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Les Films du Corbeau présente
Azadi - Les enfants de la Révolution

* Azadi : « Liberté » en farsi  

 

 

Juin 2009, Téhéran  

 

Des images d’archives, de journaux télévisés et d’images capturées sur des téléphones et éditées sur Internet, défilent et illustrent les faits racontés en ouverture par Houma.  

 

HOUMA (Lou Muller)  

Ce jour sera à marquer d’une pierre blanche, disait papa. Mon oncle Jafar, lui, pensait que non et que tout serait comme avant, parce que l’Iran n’est pas capable de se sortir la tête du trou. Je ne sais pas très bien ce qu’il veut dire, mais quand il dit ce genre de choses, ça énerve beaucoup ma grande sœur Raha, qui le gronde et lui dit qu’avec ce genre d’idées, on n’arrivera à rien.  

En tout cas, quand à la télévision ils ont dit que c’était l’homme à la tête de singe, comme l’appelle papa, qui restait le président, celui au nom compliqué, Ahmadinejad, tout le monde à la maison a été d’accord pour être en colère. Raha était furieuse, elle disait que c’était truqué. Je sais pas bien comment ils auraient triché, mais en tout cas plein de gens ont pensé comme elle. Ce soir-là, et le lendemain aussi, il y a eu plein de coups de téléphone à la maison. Tout le monde était fâché. Raha passait son temps sur son portable et sur son ordinateur. Nahib, son fiancé, est aussi venu, et lui aussi il était en colère. Il voulait que Raha et mes parents viennent avec lui, parce que plein de monde avait prévu d’aller dans les rues pour gronder. Et que c’était même la première fois que les gens faisaient ça depuis l’histoire du Chah, il y a longtemps. Pourtant moi, je vois plein de gens dans les rues pendant les fêtes islamiques. Mais Raha m’a dit que c’était pas pareil.  

Maman, ça lui faisait peur, et elle n’a pas voulu que j’y aille. Elle ne voulait pas que ma sœur y aille non plus, mais Raha, elle y est allée quand même. J’aurais bien voulu qu’elle m’emmène, ça avait l’air d’une grande fête…  

 

 

****** AZADI – Les enfants de la Révolution ******  

 

 

HOSSEIN (Eduardo Ramirez)  

Lorsque Muzzafir et moi arrivons sur la portion Nord du boulevard Vali-ye Asr, les manifestants sont partis depuis un moment, chassés et coursés par mes collègues de la Garde du Peuple. Tout semble sens dessus-dessous, et on pourrait croire qu’une armée est passée par là. Les poubelles ont été renversées et des immondices jonchent la rue de toute part, des vitrines ont été brisées…  

Je préfère arriver après la bataille. Je n’aime pas le regard que les hommes et les femmes de Téhéran posent sur moi lorsqu’ils voient mon uniforme, ou mon arme en bandoulière. Je n’arrive pas à comprendre pourquoi ils me considèrent comme un ennemi, alors que je suis là pour défendre l’ordre de la société islamique. Muzzafir, comme la plupart de mes collègues, aime ce sentiment de force et de pouvoir que ça lui donne sur les autres. Moi, j’ai horreur de ces sentiments.  

Lorsque mon regard se pose sur cette jeune femme inanimée, allongée sur le trottoir, Muzzafir est de l’autre côté de la rue et ne la voit pas. Elle semble morte. Elle est en jeans et son foulard dénoué laisse entrevoir sa chevelure dense. Une rigole de sang a séché sur son front.  

Je ne sais pas exactement pourquoi, mais je demande à Muzzafir de retourner à la voiture et d’y attendre les collègues qui ne vont pas tarder à remonter l’avenue. Même s’il a le même âge que moi, je suis son supérieur et il n’ose pas contester mon ordre. Quand je suis seul, je me penche auprès la jeune femme. Son visage est beau, serein, elle pourrait être en train de dormir. Et quand je tâte son pouls, je constate que c’est bel et bien ce qu’elle fait. Elle n’est pas morte, elle a simplement perdu connaissance. Alors je tente de la réveiller. Elle reprend conscience, mais pas suffisamment pour se relever. Alors je prends son bras par-dessus mon épaule et je la traine jusqu’à la première porte de maison que je croise. Je frappe plusieurs fois, tendu par l’idée que les autres Gardes pourraient me surprendre. Une voix de vieille femme me répond, de l’autre côté, qu’elle est seule et ne veut pas ouvrir. Je la pousse à le faire, lui disant que j’ai une femme blessée avec moi, et la porte s’ouvre. Je dépose la jeune femme qui tient à peine debout dans ses bras et je referme moi-même la porte.  

