https://www.youtube.com/watch?v=cnNyxy7XPfs  

New York, 1978  

Dans les rues de Paxton Heights, célèbre quartier multiethnique de Brooklyn, le soleil donnait une coloration enjouée à la vie de ses habitants. Les gamins jouaient au baseball dans les impasses qui donnaient sur le grand pont suspendu, les vieillards se racontaient leurs anciens souvenirs inavouables en se tapant les cuisses et les dealers ne craignaient plus tellement l'arrivée inopportune des flics. La belle vie. Dans sa petite boutique, la jolie et sucrée Sugar Belly (Geneva Backhouse) rangeait ses étals de roses et de tulipes. Malgré la lumière estivale de juillet, la jeune femme avait décidé de profiter de cette fin d'après-midi pour aller flâner un peu et prendre soin d'elle. Marcus, connu également sous le nom de "Ninja de Brooklyn", était absent quelques jours. Sugar n'avait même pas essayé de connaître la raison de son départ, tant elle avait été soulagée de se débarrasser un peu de cet ami encombrant. Elle allait pouvoir souffler et se libérer la tête. Pas de grands méchants à combattre ou de complots à révéler au grand jour, elle pourrait enfin retrouver sa vie d'avant... temporairement.  

- Excusez-moi...  

Alors qu'elle fermait le rideau de fer, une voix féminine se fit entendre dans son dos. Sugar se retourna et dévisagea celle qui allait forcément mettre fin à ses projets de détente. Elle le voyait gros comme une maison. C'était une jeune femme charmante et charmeuse (Aline Adzovic) intégralement vêtue d'une combinaison de cuir jaune et noire.  

- Vous êtes bien Sugar Belly ?  

- Moui. Z'êtes qui ?  

La jeune femme n'était pas habituée à ce qu'on l'interpelle dans la rue. Très vite, l'inconnue fondit en larmes devant elle. Sugar l'attrapa par l'épaule.  

- Woh, woh... J'connais du monde ici. Vous allez me suivre à mon appart' et vous allez m'expliquer ce qu'il se passe.  

Sugar poussa l'interrupteur et la lampe à la lumière douce (et qui formait des bulles de cire colorées qui montaient et descendaient lentement) éclaira la petite pièce. Le mobilier était en rotin et un tapis rouge et bleu aux motifs psychédéliques était accroché au mur. La jeune femme attrapa un 33 tours de Sly & The Family Stone et le posa sur la platine.  

- Je vais faire un peu de thé. Je reviens.  

Trois minutes plus tard, Sugar fut de retour dans le salon et posa le plateau sur la table basse. L'inconnue attrapa une tasse et baissa les yeux. Sans attendre qu'on l'interroge, elle se mit à parler.  

- J'm'appelle Anna. Anna Pear. On m'a dit que vous pourriez m'aider. Vous... et votre ami.  

Sugar répondit du tac-au-tac.  

- Ce n'est pas mon ami. Enfin, pas dans le sens où vous l'entendez. Et il n'est pas là.  

- Vous savez où je peux le trouver ? Ou me donner son adresse ? C'est très important.  

- Il est parti à Washington pour quelques jours. Il est injoignable. Et il ne souhaite pas communiquer son adresse à n'importe qui.  

Elle ajouta précipitamment :  

- Ne le prenez pas mal, ce n'est pas contre vous.  

La jeune femme baissait encore les yeux. Elle suscitait une impression de fragilité, voire de soumission. Elle enchaîna d'une toute petite voix.  

- Je comprends. Je travaille dans un restaurant à Chinatown. Le Yellow Star... Vous en avez déjà entendu parler, peut-être ? Non, probablement pas. Ça tourne pas mal, mais je suspecte mon chef d'être à la tête d'un réseau de... enfin un truc pas clair. Y'a des types louches qui débarquent à toute heure du jour et de la nuit. J'ai surpris des trucs louches.  

- Démissionnez.  

- Si je pars comme ça, j'ai peur que ça semble bizarre à leurs yeux. Surtout depuis ce que j'ai entendu la dernière fois. Ils ont parlé d'enlever le président Starter.  

Sugar écarquilla les yeux et posa son thé.  

- Le président ?  

- Oui. J'ai pas tout suivi parce qu'ils parlaient en chinois. Mais depuis le temps que je suis employée chez eux, j'ai quelques rudiments. Mais c'était clair.  

- Et qu'est-ce que vous attendez de moi ?  

- Je ne sais pas. Mais j'ai peur et j'avais besoin d'en parler à quelqu'un... Vous comprenez, s'il m'arrivait quelque chose...  

Anna Pear finit par quitter les lieux, même si elle ne semblait pas forcément plus rassurée. Sugar ne lui promit rien mais elle sut dès son départ qu'elle ne pourrait pas s'empêcher d'aller fouiner un peu. La soirée était largement avancée mais la jeune femme se dit que d'aller faire un petit tour à Chinatown était une activité pas pire qu'une autre. Et elle avait envie de manger du chinois.  

