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Les Films du Corbeau présente
Les Enfants du Monde - l'Age de la Nuit

Berlin, dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938  

 

La jeune femme brune glissa sur la tôle mouillée par la pluie et chuta, glissant sur le toit vers le gouffre qui la séparait de l’avenue. Elle se rattrapa comme elle put et se hissa jusqu’à se redresser. Au-dessous d’elle, les toits de Berlin se chevauchaient les uns auprès des autres. Jusqu’ici elle entendait les déflagrations des vitrines, les cris de terreur des Berlinois sur lesquels s’abattaient les gourdins des militaires dans les rues adjacentes.  

La porte menant aux toits claqua quand l’homme en uniforme noir apparut. Son regard était emprunt de colère et luisait d’une vive lumière jaune. Il s’avança vers elle, encore hors d’atteinte, et tendit son bras dans le prolongement duquel il tenait son revolver. La jeune femme était en équilibre instable, elle ne pouvait pas se protéger. Elle était transie de peur. Mais un autre homme, qui portait un uniforme vert, apparut à son tour et frappa l’assaillant. Les deux hommes s’empoignèrent sauvagement et glissèrent ensemble jusqu’à la bordure du toit. L’homme en vert fut projeté en avant et se rattrapa à la corniche, libérant l’homme en noir, qui se retourna à nouveau vers la jeune femme. Celle-ci sentit alors la colère monter en elle, cette force sourde et chaude qui l’habitait lorsque ses émotions n’étaient plus canalisées. Elle avait peur pour elle, et pour l’homme qui lui était venu en aide. Et elle ressentait une fureur de plus en plus intense envers cet homme aux yeux jaunes qui tentait de s’immiscer en elle et de la broyer. La puissance qu’elle tentait vainement d’apaiser en elle devenait incontrôlable. Elle allait déborder, exploser. Un éclair de foudre apparut dans le ciel chargé de nuages. Puis un autre. Puis la déflagration se produisit, la foudre s’abattit sur elle. Mais au lieu de la douleur ou de la mort, la jeune femme en ressentit une incandescence vive et évanescente. La foudre était en elle, elle était foudre ! Et des éclats d’électricité luminescente irradiaient de son corps. Elle se sentit maîtresse de cette puissance. Elle allait pouvoir décharger sa colère…  

 

 

**** LES ENFANTS DU MONDE : L’AGE DE LA NUIT ****  

 

 

Deux jours plus tôt  

 

Le ciel de ce début novembre s’obscurcissait tôt, et il faisait déjà nuit noire sur les rues de Berlin malgré l’heure relativement peu tardive. Elsa Brückner (Brume) s’activait dans l’appartement, rangeant la vaisselle et rassemblant ses affaires, car il était l’heure de rejoindre son travail.  

Son père Paul (Herbert Schneider) ne faisait rien pour l’aider, affairé qu’il était au milieu des piles de livres et documents épars qui jonchaient la table de la salle à manger. Il était dans un de ses moments « autiste », comme les appelait Elsa, où il semblait s’être entouré d’un mur invisible que rien ne pouvait franchir. Elle se pencha rapidement par-dessus son épaule pour voir ce qu’il écrivait avec autant de hargne.  

« Die Kinder der Welt… Die Kinder der Welt… Die Kinder der Welt… Die Kinder der Welt… »  

Paul Brückner n’était pas fou, mais il pouvait s’enfoncer par moments dans des états d’intensité intérieure, de mono-maniaquerie, où rien d’autre n’existait que des lubies ou des idées fixes.  

« Papa, je vais devoir te laisser », dit-elle en enfilant ses talons hauts. « Papa ! »  

Paul redressa la tête dans un sursaut.  

« Hein ? Oh, Elsa, ma petite. Tu es là.  

- Je vis ici avec toi, au cas où tu l’aurais oublié… »  

Mais Paul n’était pas à l’écoute. Il pointa frénétiquement du doigt un vieux livre ouvert devant lui, qu’il avait trouvé deux jours auparavant chez un vieux bouquiniste de la Dorotheenstrasse et dont il n’avait pratiquement plus relevé le nez depuis lors. Elsa sut ce dont il allait lui parler. Parce qu’il ne parlait pratiquement plus que de ça depuis deux jours.  