 

 

RAHA (Nour Pendragon)  

En ne me voyant pas revenir après la manifestation, mes parents ont été plongés dans l’angoisse. Ma mère me voyait déjà emprisonnée, ou morte. Mais quand je me suis réveillée chez cette vieille femme, j’étais au plus mal et j’ai dû dormir plusieurs heures avant de pouvoir les appeler. Cette femme, qui s’appelait Khalifa, m’a dit que c’était un Garde du Peuple qui m’avait amenée là, m’évitant probablement d’être ramassée et emprisonnée. Ou même piétinée ! Parce que tout ce dont je me souviens avant ça, c’est de la cohue des manifestants qui fuyaient les Gardes et de la pierre que j’ai reçu sur le crâne.  

Je ne sais pas pourquoi ce Garde mystérieux m’a sauvée. Houma, ma petite sœur, me dit qu’elle aimerait bien connaître son visage. Que c’est peut-être un super héros. J’en doute, mais je m’interroge tout de même. Beaucoup de gens ont été emprisonnés au cours de cette manifestation. Pourquoi pas moi ?  

Les jours suivants, ma mère me supplie de rester à la maison. Mais je n’ai pas peur, et je ne peux pas rester immobile quand il se passe tellement de choses dehors. Cet imbécile d’Ahmadinejad nous a volé notre élection. C’est Moussavi que le peuple voulait pour le remplacer, et nous ne pouvons pas le laisser s’en tirer comme ça. Ce qui se passe aujourd’hui en Iran est du jamais vu depuis 1979. Des millions de personnes se rassemblent dans les rues pour crier leur colère. Tous souhaitent que le régime islamique cesse, nous voulons tous pouvoir nous promener dans les rues sans craindre le regard des autres, nous baigner en maillot de bain ou nous aimer librement sans redouter de finir en prison. Je suis née il y a vingt ans, je n’ai jamais connu une telle liberté. Je me demande ce que cela fait…  

Nahib, mon fiancé, voudrait aussi que je reste à la maison. Il culpabilise de m’avoir perdue dans la foule, l’autre jour. Mais il sait bien qu’il n’y a rien qu’il puisse faire si j’ai décidé de le suivre, lui et les copains.  

 

 

HOSSEIN  

Cette histoire a déjà pris trop d’ampleur, je fais n’importe quoi. Je ne devrais pas être là, dans ce café du quartier cossu, à attendre. Mais c’est Raha qui m’a donné rendez-vous ici. Après l’avoir secourue, je n’ai pas arrêté de penser à elle. J’avais besoin de savoir si elle s’en était sortie, si elle allait bien. Alors je suis retourné frapper à la porte de la vieille femme, la semaine suivante, et elle m’a donné son nom et son adresse.  

Je ne suis pas allé jusque chez elle, j’ai préféré l’appeler. Ce n’est pas très difficile de trouver un numéro de portable dans nos services. Elle a été très surprise, mais n’a pas paru outrée de ma témérité. J’avais pourtant tellement honte de l’appeler. Elle voulait que je vienne chez elle, elle me disait que ses parents voudraient me connaître et me remercier. Mais je n’ai pas voulu. Quand j’ai su qu’elle habitait dans le quartier Nord, alors que moi je ne suis qu’un fils de fermier, je me suis même dit qu’elle aurait honte que je l’appelle. Mais elle m’a proposé de nous rencontrer dans un café qu’elle connaissait près de la place Tajrish. Quand je suis entré, les gens qui étaient là m’ont dévisagé et ont parlé moins fort, de peur que je les entende. C’est l’effet que je produis quand je suis en uniforme. Je me retiens de faire demi-tour. J’aurais dû me changer en sortant du travail !  

Mais Raha arrive bientôt. Elle est lumineuse et semble en pleine forme, malgré le pansement qu’elle porte encore au front. Son sourire est comme un soleil, j’ai envie de la remercier de me parler aussi facilement. Mais je n’ose pas. Je n’ose pas dire grand-chose d’ailleurs, je me demande bien pourquoi je suis là. Je lui demande des nouvelles de sa santé, et de sa famille. Elle doit avoir conscience de ma timidité, parce qu’elle répond à mes questions en remplissant les blancs de la conversation. Elle me raconte beaucoup de choses sur elle et me pose beaucoup de questions. J’ai peur que ma vie lui semble insipide, mais elle sourit toujours et elle s’intéresse à mes réponses.  

Sa voix est légère et agréable. Ce qu’elle dit pourtant me choque facilement, je n’ai pas l’habitude d’entendre une femme parler aussi librement et avoir des idées aussi emportées. Mais je ne voudrais pas qu’elle soit aussi effacée que les femmes que je rencontre habituellement. Une mèche de cheveux dépasse un peu de son foulard, qu’elle maintient légèrement aéré. Je voudrais lui dire de le resserrer, pour lui éviter d’avoir des embêtements dans la rue, mais je me retiens. Je ne veux pas qu’elle croie que je lui donne un ordre.  

Quand nous nous quittons, elle me redit que ses parents ont très envie de me rencontrer. Et que sa petite sœur m’appelle Superman… Je suis très gêné, et je lui dis que j’essaierai de venir. Mais c’est probablement la dernière fois que nous nous voyons, nos deux mondes ne sont pas fait pour se rencontrer. Et quand elle s’éloigne, cette pensée me soulève une légère douleur au ventre.  

