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Les Films du Corbeau présente
Elisabeth

Sur les bords du lac d’Annecy, 1809  

 

Elle gravit les marches de pierre en courant. Un homme sur la terrasse la regarda, derrière son monocle, sortir de la nuit du jardin d’un air surpris. Elle n’y prêta pas attention et poussa la porte vitrée. Elle regarda furtivement son reflet dans un grand miroir : ses joues étaient roses, presque rouges, et une mèche de cheveux s’échappait de son chignon. Elle l’aplatit et sursauta lorsqu’elle entendit la voix de sa tante chevroter derrière elle.  

« Elisabeth, mais où étiez-vous donc… Ma parole, vous avez couru ?  

- J’étais au bord du lac, ma tante.  

- Par cette nuit noire ? Vous auriez pu vous noyer ! Jeune imprudente… »  

Elle ne laissa pas la vieille dame continuer et s’enfonça jusque dans la salle de bal. Les musiciens avaient entamé un quadrille et Elisabeth (Suri Pendragon) zigzagua un instant entre les danseurs pour s’éloigner autant que possible de sa chaperonne. Elle peinait à reprendre son souffle. Elle était exaltée. Elle fouillait la salle du regard pour le trouver. Il ne devait plus tarder.  

Il apparut à ce moment par la grande porte. Il plissa les yeux sous l’effet de la lumière vive. Qu’il était beau. Il promenait son regard à droite et à gauche. Assurément, il la cherchait aussi. Elle s’avança suffisamment pour qu’il la voie, et lorsqu’il le fit, son visage s’éclaira d’un large sourire complice. Oscar (Frank Mattis) lissa son uniforme et s’avança vers elle à grandes enjambées. Sans un mot, il lui tendit une main qu’elle accepta et ensemble, ils rejoignirent le parterre de danseurs.  

En riant, elle retira discrètement un brin d’herbe qui s’était coincé dans son épaulette. Ils dansèrent en se dévorant des yeux, insensibles aux autres.  

Deux jours auparavant, elle ne le connaissait pas. Maintenant, elle ne jurait plus que par lui. Tout avait été un tourbillon. Il l’aimait aussi, elle n’en avait pas le moindre doute. Elle savait peu de choses sur lui pourtant, ils n’avaient jamais pu se parler sans une surveillance quelconque. Elle savait juste qu’il faisait partie de la garnison d’Annecy et qu’il venait d’une bonne famille du Jura. Tout le reste s’était passé dans l’échange de leurs regards, dans leurs gestes…  

Elle posa la joue contre son torse. Ce qu’elle venait de faire était une folie. Une jeune fille de bonne famille ne cédait pas sa vertu à un inconnu. Il pourrait la perdre. Mais elle lui vouait une confiance absolue. Dès qu’ils s’étaient relevés des hautes herbes, s’époussetant mutuellement au bord du lac, il lui avait dit :  

« Dès mon retour, je viendrai à Paris et je demanderai votre main à votre père. »  

Elle avait répondu par un sourire. Oui, elle savait. Pas besoin d’un mot de plus.  

« Rentrons vite. Séparément. »  

Bientôt, la soirée toucha à sa fin et la tante d’Elisabeth insista pour qu’elle la suive. Il était temps de partir. Elle la maudit intérieurement, l’empêchant d’échanger un dernier baiser avec Oscar. Demain, il partait pour la campagne d’Espagne, il irait combattre pour l’Empereur, et peut-être n’en reviendrait-il jamais. Mais au fond d’elle-même, elle ne se sentait pas désespérée. Elle savait qu’il le ferait. Il n’y avait aucune autre alternative possible à un amour aussi fort et aussi implacable. Oscar la regarda s’éloigner sans dire un mot, en dévorant son regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse.  

 

Dans le fiacre, Elisabeth fixait le reflet de la lune sur les eaux du lac. Sur la banquette qui lui faisait face, son oncle et sa tante dodelinaient de la tête dans leurs atours de fête. Les lueurs du bal s’éloignaient. Puis, sur la dernière artère de la ville, ils longèrent un vaste bâtiment austère, encore éclairé de lanternes. La caserne… Alors Elisabeth sursauta d’effroi… Dans la confusion de leurs sentiments, ils n’avaient pas échangé les informations les plus pratiques. Où Oscar irait-il la trouver lorsqu’il reviendrait de la guerre ? Elle ne se souvenait même pas lui avoir donné le nom de sa rue à Paris. Elle frappa brusquement sur le chambranle du fiacre. Le cocher stoppa ses montures, et l’oncle et la tante se réveillèrent en sursaut. Mais Elisabeth était déjà descendue et se précipitait vers les grilles de la caserne. Sa tante passa la tête par la fenêtre et la regarda discuter avec le soldat de garde.  

