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Zero Degree Ent. présente
Les Cercles d'Alterria

"En Alterria, les hommes se battent, les femmes prient, mais tous font la guerre"  

Alterria, une terre s’étendant sur des milliers de kilomètres, avec ces paysages glaciaux et ses déserts arides. Cette terre entourée d’une mer, dans laquelle nul ne peut pénétrer. Seule l’eau à l’intérieur des terres est potable, dès qu’elle rejoint la côte, un étrange phénomène la transforme en acide.  

Voilà vingt-cinq ans que la paix est maintenue sur les terres d’Alterria. Cette terre a été témoin de tant de batailles. Hammerhead contre Anvill, Anvill contre Médians, Mechs contre Seytans. Tous ces seigneurs, ces rois, désirent le pouvoir. Et le pouvoir passe par l’extermination de son voisin.  

Le pouvoir passe également par l’or. Et l’or ne vient pas de la terre à Alterria, on ne le trouve pas dans les mines. L’or est produit par les Golds. S’ils le souhaitent, rien qu’en touchant un objet, les Golds le transforment en or. Mais les Golds ont pour la plupart été capturés par les différentes factions, et sont morts en captivité ou au bagne. Seuls quelques-uns se terrent dans des endroits reculés.  

Pour mettre fin à tant d’années de guerre et arrêter l’extermination des Golds, La Pythie a créé le Cortex, une machine générant des cercles magnétiques autour des principaux belligérants. Des cercles dans lesquels on peut entrer, mais pas sortir. Si bien que toutes les ethnies belliqueuses sont enfermées depuis vingt-cinq ans sur leurs propres territoires. Impossible pour elles de sortir pour attaquer le voisin. Les peuples agressifs d’Alterria sont maintenus, comme en prison, sur leurs territoires respectifs. Et une paix fragile est ainsi maintenue.  

 

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1-Le Doigt de Zénon / Shamibourg  

Aura court. Seule au milieu de cette immense plage désertique, elle court à en perdre haleine.  

Le sable chauffé à blanc la brûle à chacun de ses pas. Elle bifurque vers le rivage, mais lorsqu’elle entre en contact avec l’eau, l’acide ronge la plante de ses pieds. Trois coups à peine distincts retentissent au loin. Elle continue à fuir tant qu’elle le peut. Mais plus elle avance, plus l’horizon parait s’éloigner. Nouveaux coups, plus proches. Une nuée d’oiseaux semble se diriger vers elle. Au fur et à mesure qu’ils approchent, elle parvient à mieux les distinguer. Des coups retentissent encore plus forts, toujours par trois, annonciateurs de l’orage. Un orage sec, sans éclairs. Les oiseaux ne sont plus qu’à quelques mètres. Ce sont des oiseaux mécaniques. Même s’ils sont dans son dos, la jeune femme devine leurs regards voraces la fixer. Leurs becs métalliques semblent vouloir s’abattre sur Aura qui continue à courir. Les oiseaux fondent sur elle, prêts à la déchiqueter. Elle les sent déchirer sa chair. Nouveaux grands coups de tonnerre, assourdissants.  

Aura (Yelen Jurham) se réveille en sueur. Toujours ce même cauchemar qui la hante depuis plusieurs jours. On frappe à nouveau à la porte.  

A cette heure de la nuit? Qui peut bien avoir besoin de la congrégation à deux heures du matin?  

Aura enfile une chemise de nuit et descend au rez-de-chaussée. Mère Martha a déjà ouvert la porte. Elle discute avec Anthonin (Michel Couscous), qui semble être en panique.  

«Ils cherchent une fille. Vous devriez toutes vous cacher…» Aura devine une peur indicible sur son visage. Mère Martha se tourne vers elle : «Vite, Aura, réveillez nos sœurs, nous sommes attaqués !»  

«Attaqués…, mais par qui ?»  

«Trois seigneurs Hammerhead, ils cherchent une fille. Ils pillent et détruisent les fermes les unes après les autres. Il ne faut pas perdre de temps, nous devons fuir !» répond Anthonin. On peut presque deviner une larme perler au coin de son œil.  

«Dépêchez-vous Aura !» renchérit Mère Martha.  

Aura remonte quatre à quatre les marches pour réveiller les six sœurs de la Congrégation Sainte Martha. Elle arrive sur le pallier, prête à entrer dans la chambre commune, lorsque qu’une partie du toit de la chambrée s’écroule, emportant dans les décombres Sœur Erwin. C’est une énorme massue qui vient de briser la toiture de la paroisse. Soudain, un guerrier Hammerhead surgit d’à travers le trou dans le toit. Jarl Invictor, un de trois seigneurs Hammerhead. Des lanières de cuir ne peuvent cacher la musculature saillante de son torse luisant. Il n’est que haine et violence, comme tous les Hammerhead. Mais il est ici pour un but précis, et rien ne le détournera de son objectif. Il attrape le cadavre de sœur Erwin, le détaille un instant, et le jette au loin. Les cinq autres nones sont comme tétanisées par la panique. Le guerrier empoigne une autre jeune sœur, la dévisage à son tour, puis la jette également.  

On entend des bruits des cris venant de l’extérieur. Les trois Seigneurs ne font pas que chercher, ils détruisent complètement la Communauté Shami. Ce qui était encore il y a quelques heures Shamibourg, un petit village de fermiers est en train de se transformer en champ de ruines fumantes. La plupart des Shami ont eu le temps de se réfugier dans les collines avoisinantes, mais ceux qui avaient le sommeil le plus lourd n’ont pas eu cette chance.  

Il ne faut que quelques secondes à Aura pour deviner que c’est elle que les Hammerhead cherchent. Comment ont-ils pu savoir qu’elle avait trouvé refuge à la congrégation, aux fins fonds du Doigt de Zénon ?  

Et comment ont-ils pu passer leur Cercle ?  

L’heure n’est pas aux questions. Elle redescend à la hâte les escaliers. Martha et Anthonin comprennent qu’il est trop tard pour les autres sœurs. Anthonin s’apprête à sortir dehors, lorsque Mère Martha le prend par le bras: «Non, pas par-là, c’est trop dangereux !» Et la mère supérieure les entraîne vers les sous-sols. Ils parcourent ainsi un dédale de galeries, jusqu’à arriver à un cul-de-sac.  

Mère Martha sort de sa poche un petit crucifix qu’elle place entre quatre des pierres saillantes du mur, et une porte secrète s’ouvre.  

«Filez par là. Ces tunnels vous emmèneront jusqu’à l’orée du Treesert. Une fois là-bas, pénétrez dans la forêt, les Hammerhead ne vous y suivront pas, ils voudront la contourner. Je ne peux rien faire d’autre pour vous.»  

«Vous ne venez pas avec nous ?» demande Anthonin.  

