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Les Films du Corbeau présente
Le Lion et les fous

BO : https://www.youtube.com/watch?v=uTAaKAVpOOM  

 

Les murs de Palmyre tremblent. Le sable s’abat sur le toit de la maison et ruissèle par les fissures du plafond. Une fillette d’une dizaine d’années (Gaby Vigmarsson) sort dans la rue, malgré la tempête qui lui couvre la vue, les grains de sable, balayés par les vents, lui fouettent le visage, s’immiscent dans tous les interstices de son corps et de ses vêtements. Elle se couvre de son voile et s’enfonce dans l’invisible. Sa mère n’est pas revenue. Elle ne peut pas rester seule sans rien faire. Elle doit la retrouver.  

Les déflagrations des bombes se rapprochent et la saisissent d’angoisse. Les maisons sont barricadées, on se terre de peur dans le noir. Dans les rues, nulle âme qui vive si ce ne sont les fous qui s’entretuent et détruisent la ville. Les fous de Dieu contre les fous du tyran. Peu importe qui l’emportera, des fous auront répandu le sang et le désespoir.  

Rasha s’enfonce dans les ruelles désertes et chargées de poussière.  

« Maman ! Maman ! »  

Sa voix lui revient, ne porte pas, repoussée par les sables. Des tirs perdus la frôlent, on se bat à coup de mitraillette dans la ruelle adjacente. Rasha bifurque et se perd dans les dédales de Palmyre. Déjà, des maisons sont détruites par les bombes et le vent étouffe leurs fumées noires. Rasha a peur. Pour elle et pour sa mère.  

La fontaine est détruite. C’est là que s’était rendue sa mère pour trouver de l’eau. Rasha est au comble de l’angoisse et fouille les décombres à la recherche d’une trace, d’un signe qui lui prouve que sa mère n’a rien. Mais une voix (Younes Guerram) s’élève derrière elle. Elle se retourne. Un canon de carabine lui fait face. Des mains rugueuses tiennent l’arme, des yeux noirs, camouflés sous un foulard crasseux, transpercent la fillette.  

« Que fais-tu là ? »  

Pour quelle furie combat-il ? Rasha n’en sait rien, mais la réponse ne fait aucune différence. Aucun de ces hommes ne veut du bien aux gens de Palmyre.  

« Où est ton voile, catin ? »  

Rasha porte la main à son crâne. Son voile a été emporté et ses cheveux volent aux quatre vents. Une bombe éclate non loin, Rasha confond le bruit des armes et se croit morte. Elle rouvre les yeux. L’homme n’a pas tiré, mais son regard crache toujours autant de haine. Il s’avance, menaçant. C’est alors qu’elle entend ce bruit, moins assourdissant que les bombes, mais tout aussi inquiétant. Un rugissement qui n’a rien d’humain. L’homme tourne aussi la tête et fouille la tempête de sable du regard. Une silhouette se détache peu à peu, sombre d’abord, mais plus éclatante à mesure que la bête approche. Un lion. Enorme, magnifique et inquiétant, d’un blanc éclatant. Rasha a déjà vu des lions en Syrie, mais jamais comme celui-ci.  

Les yeux jaunes de l’animal transpercent le combattant. Terrorisé, celui-ci tourne son arme vers l’animal et s’apprête à tirer, mais le lion rugit et bondit sur lui, plante ses griffes et envoie l’homme s’effondrer dans la poussière. Il est blessé mais se redresse et fuit en courant. Il disparaît dans l’obscurité de la tempête.  

Rasha est restée prostrée sur les pierres de la fontaine. Le lion tourne sa gueule vers elle, la regarde. Et poursuit son chemin. Une rafale de sable le recouvre. Il n’est plus là.  

 

 

*** LE LION ET LES FOUS ***  

 

 

La tempête de sable est passée. Les bombes se sont tues, les armes aussi. Le soleil a retrouvé son éclat et frappe la ville de sa chaleur accablante. Rasha retrouve son chemin. Echevelée et sale, elle se rapproche de sa maison. Les voisins ouvrent leurs portes, constatent les dégâts. Les bombes ont frappé le quartier. Des pleurs fusent au sein des familles, on compte les morts et les blessés. Rasha sent ses jambes faiblir lorsqu’elle aperçoit sa maison. Ce n’est plus qu’une ruine. Elle s’y précipite.  

« Pourvu que maman soit saine et sauve », espère-t-elle. Mais il n’y a personne parmi les débris qui jonchent le sol.  

 

La nuit est tombée sur Palmyre et Rasha est restée seule dans les éboulis de sa maison. Elle ne sait pas quoi entreprendre. Elle a besoin que sa mère lui dise quoi faire. Elle a beaucoup pleuré.  

« Tu n’aurais pas une chandelle ? Il fait sombre, ici. »  

Rasha redresse la tête et l’aperçoit assis pieds nus sur un des pans de mur sans toit. C’est un garçon de son âge (Kevin Loray), qu’elle n’a jamais vu. Elle s’en souviendrait, ses yeux dorés lui donnent l’impression qu’il n’est pas d’ici.  

