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Les Flims Plalstique présente
Marybell et l'obscur Lord Faraday

-- Les Flims Plalstique et Les Films du Corbeau --  

------------------ présentent ------------------  

 

 

 

Londres, 1888  

 

Un soleil pâle et presque éteint se coucha sur la Tamise. Les ruines du Tower Bridge, vaste chantier d’un pont-levant moderne et audacieux aujourd’hui réduit à l’état de poussière, portaient leur ombre sur l’eau glacée du fleuve. A quelques encablures de ce désastre qui avait défrayé les chroniques londoniennes depuis une dizaine de jours, régnait une agitation dans Fenchurch Street. De nombreux policiers étaient mobilisés pour une chasse à l’homme plutôt inhabituelle : en effet, ce n’était ni plus ni moins que les responsables de l’explosion du pont qui étaient activement recherchés. Les nombreux témoins étaient unanimes. Un homme d’une trentaine d’années et une jeune fille à moitié plus jeune avaient causé l’effondrement du futur monument. Ce qui était plus délicat pour les forces de l’ordre était que les déclarations se rejoignaient sur un autre point : ces deux individus étaient des mages… Et aux dernières nouvelles, ils étaient toujours dans le secteur. Au milieu de tous ces uniformes, un grand type (Terry Fillion) tendait l’oreille afin d’en savoir davantage. Il ne put récolter aucune information digne de ce nom et la couleur de sa peau ne lui permettait pas de passer inaperçu. Mais l’homme restait stoïque devant les insultes que lui lançaient ouvertement les policemen, apparemment habitué à de tels comportements.  

 

- Là-haut !  

Un officier leva la main et désigna deux silhouettes qui courraient sur la terrasse d’un hôtel un peu plus bas dans la rue. Ce fut un branle-bas de combat général et les agents se lancèrent à la poursuite des fugitifs. Certains cherchèrent à entrer dans les bâtiments pour les intercepter alors que d’autres se contentaient de suivre leur parcours en gardant le pied sur le pavé.  

 

Marybell (Earinn Stone) et Swann (Hugh Darby) comprirent sans échanger un regard que la partie allait être serrée. Ils se mirent à détaler alors que deux policiers athlétiques les avaient déjà rejoints et étaient sur leurs talons. Le petit parapet qui marquait la fin de la terrasse s’approchait très vite et les deux officiers savouraient par avance leur victoire car au-delà, c’était le vide. Swann attrapa la main de l’adolescente, s’accrocha à la sacoche qu’il portait à l’épaule, et prit une impulsion puissante. Ils sautèrent dans le vide. Pendant une seconde, le temps sembla se figer. Tous ceux qui assistaient à la scène restèrent bouche bée et même les policiers à leurs trousses faillirent chuter tant ils ne s’étaient pas attendus à ce saut. Au bout d’un moment qui parut interminable, Marybell et Swann atterrirent sur le toit qui se trouvait de l’autre côté de la rue, à presque quinze mètres de leur point de départ. Les deux fuyards enchaînèrent un second saut, caractérisé tout autant par son amplitude surnaturelle que par la douceur de son atterrissage. Bientôt, ils parcoururent les toits londoniens dans un calme seulement brisé par les cris qui semblaient, désormais, tellement lointains.  

 

Déjà, le quartier de Whitechapel était en vue alors que l’obscurité recouvrait la capitale anglaise. Tandis qu’ils passaient devant son ancienne demeure, pauvre bicoque qui tenait à peine droit, Marybell se remémora l’explosion qui avait mis fin aux jours de son père. Ce père qui n’était finalement « que » père adoptif. Elle avait appris par sa bouche qu’il n’était qu’un gardien car la jeune fille avait, semblait-il, un destin prodigieux à accomplir. Des mots bien obscurs pour une jeune fille se croyant alors tout à fait banale. Pourtant, depuis quelques semaines, Marybell avait senti une transformation s’opérer en elle. Dans son esprit ou dans son corps ? Elle n’aurait su le dire. Concrètement, les émotions les plus fortes se matérialisaient en réactions magiques parfois violentes. Des objets projetés, des explosions, des augmentations de température… La jeune fille se posait même la question de savoir si elle était à l’origine de la déflagration qui avait tué l’homme qui l’avait élevée et accessoirement détruit le Tower Bridge. Swann, son parrain, avait cherché à la convaincre du contraire avec une insistance qui n’en était que plus louche. Celui-ci en savait beaucoup plus qu’il ne voulait bien l’avouer et sa maîtrise des pouvoirs magiques en était une preuve valable.  