«Non, je vais essayer de les retenir, et de sauver nos sœurs, Quant à toi Aura, trouve un nouvel endroit où te cacher le temps que la situation se calme.»  

Anthonin se tourne vers Aura, autant étonné qu’effrayé.  

«C’est toi qu’ils cherchent ? Euh… je ne sais pas si c’est très prudent que je vienne avec toi…» Et il commence à faire demi-tour.  

«Anthonin, Aura a besoin de ton aide, tu ne vas pas la laisser partir seule ?»  

«Euh… je ne suis sûrement pas l’homme qu’il lui faut, je ne suis qu’un humble fermier, je suis bon pour nettoyer le cul des vaches, pas pour me battre contre des sauvages !»  

Regard insistant de Mère Martha: «Serais-tu un lâche ?»  

«Moi? Euh… non, mais je n’ai même pas d’affaires de rechange, et combien de temps seront-nous partis ?»  

«Nous ne reviendrons pas…»  

Un instant d’hésitation, puis Anthonin s’engouffre dans les tunnels. Aura serre dans ses bras Mère Martha, avec un regard qui en dit long. Puis elle part rejoindre le petit homme.  

 

2-Île de Siddhartha Gautama  

Chuchoteuse Sinpure entre discrètement dans la grande salle.  

Depuis trois mois qu’elle est entrée dans les ordres, elle a pénétré bien des fois dans la "Salle du Pardon". Mais à chaque fois, l’immensité de la pièce et son éclairage si particulier l’émerveillent autant qu’ils la rendent nerveuse.  

Surtout lorsque, comme maintenant, il s’y déroule une cérémonie d’épuration. Une vingtaine de disciples sont alignés à genoux, têtes baissées, les uns à côté des autres, sur deux rangs. Au milieu, la frêle silhouette de La Pythie avance lentement, et pose sa main bénie sur chacune des têtes.  

Au moment où la main se pose, on peut apercevoir un nuage noir quitter le crâne du disciple, pour être absorbé par La Pythie. C’est l’Epuration.  

Les idées néfastes, la part d’ombre de chacun, qui peu à peu grandit dans les pensées, sont aspirées par l’Oracle, pour purifier leurs âmes. Et les disciples s’écroulent les uns après les autres, un air épanoui sur leurs visages endormis. D’autres disciples s’avancent, portent les endormis vers les salles de récupérations, alors que d’autres encore s’installent. La loi impose à chaque disciple de se soumettre une fois par mois à cette pratique.  

Chuchoteuse Sinpure s’avance, gênée de déranger La Pythie pendant une cérémonie.  

«Pardonnez-moi, Sa Grandeur, mais l’Ingénieur vous demande. C’est urgent !»  

Celle qui a l’aspect d’une enfant, mais dont la Sagesse et les Connaissances sont immense, regarde la jeune débutante et sans un mot, se dirige vers la sortie.  

Janus, l’ingénieur, est inquiet. Comme perdu dans ses pensées, il tourne autour du Cortex, la machine qu’il a créée. Le Cortex (Bianca Jagger), cette immense machine mi-mécanique, mi-humaine, sorte de tête géante métallique, revêt une importance vitale pour tout Alterria. C’est elle qui créée et maintient les Cercles. Ces Cercles qui isolent les groupes belliqueux, les retient sur leurs territoires, et ainsi empêche les guerres.  

«Une nouvelle faille ?» demande La Pythie en entrant.  

Janus se tord les mains. Il n’a visiblement pas encore trouvé la solution à son problème:  

«Oui, des ruptures se sont encore produites quelques secondes sur certaines zones. Ce qui m’inquiète c’est qu’elles sont de plus en plus fréquentes ces derniers temps. Le plus grave est qu’elles ont été suffisantes pour qu’un groupe de Seigneurs Hammerhead parviennent à quitter leur Cercle. Deux sont morts en tentant le passage, mais trois ont survécu. Et nos informateurs ont perdu leur trace.»  

«Et vous pensez qu’il y a un risque que certains Cercles puissent s’écrouler ?»  

«Je ne sais pas. J’ai l’impression que le problème vient de la partie biologique de la machine. Mais comme vous le savez, c’est mon frère Jarrus le spécialiste de cette partie. Et même si nous arrivions à le récupérer, pas sûr qu’il veuille bien nous aider. De plus, nous n’allons pas tarder à manquer d’énergie !»  

«Nous nous en sommes occupés, c’est un problème qui sera bientôt réglé!» répond La Pythie. Comme à son habitude, pas une trace d’inquiétude ou même d’un quelconque sentiment ne transparait dans son attitude.  

Elle continue: «Il nous faut anticiper le pire. Choisir quels Cercles resteront en place si ces défaillances s’accentuent.»  

Puis elle se met face à la machine, et sans que l’Ingénieur puisse savoir ce qu’elles se disent, La Pythie et le Cortex entrent en communication.  

 

3-Isolae  

Antania (Summer Whitall) tourne et retourne la petite pièce en or entre ses doigts. Assise sur pierre, elle admire une dernière fois le paysage magnifique qui s’étend devant elle. Cet océan d’un bleu si pur, qui s’étend à perte de vue. Jamais on ne pourrait s’imaginer que cette immensité azur est si dangereuse, que ces eaux cristallines peuvent tuer le fou qui oserait y nager. Avec le temps, les habitants d’Isolae se sont habitués à ne pouvoir qu’admirer. Ils ont troqués leur métier de pêcheur contre celui d’agriculteur de ces maigres terres, de ce minuscule caillou. Mais ils n’ont pas voulu modifier leurs cases au-dessus de l’eau, et peu à peu, se sont habitués aux vapeurs et à l’odeur bien spécifique de l’acide qui a envahi la mer.  

Ces vapeurs qui donnent à la peau des habitants d’Isolae une légère couleur verdâtre.  

Antania, elle, n’a pas eu ce problème. Depuis son arrivée, il y a bien longtemps, elle a toujours habité sur la grande partie de l’île, au milieu des disciples de Pax Universalis.  

A peine aperçoit-on au loin la terre. Mais l’île, qui est restée verdoyante malgré qu’elle est encerclée d’acide, a gardé une majesté et une impression de calme qui lui est propre.  

Son cabas avec ses maigres affaires, Antania est perdue dans ses pensées lorsque la Grande Prêtresse (Miranda Connors) pose sa main sur son épaule.  

«Il est temps…» dit-elle d’une voix douce.  

Antania se tourne vers elle.  

«Ne prend pas cet air de chien battu, tu seras bientôt sur une autre île, mille fois plus grande que celle-çi, entourée d’un paysage tout autant paradisiaque, et surtout, beaucoup plus en sécurité».  