Il descend de son piédestal et s’approche d’elle. Sous les décombres, il ramasse des pommes que la mère de Rasha avait rangées dans le garde-manger.  

« Prends-en une. »  

Rasha accepte la pomme qu’il lui tend.  

« Qui es-tu ?  

- Appelle-moi Zahid. »  

Il lui sourit.  

« Laisse-moi. Je veux être seule.  

- Je ne te crois pas. Personne n’a envie d’être seul à Palmyre.  

- J’attends ma mère. Rentre chez toi.  

- Je ne sais pas si ta mère va revenir, tu sais. »  

Rasha crie maintenant.  

« Qu’est-ce que tu en sais ? Ne dis pas des choses pareilles !  

- Beaucoup de mamans disparaissent ces derniers temps à Palmyre. Des papas aussi. Et des frères, des sœurs… C’est très triste. J’ai peur que la tienne ne revienne pas non plus, c’est tout.  

- Tais-toi… »  

Rasha refond en larme. Zahid s’asseoit près d’elle et pose sa main sur la sienne.  

« Ne t’en fais pas Innana. Des jours meilleurs arrivent.  

- Je m’appelle Rasha, pas Innana. »  

La fillette croque dans sa pomme et s’allonge sur le fauteuil rempli de poussière. La lumière de la lune éclaire les débris de la maison. Zahid retourne s’asseoir sur le mur et sort une zurna en bois de sa poche. Elle semble très abimée, mais lorsqu’il souffle dedans s’élève une musique claire et mélodieuse. Un air doux et mélancolique. Rasha s’endort sans crier gare.  

 

Lorsqu’elle se réveille au matin, elle se rend compte que Zahid n’est plus là. Elle sort dans la rue, où la vie a repris son court. Les gens de Palmyre en ont trop vu pour cesser de vivre sous les bombes et les cris des armes. Soudain, quelqu’un empoigne Rasha et la presse contre ses robes. C’est la vieille Soubila (Lisbeth Crawley-Bursington), la voisine.  

« Ma petite, je croyais que tu étais morte. »  

Elles pleurent un instant dans les bras l’une de l’autre.  

« Soubila, je ne sais pas où est maman…  

- Ne t’en fais pas. En attendant qu’elle revienne, tu va venir habiter chez moi. »  

Soubila a baigné Rasha et lui coiffe ses cheveux épais. Cette quiétude les apaise toutes les deux.  

« Soubila…  

- Oui ? »  

Rasha hésite à parler.  

« Tu as déjà vu un lion blanc ?  

- Un lion blanc ?  

- J’ai cherché maman dans les rues, pendant la tempête. Je me suis perdue. Un homme m’a voulu du mal. Mais un grand lion blanc est venu me sauver. »  

Soubila reste silencieuse un moment et se contente de la peigner.  

« C’était peut-être Ishtar.  

- Ishtar ?  

- Le Dieu-lion guerrier, que les bombes auront attiré parmi nous. »  

Au fond d’elle, Rasha est déçue.  

« Je croyais que c’était maman. C’est bête, mais je ne sais pas… Quand il m’a regardé, j’ai été réchauffée par son regard. Comme quand maman… »  

Soubila lui caresse la joue.  

« Je me trompe peut-être. Et c’était peut-être bien ta maman. Ishtar est dieu et déesse. Il est aussi bien Ishtar, dieu de la guerre, qu’Innana, déesse de l’amour. L’un et l’autre ne font qu’un. Pas comme dans ce monde, hélas.  

- Innana ? »  

Elle ne sait pas exactement pourquoi, mais Rasha ne dit pas à Soubila qu’elle a déjà entendu ce nom.  

 

 

Les hommes en arme sont venus forcer les portes et attirer les gens de Palmyre sur la grand-place. Soubila serre la main de Rasha dans la cohue pour qu’elles ne soient pas séparées. Ce sont les fous de Dieu qui ont remporté la victoire. Ceux-là ou les autres, les gens de Palmyre n’en ont que faire. Mais Yafik Al-Mechroum (Héfaistos Czinka), leur chef, tient à s’adresser à eux, qu’ils le veuillent ou non.  

Ceux de Palmyre se tiennent les uns contre les autres. La place est remplie et Yafik leur parle à l’aide d’un mégaphone.  

« L’armée d’Allah a remporté la victoire. Gloire à Allah ! »  

Les soldats de Yafik répètent la litanie. Les gens de Palmyre sont obligés de la répéter aussi, mais ils pensent bien qu’Allah n’a rien à voir là-dedans.  

« Nous sommes ici pour vous et nous vous libérons des chaines du tyran. »  

Les gens de Palmyre doutent d’avoir été libérés de quoi que ce soit. Les hommes en arme qui les entourent n’ont pas l’air prêt à les voir voler de leurs propres ailes.  