 

Les deux ombres se glissèrent jusqu’au sol, à l’abri des regards, et pénétrèrent dans une grande demeure par une porte dérobée. Malgré leur volonté de discrétion, ni l’un ni l’autre ne remarqua la silhouette qui les observait à distance. Un grand type à la peau noire.  

 

Le sous-sol du manoir de Swann, en plus d’être parfaitement bien dissimulé, était d’une taille démesurée. Marybell et Swann débarquèrent dans une grande pièce qui n’avait rien à envier au hall de la gare King’s Cross. Ils reprirent leur souffle, heureux de retrouver la sécurité des lieux. Une silhouette s’approcha d’eux sans un bruit, semblant presque flotter dans les airs. Marybell se retourna vivement. Elle aperçut la Dame blanche (Toni Bergman) et son regard toujours aussi nébuleux. Swann se mit alors à farfouiller dans sa sacoche et il tendit un petit sac de toile à la nouvelle arrivante.  

- Tenez, Lucrecia.  

La femme ouvrit délicatement la bourse et en extirpa une petite graine blanche. Elle la plaça dans sa bouche, avec des gestes lents, délicats et décomposés. Swann referma son sac et quitta la pièce après avoir lâché une dernière phrase à voix basse.  

- Cette fois-ci, je crains avoir récupéré les dernières.  

Marybell n’osa pas émettre le moindre geste. Elle ne ressentait aucune peur en présence de Lucrecia, mais sa compagnie la rendait terriblement mal à l’aise. La Dame blanche se tourna vers elle et l’observa de ses grands yeux noirs dans un silence pesant. La jeune fille tenta maladroitement de lancer la conversation.  

- On a eu chaud, dehors.  

D’une voix à la fois douce et abrupte, Lucrecia répondit avec une rapidité qui ne la caractérisait pas.  

- Je sais. Il règne à l’extérieur une confusion plutôt embarrassante. Je ne veux plus que tu sortes, Marybell.  

- Il n’en est pas question !  

Pour toute réponse, l’adolescente reçut un petit sourire difficile à interpréter. Marybell y décela une pointe d’autorité.  

 

Les rues du quartier de Whitechapel n’étaient pas sûres et ses habitants le savaient mieux que quiconque. Ainsi Mary Jane Kelly, une jeune irlandaise qui vendait ses charmes avec la bonne humeur qui la caractérisait, se dépêcha de rentrer chez elle pour retrouver la sécurité de son foyer. Elle vivait seule depuis qu’elle avait flanqué son homme dehors car il préférait traîner avec la petite voisine. La rupture avait été violente et l’un des carreaux de la porte avait été brisé. Comme elle avait perdu la clé de son logement, Mary Jane avait pris par la suite l’habitude d’ouvrir en passant la main par le trou.  

En entrant dans son petit appartement, elle sut immédiatement qu’elle n’était pas seule.  

- T’es revenu Joe ? Ça sert à rien, j’veux plus te voir ici. Montre-toi.  

Une grande silhouette fit un pas de côté et sortit de l’ombre. Mary Jane écarquilla les yeux mais n’eut pas le temps de crier.  

 

La nuit allait bientôt toucher à sa fin et Marybell était exténuée. Depuis le début de la soirée, Lucrecia la poussait à bout. La Dame blanche cherchait obstinément à libérer la puissance qui dormait dans la jeune fille. Celle-ci ressentait la désagréable impression d’être le jouet de cette femme qui, ironiquement, ressemblait à une poupée de porcelaine d’une autre époque. Sans un mot, la grande silhouette se faisait comprendre par de grands gestes exagérés et théâtraux, entraînant les pans de tissu blanc qui recouvrait son frêle corps. Marybell saisissait, sans vraiment savoir comment, ce qu’on attendait d’elle. Mais elle avait beau chercher à « tout lâcher », « maîtriser ses ressentiments » ou « visualiser la portée de son esprit », comme lui avait conseillé Swann un peu plus tôt, elle ne parvenait qu’à de faibles résultats. En un temps qui lui avait paru interminable, elle avait seulement réussi à déplacer une pauvre chaise bancale de quelques décimètres. Il était clair qu’elle ne maîtrisait rien du tout même si elle parvenait à sentir la « magie » en elle.  