« Mais… Elisabeth ! Grand Dieu, que fais-tu ? »  

Elle ignora son appel. Elle tendait au soldat un morceau de papier en le regardant avec un air grave.  

« Vous vous souviendrez ? L’officier Perthuis. Oscar Perthuis.  

- Oui, oui…  

- C’est très important. Vous comprenez ?  

- J’ai ben compris, mam’zelle. L’officier Perthuis, oui-oui…  

- Elisabeth, reviens ici tout de suite ! »  

Elle retourna vers le fiacre mais n’arrivait pas à détourner son regard anxieux du soldat. Etait-il de confiance ? Il avait son bonheur entre les mains…  

 

Lorsque le soldat fut relevé de sa garde, il traversa lentement la cour, alourdi de fatigue, et gravit les escaliers de son dortoir. Lorsqu’il passa devant la porte de la chambre de l’officier Perthuis, une étincelle raviva son souvenir. Il saisit le billet de la jeune inconnue qu’il avait camouflé dans l’intérieur de sa tunique et le glissa sous le pas de la porte. Il ricana intérieurement. Y a pas à dire, il y en avait qui passait du bon temps pendant que lui luttait contre le sommeil à sa grille…  

Quelques minutes plus tard, un groupe d’officiers entrait bruyamment dans le bâtiment. Ils revenaient du bal, exténués mais heureux d’avoir profité de leur dernière soirée avant le départ. Ils investirent le couloir en parlant fort. Oscar était parmi eux, le sourire radieux. Il ouvrit sa porte, et le courant d’air créé par sa fenêtre ouverte fit s’envoler le billet dans le couloir. A cet instant, un de ses camarades l’interpela, et Oscar fit un pas en arrière.  

« T’es bien souriant, toi, pour un gars qui part à la boucherie dès l’aube. J’sais pas comment tu fais.  

- C’est parce que j’ai trouvé une bonne raison pour revenir vite. »  

Les soldats s’enfermèrent tour à tour dans leur chambre et le bâtiment retrouva sa quiétude. Le billet resta, seul et oublié, sur le plancher du couloir.  

 

 

Dix ans plus tard.  

 

Elisabeth était immobile devant la fenêtre. De l’autre côté de la rue, la Seine suivait son cours sinueux en silence. La vue des eaux calmes réveillaient parfois en elle une chaleur qu’un lointain souvenir maintenait au creux de son ventre. Ses pensées furent interrompues par le cahot d’un pas enfantin qui tambourinait sur le plancher du couloir. Une petite fille d’une dizaine d’année, engoncée dans sa robe bouffante, fit une entrée tonitruante dans le salon, suivie par un homme distingué aux tempes grises (Shawn Green). La petite fille se précipita vers Elisabeth, qui l’accueillit en ouvrant les bras.  

« Mère, c’est vrai ce qu’a dit mon père ? Que je peux vous accompagner ?  

- Où ça ? », répondit-elle en interrogeant son époux du regard.  

« Je lui ai dit qu’elle pourrait venir avec nous au bal des Conti.  

- Alors si votre père l’a dit, c’est que vous le pourrez. Mais vous resterez bien sage auprès de Nounou. Et vous rentrerez sans faire d’histoire quand nous vous le dirons. »  

L’enfant remercia sa mère avec un baiser plus brutal que plaisant, mais qu’elle reçut de bonne grâce.  

 

Le soir venu, Elisabeth descendit les escaliers parée de sa robe dorée et des pierres que le comte lui avait offertes lors de leur anniversaire. Elle était occupée à enfiler sa paire de gant, aussi fut-elle surprise de le découvrir en bas des escaliers lorsqu’elle releva la tête. Il regardait son épouse avec une admiration muette. Dix ans jour pour jour s’étaient écoulés depuis leur mariage, et elle parvenait toujours à déclencher cette lueur dans son regard. Il prit sa main et la porta à ses lèvres.  

