et les plus hauts maréchaux de guerre, que choisit Hiaam pour apparaître, surgit du néant, dans son habit rouge verni. Les femmes hurlèrent, les hommes tressautèrent, et Hiaam échangea un regard de surprise avec Thibaut devant l’incongruité du moment.  

« Thibaut !  

- Hiaam ! »  

Ils n’eurent le temps que de s’interpeler, car Robert de France saisit son épée subitement et l’enfonça en criant dans la poitrine de l’homme du futur. Hiaam ouvrit de grands yeux effrayés alors que du sang coula de ses lèvres, et s’écroula sur le sol. Aussitôt, son corps disparu aussi instantanément qu’il était apparu. Après une seconde de silence et d’immobilité totale, Thibaut se laissa tomber à genoux.  

« Nooooon ! Qu’avez-vous fait ? », hurla-t-il en fixant Robert.  

« Diablerie ! », hurla Constance d’Arles en retour. « Je vous avais dit qu’il y avait quelque diablerie derrière ce sauvage… Robert, tu nous as sauvés de ce démon à la peau noire sorti des enfers. Tu es un héros ! Et c’est lui », dit-elle en désignant Thibaut, « lui qui l’a fait venir. Vous les avez entendus ! »  

Tous regardaient Thibaut, atterrés. Le jeune homme n’arrivait pas à réagir, il revoyait le torse transpercé de Hiaam, sa chance de rentrer chez lui s’évanouir une seconde fois. Robert prit la parole.  

« Henri, vous faudra-t-il une deuxième preuve que cet homme a trahi votre confiance ? Ourdi avec les enfers pour votre perte ? Il faut le mettre à mort. Sur le champ ! »  

Il s’apprêtait déjà à relever son épée, mais le roi arrêta son geste. Il s’avança vers Thibaut et le regarda sévèrement.  

« Mettez-le aux fers. Nous verrons après. »  

 

Thibaut se retrouva enchaîné dans sa tente. Alors qu’il se morfondait, la tête dans ses mains, et se demandait quelles chances seraient les siennes de sauver sa vie en leur expliquant la vérité, son attention fut détournée par un morceau de carton jaune qui venait de lui tomber sur la jambe. Il regarda en l’air mais ne vit pas d’où il avait pu surgir. En le regardant, il comprit : le carton en bristol, sur lequel on avait visiblement écrit à la hâte au stylo Bic, ne pouvait que venir du futur. Il le lut avec fièvre.  

« Thibaut, vous comprendrez qu’après ce tragique événement, le gouvernement ait décidé de suspendre nos travaux de secours temporel à votre égard. J’en suis profondément navré. Peut-être, un jour, une chance se présentera-t-elle de vous faire revenir ? Qui sait ce que réserve l’avenir. Tous mes vœux de courage pour votre adaptation dans cette nouvelle vie. »  

Le mot n’était pas signé. Thibaut baissa la tête. Cette fois, les choses ne pouvaient pas être pires.  

La nuit passa, et on oublia Thibaut le temps que la bataille ait lieu. Il comprit aux sons de liesse que le roi de France avait vaincu. Mais ce ne fut qu’à la tombée de la nuit que sa tente s’ouvrit sur une présence humaine. Et la reine Mathilde entra. Elle s’agenouilla dans l’herbe et prit les mains de Thibaut dans les siennes.  

« Ne perdez pas courage. Le roi a conscience que cette victoire vous est due et il ne vous mettra pas à mort. »  

Le jeune homme était abattu, mais le regard tendre de la jeune femme lui donnait une illusion d’espoir. Usé aussi bien mentalement que physiquement, il n’eut pas l’énergie de réfléchir plus avant et décida de se soulager du secret en lui racontant sa réelle histoire.  

 

 

Dans une tente proche, au même moment, un conciliabule moins tendre se tenait entre une mère et son fils. La reine Constance et Robert de France ne se réjouissaient pas de cette victoire, qui asseyait Henri encore un peu plus sur son trône. Robert pestait.  

« Mon frère s’est trouvé un sorcier. Sans lui, les Normands auraient eu l’avantage. Ne pouvons-nous l’assassiner ?  

- Robert, nous n’avons pas autant de latitude que tu le penses. Cette victoire peut renverser les alliances au profit de ton frère plutôt qu’à toi. Il te faut prendre patience. Notre priorité est de marier Henri à la petite Anne, et gagner son père à notre cause. Mais tu as raison, il faut éloigner le sorcier.  

- Les galères ?  

- Henri n’est pas convaincu de sa traîtrise. Il faut l’éprouver. »  

Ils se tinrent silencieux un instant. Puis une lumière mauvaise s’alluma dans les yeux de la reine mère.  

« Henri veut monter une nouvelle croisade. Envoyons-y le sorcier, pour qu’il y prouve son allégeance. »  

Robert sourit.  

« Il y a tant de périls sur la route de Jérusalem. Il n’en reviendra pas vivant… »  

 

Henri accepta la proposition, et lorsqu’il en fit part solennellement à Thibaut, celui-ci n’eut même pas la force de répondre. Une croisade… de mieux en mieux. Il en aura soupé du Moyen-Age dont il avait tellement rêvé !  

Mathilde était pâle et regardait le jeune homme avec pitié. Elle se tourna vers le roi.  

« Sire, j’ai une requête. Votre croisade ne peut pas être menée sans qu’une figure royale ne la guide. Laissez-moi prendre la tête de la croisade au nom de Dieu et du Royaume des Francs. »  

La reine Constance et son fils Robert croisèrent leur regard silencieux, un regard complice et comblé. De son côté, Thibaut entendit à peine la requête de la jeune reine. Mais une étincelle se fit jour dans son esprit et il revit les textes de ses livres d’histoire : Mathilde de Frise, morte de la peste à 18 ans sur le chemin de Jérusalem.  

Non ! Cela ne pouvait pas être ! Il était décidé à ne pas intervenir dans le cours de l’histoire, mais à situation désespéré, mesure désespérée. Cette jeune femme, il l’aimait, et l’histoire passait après…  

 

 

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Un film de Nikolas MORCAR  

Sur un scénario original de Nikolas MORCAR et du Corbeau  

 

Avec  

Jimmy OAKES - Thibaut Monrdever, dit “de Kerplouflan”  

Earinn STONE - Mathilde de Frise  

Weston HATCHER - Henri Ier de France  

Olivia FALLON - Constance d’Arles  

Hugh DARBY - Robert de France  

Leonard BRUMEL - Eudes, évêque de Fontainebleau  

Terry FILLION - Hiaam  

Suri PENDRAGON - Dr. Elodie Lavigne  

Cassie DICKINSON - Anne de Kiev  

 

Sur une musique de Peter FALTERMEYER

Scénario : (2 commentaires)
une superproduction historique (Science-fiction) de Nikolas Morcar

Jimmy Oakes

Earinn Stone

Weston Hatcher

Olivia Fallon
Avec la participation exceptionnelle de Suri Pendragon, Cassie Dickinson, Leonard Brumel, Terry Fillion, Hugh Darby
Musique par Peter Faltermeyer
Sorti le 28 décembre 2035 (Semaine 1617)
Entrées : 25 003 340
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