Il y a quelques jours, Annharah la Grande Prêtresse a reçu un message de La Pythie, évoquant les failles qui se produisent sur les Cercles. Ces failles sont pour l’instant assez rares, mais personne ne sait de quoi elles proviennent, et surtout, si elles ne sont pas annonciatrices d’un écroulement prochain des Cercles. Si c’est le cas, les ethnies belliqueuses qui dans le passé se battaient, pourront recommencer leur œuvre de destruction, et surtout, ce remettre en quête des survivants Titane et Gold.  

Car Antania est une Titane. Ce peuple dont il ne reste qu’un nombre infime de représentants, car il a le don de pouvoir transformer ce qu’il touche en Titane, tel que les Gold peuvent le faire avec l’or.  

Pour les Seigneurs d’Alterria, mettre la main sur un Titane est comme trouver le Graal. Le titane donne une résistance quasi indestructible aux armes et aux pièces d’armures.  

Même si Isolae est loin de la côte, en cas d’attaque, l’étroitesse de l’ile fait que personne ne pourrait s’échapper. La Pythie et la Grande Prêtresse ont jugé qu’Antania serait plus en sécurité sur Siddhartha Gautama, à l’intérieur de son double Cercle, que l’on ne peut franchir ni pour entrer, ni pour sortir.  

«Et comment ferons-nous pour passer ce Cercle ?»  

«Nous pouvons créer des "Portes" momentanées aux endroits que nous choisissons. A ton arrivée, le Cortex en ouvrira une».  

Son cabas sur l’épaule, Antania et la Grande Prêtresse monte sur le point le plus haut de l’île, un rocher à la surface plate.  

Trois disciples les attendent face à une tyrolienne, un chariot à câble mais sans câble, comme suspendu dans les airs.  

«Crieuse Naïpure, Siffleur Newell et le jeune Chuchoteur Armwell t’accompagneront dans ton périple. Nous en avons décidé ainsi, et tu peux leur accorder toute ta confiance.»  

«Nous allons réussir à parcourir une si longue distance et rejoindre la côte dans une si petite benne en bois ? Et je ne vois pas le câble…»  

«Le câble est en "Crin du Temps Repu", un fil presque invisible mais indestructible dont se servent les montagnards pour faire de l’escalade. Il est extrêmement rare. C’est le seul câble qui est résistant sur plusieurs kilomètres comme c’est le cas ici. Tu n’as rien à craindre, nous empruntons ce chariot régulièrement, et n’avons jamais eu aucun problème».  

Antania regarde l’ensemble avec un air suspicieux, puis s’approche de la Grande Prêtresse et Bras tendus comme le veut la coutume, la prend par les épaules et incline la tête. Annharah l’imite à son tour, les deux femmes se fixent un long moment dans les yeux, puis Antania rejoint les trois moines qui ont déjà pris place dans le chariot à câble.  

 

4-Le Treesert  

Après plusieurs kilomètres, ils ont enfin rejoint l’orée de la forêt. Et cela fait plus de six heures qu’Aura et Anthonin se sont enfoncés dans le "Treesert", le désert d’arbres. Ils ont ralenti la cadence, peu de chance que les trois soldats Hammerhead les retrouvent à présent, dans les profondeurs de ces bois.  

Mais l’inquiétude n’a pour autant pas diminuée chez les deux fugitifs. Ils avancent au milieu de ces arbres, se dirigeant tant bien que mal vers le sud, mais bien difficile d’apercevoir le soleil avec ces feuillages immenses au-dessus de leur tête.  

«Tu es sûr que nous sommes dans la bonne direction ?» demande Aura  

Anthonin jette une nouvelle fois un œil à sa petite boussole en bois. Aura se demande s’il sait vraiment s’en servir  

«Euh… oui, je crois, nous sommes allés vers l’Est depuis que nous sommes partis. En continuant comme ça, on devrait mettre quelques jours à traverser cette forêt. Si ce qu’on raconte n’est qu’une légende…»  

«La légende comme quoi personne n’a jamais réussi à sortir vivant d’ici ? Et que ceux qui ont essayé ont été transformés en arbres ? Il y a sûrement des animaux sauvages ou des plantes dangereuses, mais je ne crois pas trop à ces légendes !»  

«Espérons que tu as raison !»  

Des araignées courent le long des arbres, on peut voir par endroit les feuillages bouger, mu par on ne sait quel animal étrange. Et plus les deux amis s’enfoncent dans la forêt, plus un son étrange, sorte de bourdonnement mélodieux se fait entendre. Et surtout, plus la forêt se fait de plus en plus sombre et dense.  

A leur passage, les buissons semblent se pencher vers eux et les effleurer de leurs feuilles, comme pour les renifler. Aura écarte quelques branches d’un geste vif, agacée.  

Anthonin regarde la main d’Aura : «Je ne t’ai jamais demandé, la bague que tu portes au doigt est en quelle matière ?»  

«C’est du titane…»  

«Du titane ? Tu es folle de porter ça. Certains te couperaient le doigt pour la récupérer, …dans le meilleur des cas !»  

«C’est un cadeau d’une grande amie, il n’est pas question que je la quitte. Et qui voudrait me la prendre…, toi ?»  

«Mais euh, non voyons. Enfin, j’ai comme l’impression que tu ne m’a pas tout dit sur toi. Mère Martha a dit que c’était après toi que les Hammerhead en avaient, tu sais pourquoi ?»  

Aura hausse les épaules en signe de négation et ils continuent leur chemin.  

Plusieurs jours de marche passent encore. Plus ils avancent et s’enfoncent dans le Treesert, plus les arbres sont serrés les uns aux autres.  

Ils s’arrêtent, devant ce qui ressemble à un immense mur d’arbres. Les deux amis se regardent, mais ils n’ont pas le choix, ils ne peuvent pas rebrousser chemin, la seule solution est d’avancer. Anthonin se met de profil et passe entre deux arbres, un peu plus écartés que les autres, imité à sa suite par Aura.  

«Regarde là, les arbres sont un peu plus écartés, on va passer par là.» dit Anthonin avec sourire. Puis il s’arrête à nouveau. Les deux pensent la même chose. Et si c’était ce que racontent les villageois ? S’ils étaient dans l’Arbrylinthe, un labyrinthe composé d’arbres dont seul un des chemins mène vers la sortie. Les autres issues sont fatales pour ceux qui ont osé pénétrer à l’intérieur ?  

Sauf qu’ici, il n’y a apparemment qu’un chemin possible. La traversée de l’Arbrylinthe dure encore quelques heures, jusqu’ à ce qu’Aura et Anthonin arrivent à l’entrée d’une grande clairière.  

Le spectacle est magnifique. Alors que la forêt était plongée dans l’ombre, le soleil éclaire ici l’herbe d’un vert brillant, presque scintillant. Quelques fleurs aux couleurs viennent couper le vert ambiant. Des papillons aux ailes mordorées volent de-ci de-là.  