« Je vais être encore jalousé tout au long de la soirée. Merci pour ça. »  

Elle lui répondit par un sourire flatté. Elle avait beaucoup de chance…  

Dix ans auparavant, lorsqu’elle était revenue à Paris, elle n’était plus la jeune fille qui avait suivi sa tante à Annecy au début de l’été. Les mondains de la capitale remarquèrent cela, et l’enfant se transforma en une jeune femme convoitée par les meilleurs partis. Ferdinand de Brabant était un ami de son père, et avait lui aussi été séduit par ce changement. Il avait demandé la main d’Elisabeth à son père. Elle avait d’abord refusé. Il était trop vieux. Puis s’était retrouvée contrainte d’accepter.  

Elle ne l’avait néanmoins jamais regretté. Ferdinand était un homme foncièrement bon et généreux. Il l’aimait inconditionnellement. Il avait fallu des années à Elisabeth pour se débarrasser de la culpabilité de ne pas l’aimer en retour. Mais avec le temps, elle avait appris à éprouver pour lui la plus entière tendresse. Si ce n’était pas de l’amour, au moins était-ce ce qui y ressemblait le plus.  

Eugénie était née dans la première année de leur mariage. Elle était restée leur unique enfant, malgré leur désir d’une famille nombreuse. Et c’était bien la seule ombre qui avait plané, ces années durant, sur leur mariage uni. Au-delà de cette déception, ils avaient dans la haute société parisienne l’image d’un couple parfait, et le comte et la comtesse de Brabant était parmi les invités les plus recherchés en toute occasion.  

 

L’hôtel particulier du prince de Conti avait été entièrement décoré de pourpre et de jaune pour s’allier aux débuts de l’automne. Mais on se disait sous cape que cette thématique opportune correspondait miraculeusement aux couleurs de ses blasons et n’était qu’une autre preuve de sa vanité… Elisabeth passait une soirée exquise même si elle n’avait dansé qu’à une ou deux reprises. Elle était devenue une femme éclairée qui savait discuter de tous les sujets et s’adapter admirablement à l’esprit de ses interlocuteurs. Ainsi, elle réussit à s’extraire adroitement des propos désespérément creux de la vieille Mme Hautefeuille sans donner l’air de la fuir, et parvenait enfin à s’éloigner quand elle buta contre le dos d’un militaire.  

« Pardonnez-moi… »  

L’homme se retourna et un long frisson électrique parcourut le corps d’Elisabeth. Oscar la regarda avec le même air ahuri. Il n’était plus le jeune officier d’alors, il avait manifestement prit des galons, comme son uniforme le prouvait. Mais son visage était le même. Quelques rides apparaissaient ici ou là, mais son regard était toujours aussi doux et chargé d’orage.  

Ils se tinrent en silence, face à face, pendant un instant qui parut infini à Elisabeth. Il fut le premier à reprendre une contenance, et se pencha légèrement en avant.  

« Comment allez-vous, Elisabeth ?  

- … Merveilleusement. »  

Le silence se réinstalla aussitôt. Tant de choses à lui dire, mais sa tête était vide. A ce moment, une jeune femme souriante (Cécile Bodin) posa sa main sur le bras d’Oscar. Il la regarda, surprit, comme s’il se rappelait soudain où il se trouvait.  

« Pardonnez-moi… Je vous présente mon épouse, Clémence. Clémence, voici Mademoiselle…  

- Elisabeth de Brabant », l’interrompit la jeune femme. « Je le sais, Oscar ! »  

Elle rit en se tournant vers Elisabeth.  

« Mme Hautefeuille ne jure que par vous et vous a désigné à moi au début de la soirée. Je suis enchantée de faire votre connaissance.  

- Moi de même », répondit Elisabeth, confuse et ne parvenant pas à totalement reprendre ses esprits. Ses joues la brûlaient et elle ne pouvait s’empêcher de penser que son trouble devait être éclatant.  

Elle fut soudain bousculée par des mains qui s’agrippèrent à sa robe. La petite Eugénie ne s’inquiéta pas d’interrompre la discussion.  

« Mère, il y a un garçon qui me demande de danser avec lui. Mais moi, je ne sais pas danser ça ! »  

Elisabeth regarda sa fille comme si elle était une étrangère. Il se passait trop de choses au même moment, elle ne parvenait pas à reprendre prise. Mais Ferdinand apparu à son tour et se pencha vers sa fille.  