- J’en peux plus. On arrête là…  

- Tu ne peux pas te permettre de jouer les fragiles.  

La voix délicate, presque sirupeuse, de la Dame Blanche blessa profondément Marybell. Elle chercha son parrain du regard pour espérer trouver un soutien. Mais celui-ci se faisait de plus en plus discret.  

- Il paraît que vous êtes ma mère. Swann me l’a confié. Est-ce ainsi que vous traitez votre propre fille ?  

Pour réponse, l’adolescente espérait un démenti. Au lieu de ça, les yeux noirs de Lucrecia, billes de marbre insondables, se plantèrent dans les siens.  

- Justement. Je ne peux tolérer la moindre faiblesse de ta part. Tu es trop importante.  

- Mais pourquoi tant de mystères ? Qui suis-je ? Qui êtes-vous ? À quoi suis-je destinée ?  

La Dame Blanche sembla, pour la première fois, hésiter un peu. Elle recula de quelques pas, toujours dans un silence parfait.  

- Je… je n’ai aucune certitude sur ce que tu es.  

Ce fut la goutte d’eau et Marybell se sentit exploser.  

- Je trouverai mes réponses toute seule ! Je ne vous appartiens pas !  

Et elle quitta la grande salle au pas de course.  

Swann débarqua par une autre porte, visiblement aussi étonné qu’inquiet.  

- Dois-je la retenir ?  

La Dame Blanche resta immobile, l’air ailleurs. Elle fixait le mur au pied duquel les restes de la chaise gisaient depuis peu.  

 

La lumière du soleil de ce début de mois de novembre éclairait déjà les rues de Whitechapel malgré les nuages qui emplissaient le ciel et la vie reprenait son cours dans la capitale. Les yeux rougis par la colère et la fatigue, Marybell circulait au milieu des étals des marchands qui étaient installés depuis l’aube sur la place Aldgate. Sans réellement s’en rendre compte, elle réussit à chaparder une pomme au nez du vendeur. Ou plutôt, la pomme quitta l’étal pour venir atterrir dans sa main. L’adolescente y croqua et l’acidité lui réveilla un peu l’esprit. Son regard fut attiré par une agitation qui régnait dans Dorset Street, une petite artère secondaire. Elle se faufila au milieu de la foule, poussée par la curiosité et l’envie de se changer les idées. Des badauds se bousculaient devant la fenêtre d’un minuscule appartement et Marybell ne put s’empêcher de jeter un œil. L’adolescente sentit une terreur tangible remonter en elle et elle déclencha, bien malgré elle, une terrible onde de choc autour d’elle. Une dizaine de curieux chutèrent inexplicablement et lourdement au sol. La jeune fille se précipita au-dessus d’un caniveau pour y vomir le peu qu’elle avait ingurgité. Le corps atrocement mutilé de Mary Jane Kelly gisait sur le lit et cette image n’avait pas fini de la hanter.  

En relevant les yeux, Marybell aperçut l’arrivée d’un bataillon de policiers. Se souvenant qu’elle était activement recherchée, elle s’éclipsa rapidement pour se perdre dans un dédale de ruelles qui paraissaient terriblement sombres malgré l’heure matinale. Quelques chats errants fuirent à son approche et malgré le silence qui régnait en ces lieux, la jeune fille eut la certitude qu’elle était suivie. S’attendant à découvrir quelques policemen dans son dos, elle se retourna vivement, prête à bondir. Un homme s’approchait tranquillement, les mains dans les poches d’un long manteau de cuir et le visage caché par une grande casquette.  

- Tu as tort de te promener au grand jour, Marybell. Beaucoup de monde te cherche, tu sais.  

- Qui êtes-vous ?  

L’homme (Terry Fillion) leva la tête et croisa le regard de l’adolescente. Celle-ci recula lentement, hésitant à décamper sans demander son reste. Le type continuait à parler d’une voix neutre.  