Et au milieu de cette clairière trône un gros bosquet de fougères.  

Les deux fugitifs s’avancent. Lorsqu’une vibration envahit le bosquet. Vibration de plus en plus intense. Les branches des arbres autour de la clairière commencent à s’agiter dans une danse chaotique. Le bosquet grandit et s’élève, les feuilles et les branchages comme doués de vie. Les branches s’entremêlent les unes aux autres, jusqu’à laisser apparaître une forme humaine. Forme qui se transforme lentement en être humain.  

Un être immense, mi-homme, mi-plante, trône à présent au milieu de la clairière. Le Maître Végétal (Lukas Hart).  

Il commence à parler, d’une voix sourde et grave, semblant parvenir de partout à la fois.  

«Des intrus, qui viennent souiller le sol de mon Palais. Êtes-vous fous ou simplement inconscients ?»  

«Nous ne faisons que traverser, nous cherchons qu’à rejoindre les Champs Médians !» tente Anthonin de sa voix fluette.  

«Ils disent tous ça, et au final détruisent tout sur leur passage !»  

On peut sentir la colère monter sur le visage du Maître Végétal. Il lève un bras en l’air, duquel montent de longs branchages. Branchages qui forment un fouet, qu’il abat sur Aura et Anthonin.  

Anthonin a juste le temps de se jeter sur Aura et de lui faire éviter le choc du fouet qui ne retombe qu’à quelques centimètres d’elle. Le jeune homme la prend par le bras, et l’entraîne sur un côté de la clairière, où il a repéré une issue éventuelle. Ils parviennent à s’enfoncer entre deux arbres plus écartés, juste avant qu’un nouveau coup de fouet ne s’abatte à leur proximité.  

Ils courent à perdre haleine. En se retournant, Anthonin peut apercevoir les branchages qui se sont jetés à leur poursuite. Et visiblement, le Maître Végétal est plus rapide qu’eux, les branches rattrapent rapidement du terrain, jusqu’à les effleurer.  

C’est alors qu’Aura s’arrête. Anthonin n’en croit pas ses yeux: «Tu es folle ! Il faut contin…». Il n’a pas le temps de prononcer la fin de sa phrase qu’Aura lève la main face aux branchages qui arrivent. A son contact, les branches et les feuilles prennent une étrange couleur dorée et semblent se durcir.  

Anthonin comprend tout de suite. Aura est une Gold.  

Son visage et tout son corps se prennent progressivement une teinte dorée. Ses yeux sont comme révulsés. Les branchages qui s’accumulent sont au fur et à mesure, transformés en or, formant une sorte du mur précieux qui bouche le passage aux assauts du Maître Végétal.  

Mais une fois tous les passages bouchés, Aura s’affale sur le sol, comme évanouie. C’est bien qui se dit, lorsque les Gold lancent une phase de transformation, toute leur énergie est aspirée, et si la transformation est trop intense, ils peuvent s’évanouir, et parfois même mourir.  

Pas de temps à perdre, Anthonin attrape Aura contre son épaule, et l’entraîne vers la sortie de l’Arbrylinthe.  

 

5-Hammerfield / Cité d’Impéria  

Les trois Seigneurs s’avancent d’un pas lent et solennel dans la salle du trône circulaire, tel que l’exige le protocole. Jarl Invictor devance de quelques pas ses deux sœurs d’armes. Jarla Incale, dans son costume de cuir noir et de métal, et Jarla Secate, sculpturale sa longue crinière claire ondulant sur ses épaules nues.  

Orneld Streghen, impassible dans son costume d’ébène, se tient tel qu’à son habitude debout à l’exact centre de la pièce. Pas de trône ni de gardes armés, Le Confesseur n’a pas besoin d’apparats pour imposer son autorité. Son visage d’airain fixe ses trois Seigneurs sans que l’on puisse savoir quelles sont ses pensées à cet instant. La salle est plongée dans une quasi-obscurité, seules quelques bougies éclairent faiblement la pièce de leur maigre lueur.  

Les trois Jarls s’arrêtent devant leur Maître.  

«Où est la fille ?» demande-t-il d’une voix grave et monocorde.  

«Elle n’a pu nous échapper, donc elle n’existe pas» répond Jarl Invictor, d’une vois tout aussi grave et monocorde.  

«Tu mets en doute mes informateurs ?» Une lueur de colère traverse le regard du grand Maître.  

«Elle n’a pu nous échapper, donc elle n’existe pas» répète à nouveau Jarl Invictor  

Orneld Streghen ne répond pas, pas la peine. Ses Seigneurs savent qu’ils ont échoué dans leur mission. Ils s’agenouillent tous les trois dans un mouvement totalement coordonné. Avec la même coordination, ils posent la main gauche sur le sol froid. Et dans un même mouvement, digne d’une chorégraphie, ils retirent chacun un couteau de leurs ceintures respectives et se coupent le petit doigt.  

Puis comme un seul homme, les trois Jarls se relèvent et reprennent position face au Confesseur. Du sang continue de couler de leurs mains, mais pas un ne laisse transparaître la moindre douleur.  

«Pour vous racheter, j’ai une nouvelle mission à vous confier. Vous allez vous rendre en terre Anvill. Vous serez accompagné par Le Noir !» reprend Streghen. Et derrière lui apparaît un grand homme en haillons. Un Anvill. Le visage grêlé et velu, s’il n’était pas de si grande taille, on pourrait presque le confondre avec un rat.  

«Le Noir vous conduira à destination dans Anvill. Il connait les lieux mieux que quiconque!»  

«Et pour passer les Cercles, à l’aller, comme au retour ? Nous avons attendu plus d’un mois devant les champs magnétiques avant que ne survienne une faille, et deux d’entre nous sont morts tant le temps d’ouverture a été court» demande Jarl Invictor.  

Un autre homme sort de l’ombre derrière Orneld. C’est apparemment un Stud, la race inférieure des Hammerhead, des paysans qui ne servent qu’à nourrir les guerriers.  

«Blake, que voici, a développé un don particulier, il arrive à prévoir où et quand vont se produire les failles. Il ne les prédit que quelques minutes à l’avance, mais ce sera suffisant pour rejoindre l’endroit où la plus proche se produira. Il vous fera sortir d’Hammerfield, et vous aidera à quitter Anvill une fois votre mission accomplie.»  

Jarla Secate ne peut retenir une légère grimace, voyager avec un Stud est une entorse au code d’honneur, une honte pour tout Seigneur Hammerhead qui se respecte.  

Les trois jarls et Le Noir sont assis autour d’un feu, sans échanger un mot. Les Hammerhead sont des guerriers, pas des troubadours ou des colporteurs, ils sont réputés pour ne parler qu’avec parcimonie. Blake, lui, se tient droit devant le mur magnétique du Cercle. Le regard en l’air, il balaye des yeux sans discontinuer une ligne imaginaire à plus de dix mètres de haut, depuis deux jours.  