Cela faisait un moment qu'elle n'avait pas mis le pied sur l'île de Manhattan. Et encore plus longtemps à Chinatown. Cet îlot exotique, ce pays dans la ville, l'étonnait toujours autant. Une fois dans ses ruelles, les lumières des néons, les conversations en chinois, les odeurs de nourriture... Tout lui faisait croire qu'elle avait traversé une porte magique qui l'avait emmenée à l'autre bout du monde. Après une recherche fastidieuse, elle parvint à localiser le Yellow Star. L'établissement semblait tout à fait quelconque et Sugar se dit que l'endroit serait parfait pour manger un bout. Elle entra, s'installa et put rapidement commander à manger. Le repas fut correct, pas inoubliable, et rien de particulier n'attira son attention. La clientèle ne semblait pas constituée de gros mafieux puants.  

Au moment de payer l'addition, Sugar tenta néanmoins une approche auprès du serveur.  

- Vous féliciterez le patron de ma part. C'était très bien.  

- Vous pourrez le faire vous-même. Il est au comptoir.  

Et il désigna un homme assis (Jee-Han Hiseng) sur un grand tabouret, tapi dans l'ombre, qui sirotait un cocktail. Sugar le fixa quelques secondes. Rien n'émanait de ce type et elle décida de l'ignorer. Néanmoins, au moment de sortir, ce fut lui qui l'interpella.  

- J'vous connais, non ?  

L'homme plissa légèrement les yeux comme s'il cherchait à sonder l'esprit de la jeune femme. Sugar ne chercha pas à jouer à la plus maligne.  

- Je ne pense pas. Au revoir.  

Et elle disparut comme une voleuse pour se retrouver dans la rue. Elle ressentit alors un mélange de soulagement et de frustration. Il y avait anguille sous roche. Elle fit le tour du restaurant et tomba dans une petite ruelle où des poubelles explosées s’amoncelaient. Une ouverture donnait sur l'arrière de l'établissement. Sentant son cœur s'emballer, Sugar poussa néanmoins la porte.  

Le couloir était sombre et malodorant. Des cris en chinois lui parvinrent sans qu'elle sache si c'était des rires ou des appels au secours. Discrètement, elle se glissa devant une petite pièce dans laquelle quelques types jouaient au poker dans un silence religieux. Sentant qu'elle entrait directement dans la gueule du loup, Sugar continua pourtant sa progression. Un escalier de bois descendait plus profondément. Elle l'emprunta, priant pour que ses grincements n'attirent personne. Elle débarqua dans une petite pièce. De nombreuses coupures de journaux évoquaient les déplacements du président Starter pour le lendemain, le jour de la fête de l'Indépendance. Et si Anna Pear avait raison ? Sugar trembla. Elle décida qu'il était temps de déguerpir avant qu'il ne soit trop tard pour prendre une décision. Alors qu'elle s'apprêtait à tourner les talons, elle perçut un léger toussotement derrière une porte en bois. Alors que son cerveau lui ordonnait de fuir à toutes jambes, elle poussa la porte.  

La pièce n'était pas grande et faiblement éclairée. Sur chaque mur, une demie-douzaine de personnes étaient attachées et vivaient dans des conditions sommaires. Quelques matelas et des pots de chambre. Il y avait des vieillards, des enfants, des femmes...  

- Du trafic d'êtres humains... L'enfoiré...  

L'un des hommes se redressa et lui lança quelques mots en chinois. Sugar lui fit de grands signes inquiets.  

- Chut... !  

Trop tard. Au niveau supérieur, il y eut des éclats de voix. Sugar était repérée. Elle prit la poudre d'escampette mais quand elle grimpa les escaliers, elle vit que le couloir était obstrué par le petit groupe d'hommes adeptes du poker. Là encore, elle eut droit à des phrases en chinois. Pourtant, elle comprit que ce n'était pas une déclaration d'amour. Elle partit dans l'autre sens, ouvrit la première porte et débarqua dans des toilettes vétustes. Pas le temps de faire demi-tour, Sugar courut vers la lucarne qui donnait sur l'extérieur. L'ouverture n'était pas grande mais elle réussit à s'y glisser et à sauter dans une petite cour extérieure alors qu'une main puissant lui frôlait le mollet. Là, elle sprinta entre les badauds et finit par disparaître.  

Cette nuit-là, Sugar ne parvint pas à trouver le sommeil, pensant à la détresse d'Anna et de ceux qu'elle avait vus dans la cave. Fort heureusement, en raison du 4 juillet, elle ne travaillait pas le lendemain. Et elle finit par fermer les yeux alors que le jour se levait.  

