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Pamya Prod présente
Voici la mort

Le poulet synthétique avait toujours été l'aliment préféré de Marie (Adria Boult) – et c'était mieux ainsi, car il n'existait plus que cela depuis quelques décennies. Pourtant, étrangement, celui d'aujourd'hui ne l’inspirait guère. Trop petit. La jeune femme le sortit malgré tout de son emballage plastique et le déposa dans le four.  

A ses côtés, une femme blonde au visage rayonnant chantonnait en réparant le mécanisme de l'horloge métallique. Il avait pris un violent coup en tombant sur le sol en acier du bureau, la veille. L'horlogère en herbe s'appliquait avec attention sur les dents des engrenages pour les remettre droites. Elle était comme ça, Marilyn (Jewel Desplat). Généreuse et dévouée.  

- Tiens, s'exclama Marie, voilà le Père qui arrive…  

Le Père n'avait en réalité rien d'un père pour Marie. Pour Marilyn non plus d'ailleurs. C'était simplement le nom donné par la Sainte-Société à ces hommes qui prenaient à leur charge des individus de rang inférieur. Ainsi, Marie et Marilyn avaient été vendues durant leur enfance à cet homme. Celui-ci les logeait et les nourrissait, et avait en échange tous droits sur elles. C'est pourquoi elles effectuaient jours et nuits les tâches ménagères dans ce petit appartement rouillé, et ne protestaient pas malgré le traitement odieux que leur réservait parfois le propriétaire des lieux.  

Le Père (Maximo Velasquez) entra dans la salle de travail, l'air grave. D'un simple regard, il commanda aux deux jeunes filles l'arrêt de leur tâche, puis il s'assit face à elles.  

- Vous n'êtes pas sans savoir que mon âge avance. Et vous savez également que pour la survie de notre Société, la grande Prêtresse a demandé – ou plutôt obligé - à chaque homme d'avoir exactement un successeur.  

Le Père marqua une pause, soutenant son regard sombre sur les deux jeunes femmes. Ce qu'il allait dire ne semblait l'égayer en aucune mesure. Bien au contraire.  

- Il me faut un enfant, sans quoi je finirai mes jours aux services de la grande Prêtresse. L'une de vous deux me l'offrira. Vous travaillerez à tour de rôle à m'en faire un.  

Sans un mot de plus, le Père se leva mollement de sa chaise dans ce qui sembla être un effort suprême, et laissa les deux femmes seules.  

Si Marilyn se montrait compréhensive envers son Père, qui n'avait après tout guère le choix, Marie était quant-à-elle beaucoup plus inquiète. Elle avait déjà entendu dire que l'acte de procréation était douloureux pour les femmes. Or la souffrance, ce n'était pas son truc. Même pour rendre service.  

 

***  

 

Marie, Marilyn et leur Père se rendirent au Temple pour assister à l'office hebdomadaire et obligatoire. C'était une bâtisse facilement identifiable : haute, longue, large – en un mot, imposante. Elle se démarquait particulièrement par les métaux qui la constituaient (or et platine), les nombreuses colonnes qui formaient un péristyle, les divers dômes qui la surmontaient et les multiples chef-d’œuvres artistiques qui la décoraient. Face aux grands immeubles en acier rouillé, le Temple était de loin le plus somptueux bâtiment de la Mégapole, et peut-être même du pays. Et pour cause, il était le centre directionnel d'une des deux Institutions mères de la Société : la Sainte-Société. Sur son fronton était d'ailleurs inscrits les mots Prudence et Travail, valeurs fondamentales de cette institution.  

L'office avait lieu sur le perron du Temple. Le Père s'assit alors sur l'un des bancs en bronze réservé aux hommes de rang intermédiaire, tandis que Marie et Marilyn restèrent debout en arrière de la place, là où s'entassaient un troupeau de rangs inférieurs. Toute la population de la ville était réunie, comme chaque semaine, dans un brouhaha insupportable. Mais rapidement, un tambour se fit entendre et mena à un silence parfait. Les portes en argent du Temple s'ouvrirent lentement. Une farandole d'hommes tout de blanc vêtu sortit du bâtiment, foula le sol doré du perron et s'installa en ligne face à la population. Le tambour stoppa ses roulements.  