 

 

RAHA  

Je ne suis pas tranquille de marcher dans la rue, seule avec Nahib. D’habitude, j’emmène ma petite sœur avec moi. Quand les Gardes du Peuple nous voient marcher tous les trois, ils nous laissent tranquilles parce qu’ils croient qu’Houma est notre fille. Mais je n’ai pas pu l’emmener cette fois parce que nous allons à un meeting de Moussavi. Si des Gardes nous arrêtent pour nous demander ce que nous faisons ensemble, nous risquons gros. Si nous leur disons que nous sommes mariés, ils risquent de nous demander notre certificat de mariage. Comme si quiconque se trimballait avec ça sur soit !  

Cela me révolte de marcher dans ma ville avec la peur au ventre. Ce n’est pas normal. Je ne fais rien de mal.  

Le meeting me déçoit, Moussavi est plus mou que ce que j’espérais. A un moment, il nous propose de lui poser des questions. Malgré le monde présent, j’arrive à avoir le micro entre les mains et lui demande s’il n’est pas prêt à organiser un coup d’état armé. Nahib me regarde avec des yeux ronds, et tout le monde paraît gêné autour de moi. Je sais ce qui les inquiète, le gouvernement a peut-être des agents dans la salle. Mais je m’en moque, nous n’en sommes plus là. Nous devons avancer. Moussavi se dérobe et prend rapidement une autre question, qui lui permet de déblatérer contre les Gardes du Peuple.  

Et je repense à Hossein…  

Notre rencontre me perturbe. Malgré son uniforme, il est très loin de l’image que je me faisais des Gardes du Peuple, ou de ceux dont j’ai eu le malheur de croiser le chemin. Il parait extrêmement gentil et doux. Je n’ai jamais eu l’occasion de discuter avec quelqu’un de son milieu. J’aimerais le revoir.  

 

 

NAHIB (Hamid Dehouli)  

La mère de Raha m’a interdit de parler à sa fille des futures manifestations. Mais celle-ci est trop importante, et Raha prétexte d’aller rejoindre une amie pour venir avec nous. Je ne la quitte pas du regard, je ne veux pas la reperdre dans la foule. De plus, la tension a monté d’un cran depuis qu’une jeune femme est morte l’autre jour au cours d’une manifestation. Malgré la censure et le contrôle des lignes Internet, la photo du cadavre a défilé sur tous les téléphones portables. J’espère que les médias étrangers l’ont reçu également. Nous avons une martyre, elle pourrait changer le cours des choses.  

Il y a vraiment beaucoup de monde et nous avançons collés les uns aux autres. Nous avons perdu Manja et Zeffyr depuis un moment. Mon portable est déchargé, aussi je demande à Raha de me prêter le sien. Mais je n’ai pas le temps d’appeler nos amis. Un camion de Gardes du Peuple a débarqué dans la rue, provoquant la cohue. Des gaz lacrymogènes ont été lancés. Je prends la main de Raha, que je serre aussi fort que je peux, et nous courrons en suivant la marée humaine. Mais les gens s’affolent et s’entrechoquent. La main de Raha est brutalement arrachée de la mienne. Je tente de revenir en arrière, mais des manifestants me rentrent dedans. Et la fumée des gaz m’aveugle. J’ai perdu Raha…  

 

 

HOUMA  

Maman est en pleurs. Raha a disparu, encore une fois. Depuis hier, nous sommes sans nouvelles. L’oncle Jafar dit qu’il y a eu beaucoup d’arrestations à la manifestation. J’ai peur pour ma grande sœur, parce qu’on dit que les prisons sont horribles. J’ai déjà entendu parler de gens qui se sont fait torturer. Et il parait qu’on y tue des gens et qu’on n’entend plus jamais parler d’eux.  

Nahib est très mal lui aussi. On ne peut même pas appeler Raha, parce que c’est lui qui a son portable. Alors moi j’ai une idée, je lui dis d’appeler Superman. Il ne sait pas qui c’est. Alors je lui explique, je lui dis qu’il s’appelle Hossein Superman. Nahib fouille dans le téléphone de Raha.  

 

 

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Un film de Kelvin PITBULL  

Sur un scénario du Corbeau, librement adapté du roman Azadi de Saïdeh Pakravan  

 

Avec  

Eduardo RAMIREZ - Hossein  

Nour PENDRAGON - Raha  

Hamid DEHOULI - Nahib  

Lou MULLER - Houma  

 

Sur une musique de Jessica BERRY  

Scénario : (3 commentaires)
une série B sentimentale (Drame) de Kelvin Pitbull

Eduardo Ramirez

Nour Pendragon

Hamid Dehouli

Lou Muller
Musique par Jessica Berry
Sorti le 08 juillet 2039 (Semaine 1801)
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