La sonnerie du téléphone la réveilla en sursaut. Elle lança un coup d’œil au réveil. L'après-midi était déjà bien entamée. Sa première pensée fut de râler contre le fait de ne pas avoir davantage profité de ce jour de congé. Elle décrocha et la voix d'Anna lui sauta à l'oreille.  

- Au secours, Sugar ! Ils vous ont vu ! Ils veulent me... Oh mon dieu, ils arrivent... À l'ai...  

Plus de tonalité. La jeune femme s'effondra sur son lit. Que devait-elle faire ? Après une petite hésitation, elle composa le numéro du commissariat de Paxton Heights. On lui apprit que l'agent Crassken, le seul flic en qui elle avait confiance, avait pris sa journée. Pas le choix, la jeune femme allait devoir y aller seule. Elle récupéra toutefois son vieux révolver dans le tiroir à sous-vêtements de sa commode. Au moment de partir, elle passa devant la télé restée allumée. Une journaliste était à l'écran.  

"...et nous vous rappelons que le président Starter a été enlevé ce matin avec sa fille et..."  

Elle ne devait pas perdre de temps.  

Le restaurant était vide. Et pourtant la porte d'entrée n'avait pas résisté. Il y régnait une ambiance pesante. Ce silence était inhabituel. Des cuisines, elle entendit un bruit métallique. Et dans l'obscurité, Sugar détecta une silhouette qui s'avançait dans sa direction. La jeune femme ne se posa pas de question : elle dégaina son pistolet et pointa l'ombre.  

- J'ai une arme ! Ne bougez plus ou je tire !  

Comme un souffle de vent, l'inconnu glissa au sol et se releva juste devant elle. D'un coup de pied puissant, elle frappa les mains de Sugar. L'arme à feu atterrit un peu plus loin sur le sol. Puis toutes les lampes éclairèrent la pièce.  

- VOUS !  

Sugar fit un pas en arrière quand elle distingua le visage de celle qui l'avait désarmée. Et celle-ci ne faisait plus preuve de fragilité. Au contraire, la jeune femme dégageait une certaine assurance.  

- Anna Pear !  

- On m'appelle plutôt Pear Anna. Vous saisissez ?  

- Qui êtes-vous ?  

- Je ne vous ai pas menti une seconde. Celui que vous avez croisé est bien mon employeur. Mais... disons que mes services dépassent ceux que l'on trouvent habituellement dans la restauration.  

D'un coup de pied renversé, elle frappa violemment le visage de Sugar. La jeune femme s'effondra. Voila où elle en était arrivée. Elle allait devoir combattre alors qu'elle avait toujours cherché à éviter la violence. Par la force des choses, elle y avait parfois recours, mais... Pear Anna lui donna un coup de poing dans les côtes et une douleur terrible fit vaciller Sugar Belly. Étalée sur le sol, la jeune femme réussit à ouvrir un œil et à repérer son arme qui avait glissé sous une table.  

- Miss Belly. Je m'disais bien que votre visage ne m'était pas inconnu.  

Sugar releva les yeux et aperçut le chinois de la veille. Celui-ci était vêtu d'une longue tenue traditionnelle et affichait un sourire sadique. La jeune femme se leva péniblement.  

- Qui êtes-vous ?  

- On me nomme "Le Grand Khan de Manhattan". Et je suis notamment connu pour ne pas aimer qu'on vienne mettre le nez dans mes affaires.  

- C'est elle qui m'a dit de venir !  

Sugar désigna Anna qui attendait dans un coin. L'homme ricana.  

- Certes. Mais ce n'était pas vous qu'elle cherchait à la base. Heureusement, grâce à vous, nous saurons localiser votre ami Ninja.  

- Comment ça, grâce à moi ?  

Pear Anna se rapprocha.  

- Ce n'est pas très prudent de laisser une inconnue seule pendant que vous préparez du thé. Et de laisser son carnet d'adresse traîner sur votre bureau...  

Khan éclata de rire.  

- L'un de mes hommes est déjà sur les lieux. Quant à vous... Vous êtes tout aussi toxique. Ma chère Pear Anna va s'occuper de votre cas. Adieu, miss Belly.  

Et le chinois disparut, laissant les deux femmes face à face, prêtes à en découdre.  

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Les Flims Plalstique présentent  

"Sugar Belly"  

Un film de Lucas Janssen (Assiégés)  

Sur une musique de Peter Faltermeyer (Travis & Doug, Reporters de Choc)  

Avec  

Geneva Backhouse (Le Ninja de Brooklyn veut faire la guerre à l'amour) dans le rôle de Sugar Belly  

Jee-Han Hiseng (Les rizières de feu et de sang) dans le rôle du Grand Khan de Manhattan  

et  

Aline Adzovic (Outer Realm) dans le rôle de Pear Anna