- Je te cherchais également. J’ai pas mal de choses à t’apprendre. Il faut que tu me suives…  

Et il leva ses mains en direction de la jeune fille. Malgré la noirceur de sa peau, Marybell y devina des traces sombres. Du sang. L’image du cadavre lui revint en mémoire telle une gifle et elle ressentit alors une prodigieuse panique. L’homme dut la ressentir et il attrapa vivement son poignet.  

- Il faut que tu restes, que tu me fasses confiance, Marybell.  

- Lâchez-moi ! Vous me faites mal !  

L’adolescente se débattait violemment mais la force de l’homme lui était bien supérieure. Alors, Marybell décida de laisser son agressivité s’exprimer autrement. Autour d’eux, les papiers se mirent à voler, des planches s’arrachaient des murs dans une sorte de cyclone qui semblait se former. Mais l’homme restait impassible à toute cette agitation surnaturelle.  

- Nous devons…  

Il y eut un choc aussi brutal qu’inattendu et le type chuta lourdement. Marybell eut la conviction immédiate qu’elle n’y était pour rien. Alors que l’inconnu gisait inanimé au sol, une voix masculine la fit sursauter.  

- Tu vas bien ?  

En tournant la tête, elle aperçut un homme richement habillé (Matthew Sorensen) qui tenait une matraque à la main. Il la rangea à sa ceinture et la dissimula sous son manteau.  

- Les rues ne sont pas sûres de nos jours. Je ne reste jamais sans défense.  

Il lança un sourire paternel à la jeune fille qui n’en demandait pas tant. Celle-ci ne pouvait plus sortir un mot et semblait littéralement sur les rotules.  

- Je ne puis te laisser dans cet état, livrée à toi-même. Que dirais-tu d’une tasse de thé ? J’habite à deux pas.  

Toujours sous le choc d’émotions trop fortes pour une fille de son âge, Marybell décida de suivre l’homme. À n’en pas douter, le remue-ménage qu’elle avait causé allait attirer les policiers et elle avait tout intérêt à se trouver une planque.  

- Je ne te demanderai pas ce que tu faisais seule dans un endroit aussi mal famé. Tout comme tu dois te demander ce que j’y faisais. Mais j’ai remarqué quelque chose…  

Le cœur de Marybell se serra alors que l’homme stoppa sa marche devant une grille en fer forgé qui donnait sur une cour intérieur. L’homme enchaîna avec un regard pénétrant.  

- … et il faut que tu saches que tu n’es pas seule, petite.  

Le portail s’ouvrit sans un bruit et sans que personne ne le touchât. Marybell hésita à nouveau. Mais elle finit par emboiter le pas de l’inconnu.  

 

L’hôpital de Bethlem avait une belle façade parfaitement structurée et entretenue. Malheureusement, on ne pouvait pas en dire autant des occupants qui s’y trouvaient souvent contre leur gré. On donnait à cet asile d’aliénés le petit nom de Bedlam (« confusion » en anglais) et s’il était difficile d’en sortir, il était également malaisé de pouvoir y pénétrer. Pourtant, par une matinée brumeuse comme on en voit tous les jours à Londres, une silhouette encapuchonnée parvint à entrer dans l’hôpital, présentant un laissez-passer aux divers gardes qui lui barraient la route. Après de multiples grilles et d’interminables couloirs, l’homme pénétra dans une petite cellule extrêmement sombre. Swann retira sa capuche et il lui fallut quelques secondes pour que ses yeux s’habituent à l’obscurité. Il put enfin discerner une ombre prostrée dans un coin. Tout doucement, il s’approcha et appela d’une voix douce.  

- Antonia ? Antonia ! C’est moi ! Druxicle Swann…  

La femme aux cheveux gris (Olivia Fallon) tourna à peine la tête dans sa direction. Swann fut sidéré par le néant exprimé dans le regard de celle qui, il y avait encore peu de temps, était considérée comme la mère légitime de Marybell. L’homme avait compris, un peu trop tard sans doute, qu’Antonia n’avait été qu’un pantin depuis le début. On l’avait récupérée probablement dans un état lamentable et un peu de vie avait été insufflé en elle, le temps que la jeune fille s’épanouisse. Mais quand les derniers événements avaient eu lieu et que Marybell avait quitté son domicile, Antonia avait été saignée du peu qui vivait encore en elle. Désormais, c’était une coquille vide qui dévisageait Swann et ce fut un crève-cœur pour celui qui avait apprécié sa compagnie pendant des années.  