« Allah a porté sa bienveillance sur Palmyre, rendons-lui grâce. Nous allons ensemble reconstruire la ville et fonder le berceau de la gloire d’Allah. Abandonnez vos anciennes idoles », dit-il en désignant le temple de Baal dont les ruines magnifiques trônent non loin de là, « et embrassez les nouvelles lois. Ensemble, nous allons…  

- Ah ah ah ! »  

Un rire cristallin interrompt le discours de Yafik. Lui et ses hommes, comme les gens de Palmyre, tournent la tête vers celui qui a osé. Un garçon est assis sur le toit d’une maison de la place et ne se cache pas. Rasha est saisie de stupeur lorsqu’elle le reconnaît : c’est Zahid !  

Le garçon se redresse sur ses jambes et clame, haut et fort à l’adresse de Yafik :  

« Vous n’êtes que des fous et des imbéciles. Palmyre s’en sortait très bien sans vous, et s’en sortira très bien après vous. Tant qu’Ishtar veille sur elle…  

- Faites-le taire ! », ordonne Yafik à ses hommes, qui lèvent leurs armes et visent le garçon.  

Rasha crie. Mais Zahid évite les balles en sautant du toit et atterrit au milieu de la foule. Il disparaît à la vue des hommes en arme, qui n’osent pas tirer dans la foule. Yafik écume de rage.  

« Saisissez-moi ce mécréant ! »  

Ses hommes foncent dans la foule à coup d’épaules et de crosse de mitraillette. Les gens de Palmyre s’émeuvent mais ne peuvent bouger. Rasha et Soubila sont pressées l’une contre l’autre. Mais un mouvement de foule s’approche d’elles et soudain, Zahid surgit entre deux paires de jambe et saisit Rasha par la main, un grand sourire aux lèvres.  

« Innana, viens avec moi ! »  

Rasha est prête à le suivre, complètement dépassée par les événements. Mais Soubila la retient avec force et invective Zahid.  

« Elle s’appelle Rasha, et laisse-la ! Tu veux sa mort, ma parole ? Déguerpis, vaurien ! »  

Zahid éclate une nouvelle fois de rire et disparaît. Il faudra plus d’une heure aux hommes en armes pour cesser de fouiller la foule et se convaincre que l’enfant a disparu. Yafik, furieux, renvoie ceux de Palmyre chez eux, et la foule s’égrène peu à peu hors de la place.  

Mais quand Rasha et Soubila sont sur le point de s’éloigner, il désigne la fillette du doigt.  

« Elle ! »  

 

 

Soubila et Rasha ont été séparées. Maintenant, les hommes en armes ont trainé la fillette jusqu’aux ruines du temple de Baal, où ils ont installé leur campement. Ils ont lié ses mains et l’ont jetée dans la poussière.  

Yafik se penche et pose sur elle son regard noir et menaçant.  

« Qui est ce garçon ? Où est-il ? »  

Rasha est terrorisée.  

« Je ne sais pas, je ne le connais pas.  

- Tu mens ! Il te connaissait et t’a appelée par ton nom.  

- Mais justement non, je ne m’appelle pas comme ça. »  

Un des hommes de Yafik s’approche et tire la manche de son chef. Il a mauvaise mine et semble terrorisé lui-aussi. A travers sa chemise entrouverte, on devine des bandages qui lui enserrent la poitrine. Rasha le reconnaît, c’est le combattant qui l’a menacée dans la tempête de sable.  

« Laisse-moi, ce n’est pas le moment !  

- Mais chef… chef… Je la reconnais ! C’était elle, la fillette que j’ai vu lorsque le lion…  

- Ca suffit ! Cesse de me casser les oreilles avec tes blasphèmes ou je te fais fusiller !  

- Mais chef… Ce qu’a dit le garçon… Ce lion… C’était Ishtar ! Je vous le dis ! »  

Yafik frappe l’homme au visage qui va s’écrouler sur le sable, et éructe de colère.  

« Je vais vous enlever ces inepties de la tête par le sang ! Je vais passer les mécréants par les flammes ! Je vais détruire ce temple ! Et… »  

Yafik s’interrompt et Rasha voit son visage se décomposer. Elle suit son regard et le découvre alors : le grand lion blanc est là, dressé sur ses pattes, la crinière dans le vent. Il les regarde de ses yeux jaunes et durs, et derrière lui, au loin de Palmyre, le ciel s’assombrit et se forme de nuées de sable. La tempête le suit…  

Rasha est stupéfaite par les yeux de ce lion. Elle les a déjà vus, et ne les a pas reconnus quand ils l’ont regardée pour la deuxième fois. Mais c’est une évidence, ce sont les mêmes…  

« Zahid !… »  

 

 

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Un film de Gabor CZINKA  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec les voix de  

Gaby VIGMARSSON - Rasha  

Kevin LORAY - Zahid  

Héfaistos CZINKA - Yafik Al-Mechroum  

Lisbeth CRAWLEY-BURSINGTON - Soubila  

Younes GUERRAM - l’homme en arme  

 

Sur une musique de Sarah FIGGIS  

Scénario : (3 commentaires)
une série A d'animation de Gabor Czinka

Kevin Loray

Gaby Vigmarsson

Héfaistos Czinka

Lisbeth Crawley-Bursington
Avec la participation exceptionnelle de Younes Guerram
Musique par Sarah Figgis
Sorti le 26 juin 2038 (Semaine 1747)
Entrées : 17 262 620
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