«Il ne dort jamais ?» demande Jarla Incale  

«Sa race ne mérite pas le sommeil. Qu’il nous prévienne lorsqu’une faille apparaitra, c’est tout.» répond Jarl Invictor en arrachant un morceau de chair du lapin qui constitue leur repas.  

Soudain, Blake leur ordonne de se lever et de se dépêcher. Il a détecté qu’une faille allait se produire à quelques 500m du campement. Il n’a pas de don spécifique, il est simplement observateur et a remarqué qu’un éclair succinct apparait toujours dans le ciel au-dessus de l’endroit où va se produire une faille, une vingtaine de minute avant. Ce qui leur laisse juste le temps de rejoindre l’endroit d’où ils pourront sortir d’Hammerfield.  

Pas une minute à perdre, le petit groupe se met à courir vers l’endroit désigné par le Stud.  

 

6-Isolae / Océan Acide  

La poulie qui permet de faire avancer le chariot à câble grâce auquel Antania et ses trois accompagnateurs vont rejoindre la côte, émet un petit grincement continu des plus horripilants. Chuchoteur Armwell tourne la manivelle avec régularité, afin de faire avancer le chariot sur la corde.  

Deux kilomètres, c’est à la fois peu et beaucoup. C’est surtout beaucoup lorsque l’on se déplace à une dizaine de mètres au-dessus d’un océan d’acide. L’eau, d’un magnifique bleu turquoise se mélangeant avec l’azur du ciel, est aussi belle que dangereuse. Etonnamment, Antania peut apercevoir par endroits des poissons sauter à la surface. Toute la faune et la flore de la mer n’ont donc peut-être pas été détruits. Certains poissons ont réussi à muter et modifier leur organisme pour supporter l’agressivité de l’eau.  

Cette mutation donne à leurs écailles un pouvoir reflétant sur le soleil, si bien que c’est un émerveillement de les apercevoir scintillants, sauter ainsi hors de l’eau pour quelques secondes. Hormis Armwell qui continue à actionner la manivelle, Siffleur Newell et Crieuse Naïpure restent silencieux, observant les quelques vagues qui ondulent à la surface de l’eau, et bien sûr la côte, qui lentement se rapproche.  

On les sent légèrement anxieux, bien que cette traversée soit effectuée régulièrement par les habitants de l’ile ou les prêtres de Pax-Un.  

Le petit groupe a effectué environ la moitié du chemin, lorsqu’apparaissent dans le ciel à une vitesse presque irréelle une armée de nuages menaçants.  

La panique vient se loger sur les quatre visages. Une tempête fugace. Ces tempêtes qui n’arrivent que très rarement, mais qui sont d’une violence aussi extrême que de courte durée. Et lorsque l’on se trouve à un tel endroit, un évènement météorologique de cette sorte peut avoir des conséquences désastreuses.  

Crieuse Naïpure se jette sur un des sacs et en sort des cordes.  

«Attachez-vous chacun aux supports du chariot, cela va secou…»  

Elle n’a pas le temps de finir sa phrase qu’une bourrasque soudaine fait se soulever de plusieurs mètres en hauteur le chariot. Armwell tombe à la renverse. Antania est précipitée contre Naïpure.  

«Il faut attacher Antania en priorité !» crie Naïpure à ses deux acolytes. Armwell se précipite pour sécuriser la Titane, mais Siffleur Newell le repousse d’un geste brusque: «Laisse-moi faire et va t’attacher !». Et il lie Antania au chariot.  

Chuchoteur Armwell s’exécute et malgré le chariot qui commence à tanguer de tous côtés à cause du vent, il parvient à se fixer à l’aide d’une corde au chariot. Des vagues de plusieurs mètres de haut commencent à se former à la surface de l’océan. Une pluie dense, qui cingle les visages, s’abat à présent avec violence sur les quatre voyageurs.  

Crieuse Naïpure, debout, se tient tant bien que mal aux supports du chariot: «Surtout, évitez de vous faire toucher par des gouttes d’eau de mer, elles vous rongeraient en quelques secondes. La tempête ne durera pas longtemps, il faut tenir !»  

Nouvelle bourrasque, encore plus forte que la précédente. Le chariot fait un large mouvement, et se retrouve pratiquement à l’horizontale. Newell est projeté en fond du chariot, mais Naïpure ne peut se maintenir et trébuche à l’extérieur du chariot. Elle parvient à s’accrocher au dernier moment à la rambarde, le corps flottant dans le vide. Newell se précipite et l’attrape par le poignet:  

«Tiens-le coup, je vais te remonter !» et le prêtre tire de toutes ses forces pour remettre sa collègue à l’intérieur du chariot. Armwell commence à se détacher pour aider son confère, mais ce dernier l’arrête tout de suite d’un geste de la main: «Non, reste à ta place, je vais m’en débrouiller !»  

Et grimaçant, il parvient à remonter Naïpure jusqu’à la taille. Il s’apprête à la rebasculer dans le chariot lorsqu’une nouvelle bourrasque secoue violement le chariot.  

Antania pousse un cri.  

Siffleur Newell et Crieuse Naïpure sont tous les deux projetés à l’extérieur du chariot, et font une chute de plusieurs mètres qui s’achève dans l’océan.  

Malgré le bruit des vagues et de la pluie, Antania peut entendre le cri déchirant de Naïpure lorsqu’au contact de l’eau sa peau commence à brûler. Ce cri ne dure que quelques secondes. En se penchant, Armwell aperçoit le bras de son collègue dépasser de la surface de l’eau. Bras duquel la peau n’est plus qu’un amas de cloques et de chairs brûlées.  

Antania ne peut retenir ses larmes. Et soudain, aussi brusquement qu’elle était apparue, la tempête s’efface et l’eau reprend son calme initial. Les nuages disparaissent pour les place au ciel bleu azur.  

Quelques minutes à peine ont suffit au groupe pour perdre deux de ses membres.  

Après un regard circulaire autour de lui pour bien s’assurer que tout était fini, Chuchoteur Armwel se détache du chariot, et s’empresse de reprendre la manivelle pour les ramener au plus vite vers le rivage.  

   

7-Le Bayou  

Plusieurs jours ont passé et Aura a repris des forces, et elle et Anthonin ont continué leur route, le Maître Végétal ayant l’air d’avoir abandonné leur poursuite.  

Depuis un moment, l’air se fait plus humide autour d’eux. Des moustiques agressent Anthonin qui passe son temps à se gratter.  

Ils arrivent enfin à un endroit où les arbres se font moins nombreux. Par contre, le sol est de plus en plus humide, tant est si bien qu’ils avancent, de l’eau boueuse jusqu’à leurs chevilles.  