« C’est sensationnel, ma petite Elsa ! Absolument sensationnel ! Tu sais, ces Enfants du Monde… L’un d’eux viendra et sortira le monde de la nuit ! Tu le sais, ça ?  

- Papa… Ne prends pas ces légendes au sérieux, s’il te plait.  

- Mais ma petite Elsa, c’est hautement sérieux ! Le sort de notre monde repose entre leurs mains !  

- Notre monde a bien d’autres chats à fouetter que tes magiciens.  

- Mais ce n’est pas de la magie, Elsa. C’est une force des étoiles, tu comprends ? Tout est expliqué dans cet ouvrage.  

- Papa, s’il te plait. Je dois partir travailler. Ne te couche pas trop tard.  

- Hein ? Oui ma petite Elsa. Prends soin de toi. LeHitra'ot. »  

Prête à sortir, Elsa se cambra en entendant la salutation de son père et se tourna vers lui avec colère.  

« Non ! Pas d’hébreu ! »  

Paul sursauta une nouvelle fois, la regardant sans comprendre.  

« Papa ! Combien de fois il va falloir te le dire… Nous ne sommes pas Juifs ! Tu entends ?  

- Mais, Elsa…  

- Non ! Il faut absolument que tu te le mettes dans le crâne !  

- Ne crie pas sur moi, Elsa. J’ai compris… J’avais juste oublié… »  

Elsa le regardait dans les yeux, sceptique.  

« J’ai compris, je t’assure. Je m’excuse, je ne faisais pas attention à ce que je disais.  

- Tu sais ce qui pourrait nous arriver si tu faisais ce type d’étourderies en public ? Je ne pourrais plus travailler papa.  

- Oui, oui… Excuse-moi Elsa. »  

Il avait un air d’enfant pris en faute qui attendrit sa fille. Elle l’embrassa sur la joue et s’esquiva dans les escaliers. Paul la retint une dernière fois.  

« Elsa ! J’aimerais mieux que tu attendes Hans pour qu’il t’accompagne au travail. Ce n’est pas très prudent…  

- Je suis une grande fille. Je ne peux pas embêter Hans dès que je veux mettre un pied dehors. Bonne nuit. »  

Elsa descendit les escaliers de l’immeuble. Lorsqu’elle parvint sur le perron du premier étage, la porte d’un autre logement s’ouvrit et une jeune femme apparut. Ses tresses blondes, nouées en chignon derrière son crâne, contrastaient avec la chevelure ébène d’Elsa. Vilma Huber (Luna Delange) était grande et longiligne, et semblait d’une humeur particulièrement joyeuse.  

« Elsa ! Tu pars travailler ? »  

La jeune femme brune regarda avec étonnement la tenue inhabituelle de son amie. Elle portait une longue jupe noire plissée, une chemise blanche et un foulard noir noué autour du cou, descendant sur sa poitrine comme l’aurait fait une cravate. Elle ressemblait à une espèce de scout, en plus austère.  

« Oui… Et toi, où vas-tu comme ça ? »  

Vilma rit en remarquant son regard sur sa tenue.  

« Oui je sais, cela ne me va pas très bien ! Mais c’est ma nouvelle tenue des Jeunesses Hitlériennes. Je vais être intronisée ce soir ! Nous nous rassemblons dans les dortoirs de l’université avec les filles, et nous allons y passer la nuit. Je suis toute excitée ! »  

Elsa tenta de cacher son désarroi. Elle ressentait une forme de déception que son amie se laisse embrigader dans ce genre de choses. Mais elle lui répondit par un sourire et la salua en lui souhaitant une bonne soirée.  

 

Elle referma son imper pour lutter contre le vent glacial qui balayait la Wilhelmstrasse. Elle pressa le pas en pensant à son père. Il n’était pas toujours aussi distrait. Il alternait les moments de grande lucidité, où il démontrait le meilleur de l’intellectuel pertinent qu’il était, mais depuis la mort de sa mère, il s’enfermait dans ces moments où plus rien ne semblait avoir de prise sur lui. Elle redoutait à chaque instant qu’il mette à mal la couverture qu’Hans Baumgartner s’était donné tant de mal à leur procurer.  

