Film de 1926 paru dans la collection "Jeunes tronches pour vieilles bobines"  

Ce film raconte l'histoire d'Edouard Waldemar surnommé "Mister Mystère", magicien présenté à une époque comme le digne successeur d'Harry Houdini, mais qui finira décapité par une de ses guillotines de spectacle apparement défaillante.  

Les rideaux de velours rouge s’écartent lentement. Trônant en plein milieu de la scène, un énorme récipient métallique, sorte de marmite géante sous laquelle est allumé un feu, provoque des "oh !" des "ah !" de surprise, de la part du public. Une épaisse fumée grisâtre s’échappe du liquide en fusion qu’elle contient.  

Passé l’instant de surprise, l’assistance retombe dans le silence le plus complet. S’il n’y avait pas le crépitement du feu, et l’ébullition du liquide dans la marmite, on pourrait presque entendre les poutres de bois du vieux théâtre craquer sous l’effet de la chaleur. Il règne comme une espèce d’inquiétude entre les travées. Comme si chacun savait que tout cela n’est que du spectacle, mais que la performance présentée allait être forte en émotion.  

Mr Henry, le Maître de Cérémonie apparait, tout de noir vêtu.  

« Mesdames et Messieurs bonsoir ». Applaudissements.  

« Vous vous apprêtez à assister ce soir au spectacle le plus étonnant, le plus terrifiant, le plus inoubliable qu’il vous ait été donné de voir. L’homme qui se prépare pour entrer en scène, malgré son apparence, n’a rien d’humain. Il possède un don unique qui en fait un être hors du commun. Plus fort, plus incroyable que le grand Houdini, on le surnomme « Celui qui s’amuse avec la Mort », « Le Revenant des Ténèbres » ou encore « L’Immortel », je vous présente Edouard Waldemar, Mister Mystère ! »  

Nouveaux applaudissements.  

Edouard Waldemar ( Aidan Meade ) pénètre d’une démarche lente sur la scène. On peut déjà sentir en lui une grande concentration. Irina ( Yelen Jurham ), son assistante lui emboite le pas.  

Il se tourne face à la scène et salue. Irina l’imite à son tour.  

Sans un mot, il balaie l’assistance du regard, puis s’arrêtant sur un jeune homme d’une trentaine d’années, il lui fait signe de monter sur scène. Après une courte hésitation, l’homme s’exécute et les rejoint. Edouard place l’homme sur le côté de la marmite géante et lui tend un bout de papier.  

Curieux, le jeune jette un œil au-dessus de la marmite, et, après une petite grimace, se tourne vers l’assistance : « C’est de l’huile bouillante ! » lance-t-il. Murmure d’étonnement dans la salle, on sent la tension monter.  

D’un petit signe de tête, il lui demande de placer cette feuille contre le feu. Le jeune place le papier contre les flammes qui aussitôt prend feu. Le feu est bien réel !  

Irina tend alors à l’homme une longue tige en fer au bout de laquelle est plantée une pomme de terre. L’homme comprend tout de suite. Il plonge quelques secondes la patate dans l’huile puis la ressort, bien dorée. L’huile bouillante également est bien réelle !  

Remerciements, le jeune homme est prié de retourner à sa place.  

A l’aide d’une manivelle, Irina fait descendre une grosse corde, fixée au plafond à une poulie, et au bout de laquelle sont fixées un ensemble de chaines métalliques. Irina entoure Edouard de ces chaines, qu’au final elle bloque avec un gros cadenas. Puis elle retourne vers la manivelle qu’elle actionne dans l’autre sens. Edouard, enchaîné, est soulevé dans les airs, et d’un mouvement sur la chaîne la poulie se déplace sur un rail, et le Magicien est placé la tête en bas, juste au-dessus de la marmite géante. Des exclamations, des mouvements commencent à se faire entendre dans l’assistance.  