Pas le choix, ils doivent continuer à avancer. Lentement, avec difficulté. Leurs vêtement sont poisseux. Ils se demandent coment ils vont bien pouvoir réussir à se sortir de cette situation bien inconfortable.  

L’eau à présent leur arrive à la taille. Anthonin ne cesse de regarder autour de lui, anxieux. Dieu seul sait ce qui peut se cacher sous cette eau croupie. Quelques lucioles égaient ce paysage sombre et morbide. A l’aide de la boussole, ils ont repiqué vers le sud, pour sortir au plus vite du Treesert, mais il n’est pas sûr que le Bayou soit moins dangereux.  

Anthonin a taillé une grosse branche d’arbre en pointe, dont il se sert pour vérifier la hauteur d’eau en face de lui, et contrôler qu’il n’y a pas de trou.  

Ils parviennent à un endroit où le niveau d’eau parait moins élevé, leur arrivant jusqu’aux genoux, lorsqu’une étrange ondulation à la surface de l’eau apparait un peu plus loin. Les oiseaux s’envolent brusquement dans un ballet commun.  

Anthonin empoigne son bâton et le lève face à lui.  

De longues secondes se passent dans le silence le plus complet, comme si le temps s’était arrêté, lorsque surgit de l’eau une créature orange, mi-homme mi-batracien. Salamander, l’Homme Salamandre (Ron Chattaway). Rares sont ceux qui l’ont vu, et plus rares encore sont ceux à être encore en vie pour le raconter.  

Aura tombe à la renverse, mais Salamander se jette sur Anthonin qui ne peut utiliser son bâton pour se défendre. Bâton qui part voler un peu plus loin. Une bataille s’engage, clairement déséquilibrée. Anthonin tente de se débattre, mais la salamandre pèse de tout son poids sur lui.  

Les regards du jeune homme et de la créature se croisent. Les yeux sans humanité ni pitié de la bête sont effrayants. Anthonin parvient à dégager sa main et à placer un coup de poing, innofensif, sur le visage de Salamander. Mais les écailles de la bête lui écorchent la main.  

Salamander ouvre une large bouche laissant échapper une langue fourchue tel un serpent, et des dents acérées, prêtes à déchiqueter le pauvre bougre. Anthonin croit sa dernière heure venue quand le visage de la créature se fige, et il tombe à la renverse. Le pieu pointu du jeune fermier planté à la base du crâne de la bête par Aura.  

Avec un peu de mal, Anthonin parvient à se dégager. Pour la seconde fois, Aura lui a sauvé la vie. Qui pouvait imaginer qu’une jeune femme si frêle pouvait disposer d’autant de ressources ? Ils reprennent la route en courant, afin de s’éloigner au plus vite de cet endroit dangereux.  

 

8-Anvill  

Pas un des cinq membres du groupe ne fait la remarque, mais le passage dans un Cercle, même dans le sens "autorisé", s’il n’est pas mortel, est une expérience désagréable. L’impression que tous les muscles, tous les os sont irrigués par des ondes électriques envahit celui qui entreprend la traversée.  

A la sortie, Le Noir se précipite à l’écart pour aller vomir.  

Le paysage qui s’étend devant les trois Jarls est un étonnant mélange de beauté et de désolation.  

Une étendue désertique, aride et uniforme, où le brun se mélange au grisâtre. Où seules quelques roches solitaires donnent un peu de relief au sol poussiéreux. Il semble qu’aucune vie n’a effleuré cette terre depuis des décennies.  

Rien n’existe à la surface d’Anvill, toute la population, la vie est dans les sous-sols, dans les couloirs souterrains. Pour le commun des mortels, Anvill n’est qu’un désert inhabité.  

«Nous arrivons bientôt ?» demande Jarl Invictor.  

«Nous sommes arrivés…» répond le Noir, énigmatique. Puis il désigne non loin de là une sorte de trou étroit coincé entre un groupe de rochers.  

Le Noir s’avance, les trois guerriers à sa suite, et, s’agrippant aux pierres, descend dans le trou. Le Stud quant à lui reste à la surface, il attendra leur retour. Jarl Invictor, avec sa carrure imposante, a bien du mal à franchir l’entrée, mais rapidement, le trou se fait plus large, et la descente plus facile.  

Après une longue descente de plus d’une centaine de mètres le groupe atteint enfin une plate-forme.  

Cette plate-forme donne accès à une ouverture vers une grande salle où règne une grande agitation.  

Discrètement Jarla Secate jette un œil. Une foule de personnes, sales et en haillons s’agitent de toute part, tel l’intérieur d’une fourmilière humaine. C’est une ville souterraine étrange où chacun vaque à ses occupations. Marchands, badauds, mendiants, tous paraissent sortis d’un bain de crasse et de boue, tant et si bien que l’on distingue à peine les visages.  

«Nous sommes au premier niveau, Les Tréfonds, commente Le Noir. C’est ici que vivent les basses classes de la société. Les exclus, les rebus d’Anvill. Ils servent essentiellement de nourriture aux étages inférieurs.»  

«Et eux, ils font comment pour se nourrir ?» demande Jarla Secate  

«A votre avis ?» répond Le Noir avec un sourire.  

Il continue : «Nous devons descendre encore trois paliers avant d’arriver à destination. Les Abysses, où vivent les corps armés, les militaires, ils sont assez peu nombreux, car l’armée de la Dame de Boues ne compte que peu sur eux, elle a bien d’autres forces à disposition. Le niveau encore plus bas est Le Trépas, où séjourne la noblesse d’Anvill et enfin l’ultime niveau que nous cherchons à atteindre, Le Néant, mais je ne m’y suis jamais aventuré !»  

Ils reprennent leur descente. Descente qui parait interminable, surtout pour atteindre l’ultime niveau.  

Après de longues heures, le groupe arrive enfin face à l’entrée du Néant.  

«C’est une entrée peu connue que personne n’emprunte. Je vous attends ici, je ne vous serai d’aucune utilité, je ne connais pas cette partie d’Anvill.» commente Le Noir.  

Discrètement, Jarl Invictor, Jarla Incale et Jarla Secate se faufilent dans le dédale de couloirs du Néant. Un rat passe entre les jambes d’Incale. Des cafards et des blattes parcourent les murs humides, puis disparaissent dans des interstices invisibles à l’œil nu. Par chance, il ne leur faut que peu de temps pour atteindre le but qu’Orneld Strenghen leur a fixé.  

Ils arrivent à l’entrée d’une vaste salle, sombre et terne, vide de tout ornement. Seule trône en plein milieu ce qui semble être une jeune femme, accrochée au plafond par les pieds, les bras croisés contre le buste, telle une chauve-souris en plein sommeil.  