Elle sursauta lorsqu’un homme lui posa la main sur l’épaule. Hans justement ! (John Mears) Légèrement essoufflé, il avait dû courir pour la rejoindre.  

« Je venais vous chercher pour vous emmener au travail.  

- Hans, vous ne pouvez pas me chaperonner comme cela sans arrêt.  

- C’est plus sûr », répondit-il en prenant son bras sous le sien et en poursuivant la route qui les séparait du cabaret.  

Ils discutèrent de tout et de rien. Hans prit des nouvelles de son père, disant qu’il devait justement aller le trouver pour l’interroger sur un sujet particulier. Elsa appréciait énormément Hans. Elle éprouvait même une tendresse particulière lorsqu’elle pensait à lui, ou qu’elle était à ses côtés. Elle se doutait qu’il avait fait toutes ces choses pour elle parce qu’il nourrissait lui-même des sentiments particuliers à son égard. Et elle était souvent tentée de l’encourager dans cette voie. Pourtant… elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour garder une certaine distance avec lui. Et il le ressentait. Ce n’était pas tant à cause de l’uniforme vert des SA qu’il portait la plupart du temps. Elle détestait le savoir investit dans cette organisation paramilitaire de brutes épaisses à la solde du chancelier Hitler. Mais elle le savait différent de ces autres hommes. Il était plus sage, et plus doux. D’ailleurs, il avait choisi de les protéger, elle et son père. Elle lui en serait reconnaissante jusqu’à sa mort. Non, ce n’était pas pour cette raison qu’elle se gardait de lui. C’était à cause de ce qu’elle ressentait au fond d’elle, cette sorte de fièvre, de chaleur qui lui tiraillait par moment les entrailles depuis plusieurs mois. Elle ignorait de quel mal elle souffrait, et elle n’en avait parlé à personne. Parce qu’elle se méfiait de ces sensations nouvelles, qu’elle ne comprenait pas, et qui pourtant n’était pas une maladie, elle en était sûre. C’était autre chose.  

Ils parvinrent devant la porte du Blauen Diamanten, le cabaret où Hans avait trouvé un travail pour Elsa. Elle se tourna vers lui pour le saluer, mais il ne lâcha pas son bras.  

« Je vous accompagne ! Je vais boire un verre. Vous savez, je suis désolé de n’avoir pas pu vous trouver autre chose. Mais… vous savez, dans le contexte actuel, c’est très difficile de…  

- Ce travail me plait, Hans. Je m’y sens en sécurité », répondit-elle en souriant.  

 

 

Elsa était installée aux vestiaires du cabaret quand les premiers clients entrèrent. Elle récoltait les lourds manteaux de fourrure des dames et les vestes des hommes. La plupart d’entre eux étaient des hauts gradés du parti nazi, et il n’était pas rare que ses plus hauts dignitaires fréquentent le cabaret. Hans, lui-même officier, était resté près du vestiaire pour discuter avec Elsa et saluait ses connaissances au passage.  

« Baumgartner ! On va bientôt vous retrouver en dame-pipi ! »  

L’homme qui venait de pénétrer dans le cabaret, riant de toutes ses dents en saluant Hans, portait l’uniforme noir des SS. Karl Trautmann (Matthew Sorensen) était également officier, et connaissait bien Hans car tous deux étaient officiers de liaison chargés de maintenir un lien entre leurs deux escadrons. Après les terribles événements de 1934, où des membres SS s’étaient retrouvés à assassiner leurs collègues SA sous la bénédiction d’Hitler, et qu’on dénommait déjà parfois sous l’appellation de la Nuit des Longs Couteaux, le régime nazi travaillait maintenant à amadouer les relations entre les deux organismes en multipliant les collaborations d’information de ce type. Trautmann était le lien d’Hans au sein des SS, et si le premier démontrait une grande familiarité envers son collègue SA, Hans était loin d’éprouver des sentiments réciproques. Il n’aimait pas Trautmann. Karl Trautmann était un homme cynique, séduit par son propre pouvoir, et au regard froid et calculateur malgré ses rires incessants. Il faisait partie de ces officiers qui s’étaient totalement désinhibés en gagnant quelques galons et crachaient leur haine des Juifs et de toutes personnes indignes de leur race. De plus, Hans avait parfois ressenti un trouble étrange au contact de cet homme. Quand il approchait de Trautmann, il avait la sensation que son essence, ou une quelconque force invisible provenant de Trautmann, tentait de s’insinuer en lui et de s’emparer de tout ce qui le constituait. Hans ignorait si Trautmann ressentait quelque chose de similaire lors de leurs silences.  