- Vous vous souvenez de moi ? Je passais parfois vous rendre visite… Je suis le parrain de Marybell…  

Pendant une seconde, Swann aurait juré que le nom de la gamine avait éveillé quelque chose en elle. Mais rien. L’homme sentit une colère monter en lui. La dame Blanche était allée trop loin, là encore. Et il comprenait de plus en plus la disparition de Marybell.  

- S’il-vous-plaît, Antonia. J’ai besoin de vous. Marybell, votre fille a disparu. Depuis presqu’une semaine nous n’avons plus de nouvelles d’elle. L’avez-vous vue ?  

Toujours aucune réaction. Swann fit une moue de dépit et tourna les talons. Alors qu’il allait toquer à la porte pour qu’on lui ouvre, il sentit qu’on le tirait violemment par le col. Il chuta lourdement en arrière et le visage d’Antonia vint quasiment se coller au sien.  

- TU DOIS LA TROUVER !  

Elle se mit à lui éructer à la figure, la bave coulant de sa bouche à l’haleine fétide.  

- MARYBELL EST À LA FOIS L’ESPOIR ET LA RUINE DE NOTRE ESPÈCE ! ELLE NE DOIT PAS CHOISIR !  

- Mais choisir quoi ?  

- LE BLANC ! LE NOIR ! C’EST LA MÊME CHOSE ! ELLE-SEULE POURRA…  

La vieille femme fut interrompue dans ses cris par l’arrivée soudaine d’un infirmier qui lui sauta littéralement dessus pour la plaquer au sol. Antonia se débattait et hurlait des insanités qui n’avaient plus aucun sens.  

Swann se releva lentement, épousseta sa veste et sortit en silence, le visage grave.  

 

Big Ben sonna trois heures de l’après-midi. Dans la petite rue encombrée et vivante de Coventry Street, Marybell courrait presque aux côtés de l’homme qui était devenu officieusement son mentor depuis plusieurs jours. Celui-ci avait été bienveillant avec elle et il n’évitait jamais ses questions qui pouvaient paraître embarrassantes. Il avait raconté à plusieurs reprises qu’il avait fait fortune en ayant fait du commerce aux Indes. Il avait également avoué posséder quelques pouvoirs qui l’avaient probablement avantagé lors de certaines situations plutôt périlleuses. Comme Marybell, l’homme avait pris connaissance de ses aptitudes lors de son adolescence et c’était avec patience et méthode qu’il avait fini par les contrôler. Ainsi, lorsqu’elle le lui demanda, il accepta de lui transmettre son savoir en s’excusant par avance des faibles résultats auxquels elle devait s’attendre.  

- C’est ici.  

De sa canne, l’homme vêtu de noir désigna la devanture d’une petite boutique.  

- Tu cherches un dénommé Sneaky. Tu lui dis que tu viens de la part de Lord Faraday et il saura ce qu’il a à faire. Je t’attendrai ici.  

- Lord Faraday ? Vous vous jouez de moi ! Comment vous êtes vous fait anoblir ?  

Marybell restait pantois alors que le Lord levait les yeux au ciel tant la réponse lui semblait évidente.  

- C’est la reine qui l’a fait. Comme pour tout le monde.  

- Vous connaissez la reine Victoria ?  

- Eh bien… non. En l’occurrence, pour ma personne, c’est la reine Mary Stuart qui s’en est chargée. Une personne délicieuse en vérité.  

L’adolescente lança un regard intrigué en direction de Faraday, ne comprenant pas bien le sens de la plaisanterie. Comprenant que la discussion était close, elle pénétra dans l’établissement.  

 

Malgré les quelques rayons lumineux qui pénétraient par de petites lucarnes, la salle principale de l’auberge était particulièrement obscure. De nombreux visages abimés et intégralement masculins se tournèrent vers la jeune fille qui venait de pousser la lourde porte de bois. Celle-ci inspira un grand coup et pénétra dans la grande salle. Elle s’approcha d’un comptoir, préférant ignorer les ricanements et les regards insistants, et héla l’aubergiste.  

- S’il-vous-plaît, je cherche un dénommé Sneaky.  