C’est elle que le Confesseur convoite, Syphorax, la fille de la dame de Boues. Jarl Invictor ne sait pas vraiment pourquoi le Confesseur leur a demandé de la kidnapper, mas il n’est pas là pour réfléchir aux ordres, il est là pour les exécuter. Et il ne tient pas à perdre un doigt supplémentaire.  

Ils pénètrent dans la chambre. Jarla Incale et jarla Secate saisissent la jeune femme endormie, et la décrochent du plafond. Mais cela a pour effet de la réveiller. Elle commence à se débattre en tous sens, tenter de se défaire de l’étreinte des deux guerrières. Voyant que cela ne réussit pas, Syphorax ouvre une bouche au dents acérées et plante ses crocs dans l’épaule de Jarla Secate. La guerrière, imperturbable, ne pousse même pas un cri lorsqu’un bout de chair quitte son épaule. Elle attrape la fille par les cheveux et d’un coup sec sur la tempe, l’assomme. Syphorax s’écroule lourdement sur le sol.  

Pas de temps à perdre, Jarl Invictor charge la fille sur ses épaules et le trio quitte précipitamment les lieux avant que quelqu’un ne s’aperçoive de la disparition.  

La remontée prend encore plus de temps que la descente, mais par chance, Syphorax ne se réveille pas.  

Arrivés à la surface, le plus dur reste à faire, attendre qu’une faille veuille bien se produire. Le petit groupe se place face au mur magnétique, Blake à nouveau à l’affut du moindre éclair annonciateur d’une rupture du cercle. Jarla secate et Jarla Incale, immobiles, tournent le dos au trois autres, prêtes à sortir les armes si quelqu’un surgit pour les arrêter.  

Deux longues heures d’attente se passent ainsi sans qu’aucun ne bouge, lorsque la terre se met à trembler. Secousses de plus en plus violentes, puis une faille immense apparait dans le sol, projetant pierres et poussière. Comme sortie des enfers, la Dame de Boues surgit de cette faille. Dans sa robe d’ébène, la haine transperçant son regard noir, de longues pattes d'araignée sortant de son dos. Elle veut récupérer sa fille. D’une roche percée à proximité, un nuage de frelon fait son apparition. Au sol, c’est un véritable tapis de cafards qui couvre le sol sur des dizaines de mètres.  

Les trois guerriers savent que leur force ne peut guère résister à l’attaque d’une multitude telle que celle-ci. Jarla Incale et Secate saisissent leurs armes, épées aiguisées comme des rasoirs, et commencent à balayer l’air autour d’elles pour éloigner le nuage de frelons. Les cafards grimpent le long de leurs jambes et commencent à les recouvrir sur plus de la moitié du corps.  

Le Noir tente lui aussi tant bien que mal de se débarrasser des insectes qui envahissent ses jambes.  

C’est alors que retentit le cri de Blake: «Là-bas, à deux cent mètres !»  

Il a aperçu un fameux petit éclair annonciateur d’une faille. Les cinq se mettent à courir, Syphorax toujours endormie sur les épaules de Jarl Invictor. Seul Blake, bien plus lent que ses compères, est à la traine. Les quatre autres le distancent rapidement. Au moment où ils atteignent leur but, une faille s’ouvre face à eux, ils ne perdent pas de temps à s’y engouffrer, malgré les cafards qui continuent à les assaillir.  

Dans sa course, le Noir trébuche. Il s’affale au sol, et sa tête entre en contact avec le mur magnétique. Il pousse un terrible cri de douleur, une partie de son crâne disparaissant littéralement, comme fondue au contact du champ magnétique. Il s’écroule complètement, le visage velu en sang.  

Les autres savent qu’ils ne peuvent s’arrêter, ils franchissent uns à uns le Cercle et une fois en dehors, entreprennent de se débarrasser des cafards et des frelons.  

Blake a juste le temps de quitter le Cercle avant qu’il ne se referme. Malheureusement son pied reste prisonnier du champ magnétique et est sectionné sur le coup.  

Jarla Secate l‘empoigne par les épaules et ils quittent précipitamment l’endroit maudit.  

Sur le dos de jarl Invictor, Syphorax commence à se réveiller. Elle n’a pas le temps de reprendre ses esprits qu’un nouveau coup sur la tête la replonge dans le coma.  

 

9-Île de Siddhartha Gautama  

Depuis quelques jours Chuchoteuse Sinpure est sur un petit nuage. Elle a été choisie par La Pythie pour faire partie des "Accompagnatrices", des jeunes recrues qui sont uniquement à son service. Elles sont trois en tout. Et ces trois, si elles font bien leur travail pendant deux ans, passeront à l’état de "Parleuse", le second des cinq niveaux hiérarchique (hormis pour La Pythie qui est l’être Suprême est en peut être égalée) du Culte de Pax-Un.  

Les trois jeunes disciples, précisément alignées les unes derrière les autres, à la suite de leur Maîtresse, rejoignent la chambre du Cortex.  

Janus, l’ingénieur Braint, attend La Pythie.  

Les trois jeunes filles vont se positionner à l’écart, dans l’ombre, toujours parfaitement alignées, dans l’attente d’un nouvel ordre. Chuchoteuse Sinpure remarque la présence inhabituelle d’un brasero placé à côté du Cortex.  

Le Cortex émet comme à son habitude un ronronnement régulier, comme un chat à qui on aurait greffé un cœur mécanique.  

«Nous avons atteint le niveau Energétique bas, de la machine, nous devons procéder à un rechargement !»  

«Vous pensez que c’est un des derniers ?» demande La Pythie  

«Non, deux ou trois à mon avis, mais Tanatis arrive vraiment en fin de cycle…»  

«Nous nous sommes chargés de rapatrier la Jeune Titane qu’Annharah gardait en secours sur Isolae. Elle devrait être ici d’ici cinq à six semaines»  

«Cela devrait aller, et lorsqu’elle sera usée ?»  

«Nous avons un plan, et suffisamment de temps devant nous pour l’instant. Nous pouvons commencer ?»  

Janus acquiesce. Il fait un signe de la main, et une porte, au fond de la salle du Cortex s’ouvre, pour laisser entrer un vieil homme, sur un chariot à roulettes, poussé par deux moines.  

Chuchoteuse Sinpure regarde la scène avec des yeux ébahis, elle ne comprend pas ce qui est en train de se passer.  

Les deux moines approchent le vieil homme près d’une petite plaque à l’arrière du Cortex.  

L’homme est visiblement faible, mais il tente de se débattre. On peut lire de la détresse dans ses yeux. Janus s’approche de lui: «Allez Tanatis, c’est pour la préservation de l’humanité tout entière que vous œuvrez.»  

Tanatis regarde Janus avec une expression de haine. Cela fait des années, qu’en tant qu’un des derniers Titane, il est obligé de recharger le Cortex. Mais cela puise une grande partie de son énergie.  