« Vous ne me présentez pas à votre charmante amie ? », dit Trautmann en dévisageant Elsa des pieds à la tête. Hans serra les dents. Mettre Elsa en présence de cet homme était la dernière chose qu’il souhaitait, mais il ne pouvait pas l’éviter. Il les présenta l’un à l’autre. Trautmann tendit sa main vers la jeune femme, qui voulut répondre à son salut. Mais tous deux retirèrent leur main brutalement lorsqu’une décharge d’électricité statique particulièrement intense les parcourut alors qu’ils ne s’étaient pas encore touchés. Trautmann dévisagea la jeune femme avec étonnement, d’un regard qui glaça le sang d’Elsa, déjà émue par la surprise de la décharge. Hans ressentit ce profond malaise. Mais Trautmann brisa le silence avec un nouvel éclat de rire.  

« C’est peut-être cela qu’on appelle un coup de foudre ! »  

Il rejoignit la table des personnes qu’il accompagnait. Hans posa sa main sur celle d’Elsa, encore troublée.  

« Tout va bien ?  

- Oui, ne vous en faites pas. »  

A ce moment, les lumières de la grande salle faiblirent, et un projecteur cibla le rideau de velours rouge qui fermait la scène au centre du cabaret. Elsa y porta son attention en souriant.  

« Hans, il faut que vous voyez cela ! Loreleï est sensationnelle. »  

 

 

Le rideau s’ouvrit et une silhouette gracieuse apparut dans le rai de lumière du projecteur. Loreleï Schmidt (Carrie Stewart) était la principale attraction du Blauen Diamanten. D’une beauté diaphane, elle était ceinte d’une guêpière à corset de teinte bleue sombre, les jambes moulées dans des bas à porte-jarretelles très sensuels. Sur le sommet du crâne, elle arborait un chapeau melon et entama son tour de chant au son de la musique de l’orchestre.  

« Vor der Kaserne, Vor dem großen Tor,  

Stand eine Lanterne, Und steht sie noch davor… »  

La chanson populaire était murmurée par les spectateurs à mesure que la voix suave de la danseuse en scandait les paroles. L’assistance était électrisée par elle, et Elsa fut ravie de voir que même Hans n’arrivait pas à détacher son regard du « Diamant bleu », comme certain l’appelaient. Mais son sourire s’évanouit quand elle se rendit compte qu’un seul homme ne regardait pas dans la même direction que les autres. De l’autre côté de la salle, Trautmann la dévisageait d’un regard étrange, qu’elle ressentait intrusif et mauvais.  

Loreleï termina son tour de chant sous les applaudissements, et Hans s’éclipsa pour rejoindre le père d’Elsa avant que l’heure ne soit trop tardive pour une visite.  

 

 

La nuit était avancée et le cabaret ne désemplissait pas. Elsa profita d’un moment d’accalmie pour se réchauffer une tasse de thé, et elle s’installa dans la loge de Loreleï, espérant croiser l’artiste avant de reprendre son poste. La porte grinça et Elsa tourna la tête avec un sourire, mais ce n’était pas Loreleï Schmidt qui se tenait dans l’embrasure de la porte. C’était Karl Trautmann, qui la dévisageait avec son sourire carnassier. Elsa se redressa, immédiatement sur la défensive.  

« Vous ne pouvez pas rester là, Herr Offizier… »  

Trautmann s’avança vers elle calmement.  