Le tenancier cracha par terre et sembla hésiter une seconde. Finalement, il désigna une silhouette affalée sur une table cachée dans un coin. Marybell balbutia un remerciement et reçut un beau sourire édenté en retour. Elle s’approcha lentement de l’homme qui avait l’air de dormir comme un bébé. Mais quand elle fut à portée de main, celui-ci se releva brutalement et lui saisit le poignet. Pour lui relâcher aussitôt.  

- Hrm. Qu’est-ce tu veux.  

- Monsieur heu… Sneaky ? Je viens de la part de Lord Faraday et…  

Sneaky se releva violemment, rejetant la table en avant.  

- CE FILS DE CHIEN OSE M’ENVOYER UNE JEUNE PUTAIN ?  

Il attrapa Marybell par le cou. Personne, dans l’auberge, n’osa réagir autrement qu’en fixant la scène avec attention.  

- TU SAIS CE QUE TU POURRAS LUI DIRE À CE MAUDIT BÂTARD ?  

Et Sneaky serra le cou de la jeune fille entre ses doigts au point qu’elle sentit sa respiration se couper.  

- ET TU LUI DIRAS EN ENFER !  

Des larmes de douleur et de colère roulèrent sur les joues de la jeune fille. Un éclair de lumière foudroya la grande salle. Sneaky n’était plus là et Marybell chuta sur les fesses. En face d’elle, sur le mur de pierres apparentes, une gigantesque tâche brunâtre avait été projetée. Les restes de l’homme qui quelques secondes plus tôt s’apprêtait à l’étrangler mortellement. Elle sut avec certitude qu’elle était à l’origine de l’explosion de l’homme. La mort quasi similaire de son père adoptif lui revint alors en mémoire.  

 

Une main puissante lui attrapa le poignet. Lord Faraday l’aida à se relever. Son visage exprimait un mélange d’admiration, d’amusement et de panique.  

- Vite. Tu as dégagé beaucoup plus de magie que prévu. Ils vont te retrouver, nous devons décamper !  

- Qui ça ?  

Et il traîna la jeune fille en direction d’une porte dérobée qui les conduisit dans une arrière-cour. Marybell se pencha contre le mur pour y vomir toutes ses tripes. Le Lord marquait son impatience avec insistance. L’adolescente se redressa lentement alors que de grosses larmes coulaient sur ses joues. Une colère l’envahissait à mesure que la certitude que Faraday l’avait emmené sciemment dans ce traquenard se faisait distincte. Un terrible sentiment d’impuissance la saisit alors qu’elle comprit qu’à nouveau, comme avec Lucrecia, elle n’était qu’un objet. Elle ne pouvait définitivement faire confiance à personne.  

De son côté, Faraday semblait comprendre les doutes de la jeune fille et préféra rester en retrait. Il faisait de longs allers-retours dans la cour, jetant des coups d’œil de tous les côtés. Alors qu’il levait la tête en direction du toit d’un immeuble adjacent, il remarqua une silhouette à contre-jour placée devant le soleil. Marybell leva également les yeux et reconnut Swann. Celui-ci était vêtu d’une cape qui indiquait par ses va-et-vient qu’un vent puissant était en train de se lever. Le jeune magicien se jeta dans le vide mais personne ne sembla ressentir la moindre peur car, effectivement, celui-ci se posa au sol avec grâce. D’un pas assuré, il se dirigea vers l’adolescente qui se redressait avec peine. Il passa devant Lord Faraday sans lui accorder le moindre regard.  

- Marybell. Nous nous inquiétions. Tu dois rentrer chez toi.  

- Ca n’a jamais été chez moi.  

Elle avait répondu du tac-au-tac, regrettant presque immédiatement la dureté de sa réponse. Ce n’était pas à Swann qu’elle en voulait. Néanmoins, elle ne fit aucun geste dans sa direction, restant bien campée sur ses positions.  

- Tu ne peux pas rester ici. Ta vie est en péril.  

Une voix grave et décidée résonna derrière lui.  

- Il me semble que Marybell a fait son choix. Je vous demanderais de la laisser tranquille et de repartir régler vos petites affaires.  

Swann se retourna brusquement et fixa Faraday avec insistance.  

- Je sais très bien qui vous êtes. Et je n’ai pas peur de vous.  