« C’est un menuet, pourtant. Souviens-toi, Nounou te l’a montré dans ta chambre l’autre soir. Tu devrais accepter l’invitation de ce garçon. Il te montrera les pas. »  

La petite fille s’en alla, plus confiante, et Ferdinand se redressa vers sa femme. Il constata la pâleur de son visage.  

« Vous vous sentez mal ?  

- … Non, pas du tout. Ferdinand, je voudrais vous présenter M. Perthuis, et son épouse Clémence. »  

Les deux hommes se serrèrent la main.  

« J’ai entendu parler de vous, Colonel Perthuis. Votre général est un de mes vieux amis. Il n’a que du bien à dire de vous !  

- J’en suis ravi.  

- Saviez-vous, Elisabeth, que le colonel connaissait notre ami Pasquier-Bremart ?  

- Non, je l’ignorais. »  

Clémence posa une question en toute innocence.  

« Mais vous connaissiez mon mari, est-ce que je me trompe ?  

- Oui, nous nous étions rencontré en Savoie. Il y a des années de cela. »  

Ferdinand rit.  

« Effectivement, cela doit faire bien longtemps car nous n’y sommes jamais allé ensemble !  

- Oui, c’était très peu de temps avant notre mariage… »  

Que cette discussion s’arrête. Mon Dieu, faites qu’elle s’arrête ! Et heureusement pour Elisabeth, elle prit fin. Ferdinand se tourna vers l’ensemble de musiciens qui venaient d’entamer un rondeau, une danse qu’il appréciait particulièrement.  

« Mme Perthuis, m’offrirez-vous cette danse ? »  

La jeune femme accepta avec une joie manifeste. Avant de disparaître, Ferdinand se tourna vers Oscar.  

« Colonel, obligez-moi en invitant mon épouse. J’ai remarqué qu’elle a trop peu dansé ce soir. »  

Ils disparurent, la laissant seule face au militaire. Il ne la regardait pas dans les yeux, sa mâchoire semblait contractée. Elle ne savait que faire de ses mains. Soudain, il tendit la sienne vers elle, et elle le suivit sur la piste de danse.  

*** BO : https://www.youtube.com/watch?v=j-YGO1qilaI ***  

Ils se tenaient l’un contre l’autre, et Elisabeth cherchait à attirer son regard. Mais son visage était fermé et il fixait le vide devant lui.  

« …Vous n’êtes jamais revenu. »  

Il la regarda, surpris. Il semblait en colère.  

« Nous étions jeunes et stupides. Nous ne savions rien l’un de l’autre. »  

Son ton était froid et distant. Quelque chose de glacial s’installait dans les entrailles d’Elisabeth. Mais il ajouta soudain :  

« Si vous aviez voulu que je vous retrouve, vous m’auriez laissé votre adresse. »  

Elle se figea de stupeur, interrompant leur danse. Elle était interloquée.  

« Mais je vous l’ai donnée ! J’ai laissé un billet pour vous à la caserne. On ne vous l’a pas donné ? »  

Il restait muet, mais ses yeux s’arrondissaient de stupeur.  

« Oscar, vous ne l’avez pas eu ? »  

Il ne répondit pas et la rapprocha de lui, reprenant la danse. Elisabeth dansait machinalement, ses oreilles étaient brulantes et bourdonnaient. Etait-ce cela ? Un billet envolé ? Une simple méprise ? Ils se serrèrent plus fort. Sa main tremblait dans celle d’Oscar.  

Leurs pensées furent interrompues par un rire enfantin auprès d’eux. Eugénie riait dans les bras d’un garçon en tentant de suivre ses pas. Elle vit Oscar la regarder.  

« Quel âge a-t-elle ? »  

 

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Un film de Paul BIRDNAM  

Sur un scénario original de Suri PENDRAGON  

 

Avec  

Suri PENDRAGON - Elisabeth de Brabant  

Shawn GREEN - Ferdinand de Brabant  

Frank MATTIS - Oscar Perthuis  

Cécile BODIN - Clémence Perthuis  

 

Sur une musique de Gaia LAWS  

Scénario : (3 commentaires)
une série B sentimentale (Drame) de Paul Birdnam

Shawn Green

Suri Pendragon

Frank Mattis

Cécile Bodin
Musique par Gaia Laws
Sorti le 10 mai 2036 (Semaine 1636)
Entrées : 25 818 317
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