Sortant du Temple, une femme foula à son tour le perron. Vêtue d'une longue robe de soie blanche et d'or et coiffée d'une haute couronne de même composition, le visage ferme et la posture droite, la Grande Prêtresse (Izabella Lavez) imposait le respect rien que par sa prestance. Alors, lorsqu'elle commença son office, toute la population l'écouta attentivement.  

- Mes enfants, priez pour votre salut. Le Monde des Morts encercle notre grande Mégapole, et chaque jour un peu plus, il gagne du terrain. Cette terre anarchique de feu et de sang, où Dieu même ne peut faire pousser la moindre plante, est un monde infernal auquel vous ne pourrez malheureusement échapper. Le jour viendra, en effet, où Dieu mènera votre âme en ces terres voisines des nôtres et lui fera franchir la dangereuse frontière de nos deux mondes. Ce jour viendra, croyez-moi, car la Mort est essentielle à la Vie.  

De son œil sévère et menaçant, la Grande Prêtresse dévisagea le peuple venu assister à son office avant de reprendre.  

- Ce jour viendra, mais vous pouvez le repousser à plus tard ! Tenez-vous à l'écart de ces terres stériles, n'approchez jamais la dangereuse frontière de ce monde et montrer votre gratitude envers Dieu. Oui mes enfants, remerciez Dieu en travaillant chaque jour jusqu'à l'épuisement ! Car seuls la prudence et le travail vous épargnerons quelques années dans le sombre Monde des Morts…  

La Grande Prêtresse continua son office un quart d'heure durant, puis rentra dans le Temple sous les roulements d'un tambour, suivie de sa farandole d'hommes en blanc. Une fois les lourdes portes argentées refermées, la population commença à se dissiper.  

Marie et Marilyn quittèrent ensemble la place pour s'éloigner de la dense foule. Elles avaient ordre d'attendre leur Père dans une avenue à quelques pas de là. Alors que Marilyn marchait le pas léger vers le lieu de rendez-vous, Marie s'arrêta net à une intersection. Dans une rue adjacente, tapis dans l'ombre, deux yeux perçants l'observaient. Elle. Uniquement elle. Un regard brûlant, comme rempli de braises, pareil à celui d'un démon… Inquiète, la jeune femme se rappela les valeurs enseignées par la Grande Prêtresse et s'éloigna rapidement de la rue, rejoignant ainsi la joyeuse Marilyn qui ne s'était aperçue de rien.  

 

***  

 

Encore troublée de sa rencontre de la veille, Marie se rendit le lendemain à la Machinerie. Centre même de la Société-Industrielle, deuxième Institution mère de la Société, cet ensemble de mines, d'usines et d'entrepôts situés en périphérie de la Mégapole habitée produisait la majorité des matériaux et des objets industriels nécessaire à la vie, alimentant les consommations de la populations dans un tourbillon incessant de gaz, de sueurs et de déchets. La Machinerie, et d'une manière plus générale la Société-Industrielle, était gérée par le Grand Ouvrier. Mais bien au chaud dans ses riches appartements, il déléguait bien souvent ses fonctions aux Machinistes qui, à leur tour, exploitaient les rangs inférieurs pour trois fois rien, le tout dans des conditions déplorables.  

Marie avait justement rendez-vous avec un Machiniste dont son Père était l'agent comptable. Elle n'eut aucun mal à trouver celui que l'on surnommait le Pétrolier (Lukas Hart). Vêtu aux couleurs de la Société-Industrielle – le rouge et l'argent -, le dernier extracteur d'or noir de la ville se tenait sur une haute plate-forme métallique surplombant l'ensemble des ses puits d'extraction. Après avoir décliné son identité, Marie monta au sommet de la plate-forme dans un petit et bruyant ascenseur de service. Arrivée en haut, elle se rendit compte que la vue n'y était pas si claire, la lourde atmosphère voilée par un nuage de gaz.  

- Ils m'ont fait monter une putain de rang inférieur…, s'exprima, pensif, le Pétrolier. T'es déjà venue ici ?  

- Oui monsieur, il y a deux mois, pour vous apporter le bilan comptable de…  

- Et je ne t'avais pas appris à me présenter ton respect ?  

- Vous n'étiez pas là, monsieur.  