- À la bonne heure. Nous ne perdrons pas de temps à de vaines et ennuyeuses présentations.  

Un long silence passa et personne n’esquissa le moindre mouvement. Lord Faraday finit par reprendre la parole.  

- Je réitère ma demande. Partez.  

- Sinon ?  

Swann lui lança un regard de défi. Voyant que l’autre restait imperturbable, il décida de le pousser de la main au niveau de la poitrine. Faraday recula d’un pas mais son visage resta neutre. Swann crut ainsi prendre l’avantage et il répéta l’opération une fois, puis deux.  

- C’en est assez !  

Tout à coup, Faraday leva ses bras en l’air et une violente explosion projeta Swann sur quelques mètres. Il se releva facilement avec un petit sourire en coin.  

- Alors c’est ainsi que vous voulez que nous réglions notre petit différend ?  

Sous les yeux apeurés de Marybell, Swann se jeta sur Faraday le poing en avant. Une petite goutte de sang coula de la narine du Lord.  

Et ce fut un déferlement de violence. Des frappes invisibles mais terriblement puissantes furent envoyées par Faraday, visiblement sans effort ni retenue. Swann les encaissa de plus en plus difficilement. La violence des coups et leur rapidité lui empêchèrent toute riposte. Le parrain de Marybell fut acculé contre un mur alors que son corps se déformait sous la brutalité des assauts. Il finit par s’effondrer au sol, à moitié inanimé, le visage ensanglanté. Mais Faraday ne s’arrêtait pas, animé par une fureur presque animale.  

- HALTE !  

Faraday fut projeté en arrière à son tour. Devant lui, Marybell se tenait les bras écartés. De par sa position, il était évident qu’elle protégeait Swann.  

- Vous allez le tuer ! Vous m’aviez dit que vos pouvoirs étaient faibles ! Pourquoi faites-vous cela ?  

Faraday se releva et réajusta son costume.  

- Il vivra. Il est solide.  

Swann respirait encore. Il esquissait même de petits mouvements des mains. Le lord enchaîna.  

- Si tu restes auprès de lui, tu sais déjà ce qu’il adviendra de toi. Et tu as déjà décidé que tu n’en voulais pas. Je te propose de me suivre. Les réponses viendront. Je te le promets.  

Et l’homme se retourna dans une posture théâtrale avant d’emprunter une petite ruelle pour s’éloigner. Marybell hésitait. Cet homme l’intriguait même si elle le suspectait de cacher son jeu. Devait-elle s’en inquiéter ? D’un autre côté, elle voyait Swann dans un sale état et elle se rendit compte qu’elle avait toujours beaucoup d’affection pour lui.  

 

De la fenêtre du petit appartement qu’il louait depuis quelques semaines, Ânkh-Mesout (Terry Fillion) ne perdait rien de la scène qui se jouait sous ses yeux. Il n’avait pas été surpris de la démonstration de force de celui qui se faisait appeler Lord Faraday depuis plusieurs siècles. En revanche, il ne put s’empêcher d’exprimer un étonnement mêlé d’effroi lorsqu’il vit la jeune fille lui courir après.  

 

 

 

 

 

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Les Flims Plalstique et Les Films du Corbeau présentent  

"Marybell et l'obscur Lord Faraday"  

 

Un film de Gabor Czinka (Searching for Darius K)  

Sur une musique de Sarah Figgis (Road to Maryland)  

 

Avec  

Earinn Stone (Bone of Contention) dans le rôle de Marybell Smith  

Hugh Darby (Pour Jo) dans le rôle de Druxicle Swann  

Matthew Sorensen (Le Roi Machin-Chouette a disparu) dans le rôle de Lord Faraday  

Toni Bergman (Les liens du sang) dans le rôle de Lucrecia  

Terry Fillion (A l'aube d'un nouveau millénaire) dans le rôle de l'homme mystérieux  

et  

Olivia Fallon (Mme Perangula et sa seconde chance) dans le rôle d' Antonia Smith  

 

 

Scénario : (2 commentaires)
une série A fantastique de Gabor Czinka

Hugh Darby

Earinn Stone

Matthew Sorensen

Toni Bergman
Avec la participation exceptionnelle de Olivia Fallon, Terry Fillion
Musique par Sarah Figgis
Sorti le 14 février 2037 (Semaine 1676)
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