« Notre présentation a été quelque peu… électrique ! Je ne voulais pas vous laisser sur une si mauvaise impression. »  

Il voulait surtout en savoir plus. Outre cette décharge lorsqu’ils s’étaient (presque) touchés, Trautmann avait ressenti quelque chose émaner de cette femme qu’il n’avait pas comprit. Il avait pourtant l’habitude de sonder l’intérieur des autres, et de percevoir ces puissances surnaturelles qui habitaient certains d’entre eux. Il devait décrypter ce qu’il avait perçu de cette femme, ce qu’elle avait de différent des autres, outre un visage diablement séduisant. Il s’approcha d’elle jusqu’à lui saisir les bras. Elsa ne pouvait plus reculer, et elle vit les yeux de Trautmann s’emplir d’une lueur jaune intense et menaçante. Elle sentit qu’il essayait de pénétrer son âme. Alors qu’il gardait la bouche fermée, elle l’entendait, sa voix sifflante se répercutait dans son crâne. Il lui disait de céder, de ne pas résister… Et quelque chose en elle, du plus profond de ses entrailles, se mit à gronder, à chauffer, à grandir. Quelque chose de l’ordre de la colère, une fureur prête à éclater et à la submerger complètement.  

Mais à cet instant, la porte de la loge s’ouvrit et Loreleï apparut dans sa tenue de scène. Elle vit cet officier penché sur Elsa, la maintenant de force par les bras.  

« Que faites-vous ? Lâchez-la ! »  

Le visage de Trautmann se déforma par la colère.  

« Sortez d’ici ! », lui cria-t-il.  

Mais la danseuse lui saisit l’épaule pour le dégager de force d’Elsa. D’un violent revers de la main, il la claqua et la fit chuter sur le parquet. Il lâcha alors Elsa et se tourna vers Loreleï, lui injectant à son tour dans les yeux cette étrange lueur jaune. Loreleï sentit sa tête se vider et la voix de cet homme s’insinuer en elle. Il lui disait de saisir le couteau qui reposait sur la table et de se l’enfoncer dans la gorge. Et Loreleï sentait ses membres lui échapper, sa main prendre le chemin de l’arme… Cette voix était douloureuse, et elle tentait de lui résister. Alors à son tour, elle plongea son regard dans celui de l’officier, et une lueur bleutée y scintilla. Trautmann sentit alors l’air quitter ses poumons. Il ne trouvait plus rien à respirer, il suffoquait ! D’un réflexe, il envoya sa botte frapper le visage de la danseuse, et aussitôt l’air revint emplir sa gorge. Prit d’un étourdissement, il se jeta contre la porte et s’enfuit dans le couloir.  

Elsa, qui n’avait pu réagir face à l’étrange scène à laquelle elle venait d’assister, se précipita vers Loreleï, qui n’était que légèrement secouée malgré l’entaille que la botte avait marquée sur sa joue.  

 

 

Hans était soulagé que Paul soit dans une de ses phases de lucidité. Ils étaient attablés dans la cuisine de l’appartement, et Paul avait sorti de la bouche d’aération, aux pieds du frigo, sa boite où il rangeait précieusement toutes ses informations. La liste des membres SA qui faisaient partie du complot, et qui mentionnait le nom de Hans évidemment. La liste des deux seuls généraux SS acquis à leur cause. Celle des nombreux civils, dont une bonne partie était Juive, prête à tout pour sortir de la nuit dans laquelle l’Allemagne était plongée. Les plans fournis par leurs différents contacts. Les objectifs à atteindre, et les nombreuses hypothèses réfléchies pour y parvenir.  

Paul s’adressa à Hans.  

« Nous allons entrer dans une phase très périlleuse pour vous. Vous pouvez reculer, il n’y a pas de honte. Vous avez déjà fait pour nous tous beaucoup plus que les autres.  

- Il en est hors de question. Et si je dois moi-même donner le coup de grâce, je le ferai.  

- Vous en êtes certain ? »  

Hans aimait l’Allemagne plus que tout. Il s’était engagé dans la Sturmabteilung par conviction de servir une Allemagne optimiste et juste, vouée à de grands idéaux. Mais il était maintenant persuadé du contraire. Ceux qui menaient l’Allemagne d’aujourd’hui les avaient trompés, et les guidaient de force vers un chemin où tout n’était qu’injustice et meurtre. C’était une Allemagne obscure. Une Allemagne où Elsa n’avait pas sa place, qui plus est, ne méritait pas de voir le jour. Il fallait combattre cette Allemagne. Et si c’était lui qui devait assassiner le chancelier, alors il le ferait.  