Il sait que ces séances l’entrainent doucement vers la mort. Il se raidit de tout son corps pour bien montrer qu’il ne veut pas se laisser faire.  

Janus fait un signe de la tête aux deux moines. Pendant qu’un tient fortement le vieux Titane près de la machine, l’autre lui empoigne la main, et la place sur la plaque.  

Mais rien ne se produit. Petit soupir de Janus.  

Il prend une tige en fer rougit qui se trouvait dans le brasero et l’approche de Tanatis. La terreur peut se lire sur son visage, mais il ne bouge pas.  

Janus se place derrière lui, soulève sa chemise, et plaque le fer chauffé à blanc contre le dos du vieil homme. D’où elle est, Chuchoteuse Sinpure peut voir que Tanatis a déjà subi ce traitement de nombreuses fois. Plusieurs cicatrises sont visibles sur son dos.  

Au moment où le fer entre en contact avec la peau du Titane, sa main prend une couleur métallique, et on peut clairement voir qu’un flux de Titane passe dans la plaque et se répand dans tout le Cortex.  

Tanatis laisse échapper un cri. Son corps entier et son visage prennent la même couleur métallique.  

La machine semble briller de l’intérieur. Elle est en train de se recharger en énergie.  

L’opération dure des secondes interminables, jusqu’à ce que Janus estime que le Cortex est assez rechargé et décolle le fer rougit du dos de Tanatis.  

Le vieil homme s’écroule, évanoui. Pendant toute la recharge, la Pythie est restée impassible.  

Les deux moines remettent le vieux Titane dans le chariot à roulettes, et quittent la pièce.  

Janus retourne vers la Pythie, l’air grave. Ces séances sont toujours difficiles. Le vieil ingénieur ne dit qu’un «voilà, il est quand même de plus en plus faible».  

«La paix demande parfois des sacrifices.» répond La Pythie. Et elle quitte également la salle, les trois "Accompagnatrices" à sa suite.  

Faisant attention qu’on ne le remarque pas, Chuchoteuse Sinpure essuie une larme au coin de son œil et réprime une envie de vomir.  

 

10-Le Bayou  

Pas évident de se laver dans cette eau boueuse. Cela fait deux jours qu’Aura et Anthonin ont découvert cette cabane abandonnée en plein milieu du bayou. Ces deux jours de repos sont comme un oasis dans leur périple. Ils ont pu reprendre des forces aussi bien physiques que morales.  

Et miracle, cette cabane est équipée d’un réservoir de récupération d’eau de pluie qui leur a permis de faire leur toilette et de boire une eau en apparence saine.  

Anthonin a même déniché une petite canne à pêche dans la cabane, qui leur permet d’attraper un bon nombre de poissons et se restaurer.  

Mais bizarrement, alors que leur périple prend un tour plus positif, Aura ne peut s’empêcher d’être inquiète. Quelque-chose a changé dans l’attitude d’Anthonin. Quelque-chose d’imperceptible, mais que la jeune Gold ressent au fond d’elle-même. En premier point, le nombre impressionnant de poissons qu’Anthonin a réussi à pêcher, et surtout à manger.  

Aura rejoint, tout en continuant à se sécher après sa toilette, la petite terrasse en bois où Anthonin a calé la canne à pêche avec deux bouts de bois.  

Elle s’arrête quelques instants face à ce paysage lugubre mais qui dégage un certain charme. Ils ne pourront pas rester éternellement là, il leur faudra bien reprendre la route dans quelques jours pour un endroit plus sûr. S’il en existe un.  

En voulant regagner l’intérieur, Aura fait un faux mouvement et fait tomber la canne à pêche. Si elle ne veut pas se faire réprimander par Anthonin et son gros appétit, elle doit la remettre en place.  

Elle attrape la canne et à sa grande surprise, s’aperçoit qu’il n’y a rien au bout du fil. Comment son compère peut-il pêcher sans hameçon ?  

Elle prend la canne et rejoint Anthonin qui fait griller des poissons dans la cheminée.  

«Hello, tu en veux un ?» demande le jeune homme  

«Non, merci, tu en as encore attrapé beaucoup ce matin.»  

«Oui plus d’une dizaine !»  

«Tu dois être chanceux pour attraper des poissons avec une canne à pêche sans hameçon !»  

Aura tend la canne à pêche à son ami. Elle peut voir son visage se déliter.  

«Tu n’as rien à me dire ?»  

Après un moment d’hésitation, Anthonin prend une bouffée d’air et commence: «Oui, de toute façon je voulais t’en parler. Nos chemins vont devoir se séparer ici, Aura.»  

La jeune Gold n’en croit pas ses oreilles. Anthonin déboutonne sa chemise et laisse apparaître un torse maigrelet, mais recouvert d’écailles oranges. Sa main a été écorchée lorsqu’il a frappé Salamander, et cela l’a probablement empoisonné. Il explique à son amie qu’il sent depuis deux jours un profond changement au fond de lui. Et que les poissons n’ont pas été pêchés avec la canne, mais bien en plongeant discrètement lorsqu’Aura ne pouvait pas le voir.  

«Je me transforme lentement, et le problème est que je ne sais pas comment je réagirais avec toi lorsque la mutation sera complète.» Et un battement de paupières laisse apercevoir une fraction de seconde un œil à l’iris en losange comme un batracien, pour redevenir ensuite normal.  

C’est un déchirement pour Aura qui comprend qu’elle n’a pas le choix, elle va devoir quitter la cabane au plus vite et laisser son ami achever sa mutation.  

«Prend la boussole, quelques vivres, et continue ton chemin jusqu’aux Champs médians. Rejoins la Cité d'Aurore La Blanche, et là-bas, essaie de trouver Le Flamand. C’est un ami à moi qui saura où te mettre en sécurité.»  

Anthonin prend un crayon et griffonne quelques mots sur un vieux bout de papier qu’il replie soigneusement.  

«Quand tu l’auras trouvé, donne-lui ce mot, mais s’il te plait, ne le lis pas, il y a quelques informations personnelles qui ne concernent que lui et moi.. Fais en moi la promesse !»  

Même si Aura trouve cette requête un peu étrange, elle acquiesce de la tête. Que pourrait-elle refuser à celui qui lui a permis d’échapper aux Hammerhead?  

Après avoir fait son bagage, d’un geste affectueux, Aura tombe dans les bras de son ami. L’étreinte dure quelques secondes. Ils savent qu’ils ne se reverront plus.

Scénario : (1 commentaire)
une superproduction fantastique de Stefanie Drake

Daniel Flintstone

Yelen Jurham

Lukas Hart

Summer Whittall
Avec la participation exceptionnelle de Swansee Hägen, Miranda Connors, Margot Nicotero, Michel Couscous, Chuck Henriksen, Lewis Sagittarius, Ron Chattaway
Sorti le 18 février 2045 (Semaine 2094)
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