Et lentement, Irina tourne la manivelle et Edouard descend vers l’huile bouillante. Et peu à peu, sa tête plonge dans le liquide en fusion, puis tout son corps. On peut le voir se débattre, gigoter, gesticuler.  

Des cris retentissent dans la salle. Une dame s’évanouit. On peut lire la panique sur un bon nombre de visages de spectateurs.  

Irina attend de longues secondes, puis elle remonte Edouard.  

Il n’est pas tout à fait identique à avant son immersion dans l’huile. Ses vêtements ont brûlé ( il porte un caleçon comme fabriqué dans une sorte d’aluminium ) mais sa peau a rougi et même noirci par endroits. Il semble être inanimé.  

Irina le redescend au sol, après avoir enfilé des gants, défait les chaînes, et soudain, Edouard se lève et salue l’assistance.  

Les gens n’en croient pas leurs yeux. Quelques-uns se lèvent et applaudissent, et rapidement, ils sont imités par l’ensemble de la salle. C’est une véritable standing-ovation !  

Un dernier salut et le couple quitte la scène.  

Un an plus tot.  

« Je suis un génie, je serai bientôt le roi du monde ! ». Même si cela peut paraitre un peu prétentieux, ce n’est pas loin d’être vrai.  

Les cheveux dans le vent, au volant de sa Mercedes Sport Car 10-40, sa ravissante fiancée à ses côtés, Edouard Waldemar, Mister Mystère, a tout pour être heureux. Son numéro d’illusionniste, manipulateur et hypnotiseur marche du feu de Dieu partout où il passe, et il commence à être une vraie vedette.  

Il est vrai que ses numéros sont à couper le souffle, il parvient à faire disparaître un éléphant, à découper en morceaux n’importe qui dans l’assistance, et bien d’autres tours aussi surprenants les uns que les autres. Et ce n’est rien comparé à ses tours d’hypnose. Edouard peut hypnotiser n’importe qui, même contre sa volonté. Il va même jusqu’à hypnotiser des chats et des chiens ! Il se dit qu’il n’a pas de limite, qu’il pourrait hypnotiser n’importe qui ou n’importe quoi, même la mort !  

Et du coup, sa renommée monte en flèche.  

Son bolide roule à tombeau ouvert le long des côtes escarpées de la Méditerranée. Il a un sentiment de puissance, même s’il sent Irina un peu inquiète à ses côtés. Jamais elle ne lui fera une remarque, tant elle est amoureuse. Soumise dirons certains.  

Mais soudain, un virage un peu trop serré, et la Mercédès dérape sur les graviers. Edouard ne peut redresser à temps, et le bolide tombe dans le ravin, avant de violement s’encastrer contre un ensemble de rochers.  

De longues secondes passent.  

Tout semble flou autour d’Edouard, comme dans un rêve. Il se tourne vers Irina, mais la tête de la jeune femme est figée dans un angle bizarre, et du sang couvre son visage.  

Son esprit est embrumé, mais près de la portière de sa Mercédès, il voit doucement apparaître une forme sombre. Un grand être vêtu d’un manteau noir, dont on ne peut voir le visage caché sous une capuche. Il ne faut qu’un court instant à Edouard pour deviner à qui il a à faire. Une large faux dans la main, il est face à la Mort.  

Une voix caverneuse résonne dans tête : « Ton heure est venue, Edouard, il est temps de me suivre ! »  

C’est donc comme cela que ça se passe ? Edouard n’en croit pas ses yeux. Quoi qu’il en soit, il n’a pas envie de mourir. Pas maintenant, au moment où tout lui sourit, où il approche de la célébrité, mourir est juste…inenvisageable. Mais la Mort face à lui ne semble pas vouloir lui laisser une chance.  

Des milliers de choses tournent dans la tête du Magicien, lorsque lui vient une idée. Il a la réputation de pouvoir hypnotiser n’importe qui.  

Il fixe la Mort, droit dans les yeux, tend ses mains, et « lance son fluide ». La mort s’arrête soudain de bouger. « Repars d’où tu viens ! » lance-t-il avec assurance. Et aussi brusquement qu’elle était apparue, la Mort disparait.  