 

 

Elsa ne voyait pas qu’un véhicule noir la suivait dans l’avenue. Les premières lueurs du matin étaient sur le point d’apparaître et les rues de Berlin étaient encore presque vides. Elle rentrait épuisée de sa nuit de travail. Elle tremblait autant du froid que de la violence de l’agression qu’elle avait subie quelques heures plus tôt. Elle ressentait encore certaines sensations du feu qui s’était emparée d’elle lorsque Trautmann l’avait saisie. Une force qui ne demandait qu’à exploser, et qui n’aurait pas manqué de le faire si Loreleï n’était pas entrée dans la loge. Que se serait-il passé alors ? Qu’est-ce qui lui arrivait ?  

Trautmann insulta son chauffeur, qui roulait encore trop rapidement. Il ne fallait pas attirer l’attention de la jeune femme. Il la suivit pendant de longues minutes, jusqu’à une rue résidentielle légèrement à l’extérieur du centre historique. Puis il la vit enfin s’engouffrer dans un immeuble et en nota l’adresse. Il patienta encore.  

Quelques instants plus tard, Elsa ressortit de l’immeuble. Elle semblait inquiète et regardait autour d’elle, mais elle ne prêta pas attention au véhicule. Puis elle poursuivit son chemin dans la rue d’un pas décidé. Trautmann se décida de continuer sa filature à pied. Il avait sentit en elle une puissance qu’il n’avait jamais trouvé chez personne d’autre. Et il n’avait pas eu le sentiment de pouvoir la maîtriser aussi facilement que toutes les autres.  

Il s’arrêta soudain lorsqu’il vit Elsa pénétrer dans une synagogue. Ce n’était pas possible ! Une petite youpin ne pouvait pas être une Enfant du Monde ! Et pourtant, il ne s’était jamais trompé jusqu’alors…  

Elsa était rassurée : son père n’avait pas perdu la tête au point de se rendre à la synagogue. Mais alors pourquoi l’appartement était-il vide ? Où était-il ? Soudain, elle soupira de soulagement. Il était là, planté devant la vitrine du libraire, attendant l’ouverture qui n’arriverait pas avant une bonne heure…  

Trautmann rebroussa chemin et entra dans le hall de l’immeuble d’Elsa. Il prit soudain conscience que la jeune femme était une proche de Hans Baumgartner. Savait-il qu’elle était une saleté de youpin ? La protégeait-il d’une façon ou d’une autre ? Il fut interrompu par l’ouverture de la porte donnant sur rue. La jeune femme qui pénétra sursauta lorsqu’elle découvrit un officier SS planté dans le hall de son immeuble. Trautmann posa son regard amusé sur l’uniforme des Jeunesses Hitlériennes qu’elle portait et s’approcha d’elle.  

« Vous habitez cet immeuble, Frau… ?  

- Vilma Huber… Oui, Herr Offizier », répondit-elle, intimidée.  

« Connaissez-vous une certaine Elsa ?  

- Elsa Brückner ? Oui, c’est une de mes amies.  

- Alors vous m’intéressez… »  

Il s’approcha d’elle d’un pas menaçant. La jeune femme recula de frayeur lorsqu’elle vit une étrange lueur jaune scintiller dans son regard.  

 

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Un film de Joel GOODSON  

Sur un scénario original du Corbeau  

 

Avec  

BRUME - Elsa Brückner  

John MEARS - Hans Baumgartner  

Matthew SORENSEN - Karl Trautmann  

Carrie STEWART - Loreleï Schmidt  

Herbert SCHNEIDER - Paul Brückner  

Luna DELANGE - Vilma Huber  

 

Sur une musique de Grant GLASS  

Scénario : (2 commentaires)
une série A fantastique de Joel Goodson

John Mears

Brume

Matthew Sorensen

Carrie Stewart
Avec la participation exceptionnelle de Luna Delange, Herbert Schneider
Musique par Grant Glass
Sorti le 15 avril 2039 (Semaine 1789)
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