Incroyable, Edouard a réussi à repousser la Mort ! C’est décidément le plus grand hypnotiseur de tous les temps.  

Et soudain, comme sortie du sommeil, Irina ouvre les yeux. Sa tête reprend une orientation normale, et elle essuie le sang qui tachait son visage d’un geste de la main.  

« Tu es vivante ma chérie ! » Edouard n’en revient pas. Décidément, tout lui sourit.  

Irina le dévisage un instant, puis a un petit sourire. Et d’une voix caverneuse, bien différente de sa voix habituelle : « Tu as réussi à me repousser pour cette fois Edouard, mais tu vas en payer le prix ! »  

Seul dans sa loge, Edouard regarde ce visage aux traits tirés dans le miroir.  

Peut-être aurait-il mieux valu qu’il meure dans cet accident. La Mort n’a pas réussi à l’entraîner, mais sa vengeance est mille fois pire. Elle a pris la place de sa compagne Irina, et oblige le Magicien à réaliser tous les jours un numéro comme celui de ce soir. Numéro durant lequel il meure de manière violente. Brûlé dans une marmite d’huile bouillante, électrocuté sur une chaise, décapité, empalé, écrasé sous un bloc de béton de plusieurs tonnes. Et chaque fois il ressuscite, il revient aussitôt à la vie.  

Tout cela ne serait pas si grave si à chacune de ses morts, Edouard ne ressentait pas la douleur. Mais à chaque spectacle, c’est comme s’il mourrait vraiment. Depuis le fameux accident, sa vie est devenue un vrai enfer. Et la Mort, sous les traits d’Irina, veille à ce qu’il regrette bien à chaque seconde le fait de l’avoir repoussé lorsqu’elle était venue le chercher.  

Et que faire, combien de temps se calvaire est-il destiné à durer. Le Magicien ne le sait pas. Il faut pourtant qu’il trouve une solution.  

On frappe à la porte de sa loge : « Qu’on ne me dérange pas ! »  

« Monsieur Waldemar, ouvrez-moi s’il vous plait, vous ne le regretterez pas ! »  

Assez exaspéré par l’importun, Edouard ouvre et il est sursaute envoyant le visiteur. Il a l’impression d’être face à un miroir, l’homme en face de lui est son parfait sosie !  

« Monsieur Waldemar, je me présente, Gustave Rollin, je suis votre plus grand admirateur, hormis le fait que nous nous ressemblons beaucoup ! »  

Edouard fait entrer son visiteur et le prie de s’asseoir.  

L’homme lui présente l’objet de sa visite :  

« Je viens d’assister à votre spectacle, vous êtes tout bonnement sensationnel. Je n’avais jamais rien vu de tel. Je suis sûr que votre nom restera dans les mémoires pour des siècles et des siècles. Même si je dois l’avouer, ma ressemblance avec vous commence à m’apporter quelques désagréments. Je suis constamment arrêté dans la rue pour un autographe ou tout simplement pour discuter. Les gens me prennent pour vous et me questionnent sur vos tours. Certains sont à la limite de l’agressivité pour découvrir quels sont les trucages qui se cachent derrière vos spectacles. Vous feriez de moi le plus heureux des hommes si vous vouliez bien m’expliquer comment vous réalisez un de vos tours. »  

Tout en écoutant le récit de Gustave, Edouard réfléchit. Les idées tournent dans sa tête. Et soudain, une illumination surgit. Une piste pour mettre fin à sa malédiction.  

« Mon cher Mr Rollin, dit-il, je vais faire mieux que vous expliquer un de mes tours, je vais vous faire participer à l’un d’entre eux ! Mais à une condition, vous ne devrez en parler à personne autour de vous, et plus important encore, mon assistante Mademoiselle Irina ne devra pas s’apercevoir que vous prenez ma place ! »  

Il regarde Gustave en souriant et s’allume une cigarette.