D'ordinaire courageuse, Marie n'en menait pas large. Elle savait ces Machinistes se croire supérieur au reste du monde et, en un sens, ils avaient raison de le penser.  

- Agenouille-toi face à tes supérieurs !  

- Monsieur…  

Un simple regard suffit à convaincre Marie de s'exécuter. Elle posa ses genoux nus sur le sol métallique brûlant chauffé par les moteurs qu'il surmontait. Une convulsion de souffrance sur le visage de Marie tira un sourire au Pétrolier, qui arracha par la même occasion le dossier comptable des mains de la jeune femme. Puis, d'un coup de pied dans les reins, il lui ordonna de déguerpir. Marie ne se fit pas prier plus longtemps et rejoignit rapidement l'ascenseur, les genoux en feu.  

Le visage crispé par la douleur, les yeux au bord des larmes, Marie s'éloigna rapidement du domaine du Pétrolier. Elle traversait d'un pas vif la Machinerie pour rejoindre la Mégapole habitée, lorsqu'elle se sentit observer. Au coin d'une usine délabrée, caché entre deux poutres d'acier, un regard l'observait. Perçant, et enflammé, semblable à celui d'un démon, il la dévisageait sans ciller. Partagée entre la curiosité de recroiser ces yeux et la peur de l'inconnu, Marie fixa à son tour ce regard quelques instants avant de s'enfuir.  

 

***  

 

Depuis ses étranges rencontres, Marie ne pensait plus qu'à ce regard. Pourquoi ces yeux si particuliers la suivaient-ils partout ? Pourquoi restaient-ils toujours cachés ? Pourquoi en avait-elle peur ? L'esprit hanté par ces visions, Marie en avait même oubliée sa nouvelle tâche. Si bien que lorsque son Père l'appela pour débuter le travail, elle en fut à la fois surprise et affolée. Marilyn, qui avait effectué sa peine pour la première fois deux jours plutôt, sourit gentiment pour rassurer sa sœur de cœur.  

- Ce n'est qu'un mauvais moment à passer. Détends-toi au maximum et la douleur ne sera que minime. Et laisse-toi faire quoiqu'il arrive, pour une fois.  

Marie suivit son Père jusqu'à une salle terriblement vide qu'elle n'avait jamais visité. L'absence totale d'ameublement rendait cette pièce froide et encore plus inquiétante pour la jeune femme. Le visage habituellement ferme et sévère du Père n'améliorait rien à la situation.  

- Déshabille-toi, bougonna le vieil homme en refermant l'unique porte derrière lui.  

Tremblante, Marie retira doucement les morceaux de caoutchouc qui lui servaient de chaussures. Lorsqu'elle releva la tête, son Père avait déjà entièrement retiré sa tunique bleu et bronze d'homme de rang intermédiaire. Entièrement nu, il fourra dans sa bouche une petite pilule bleue.  

- Active-toi ! grogna-t-il.  

Marie prit une profonde aspiration et retira à son tour ses haillons gris, qu'elle posa avec soin sur le sol. La peur montante dans ses yeux était lisible comme dans un livre.  

- Couche-toi sur le dos.  

Marie s'exécuta. Le sol froid ne lui fit aucun effet tant elle était tendue. Le vieil homme s'allongea de tout son poids sur la femme, qui ferma les yeux. Alors, dans un mouvement maladroit mais vif, le Père entama le travail sur sa Fille. Marie hurla.  

 

***  

 

Marie courait. Couverte de larmes, elle parcourait les sombres et étroites rues abandonnées de la Mégapole. Essoufflée, elle s'arrêta finalement au pied d'un ancien entrepôt industriel. Elle pénétra dans le bâtiment en ruines : à l'intérieur, l'obscurité était presque totale. Marie hurla. Toute la douleur, la violence et la honte qu'elle avait ressenties devaient sortir. Puis à bout de souffle, elle s'écroula au pied d'une poutre en acier rouillé, prise de pleurs et de convulsions. Durant de longues minutes, elle resta là, tremblante et sanglotante, avant de se calmer progressivement. Une fois la dernière larme tombée, elle se redressa pour s'asseoir, dos à la poutre. Cette solitude lui faisait du bien.  

 

- Ça va mieux ?  

Marie se retourna brutalement. La voix venait de derrière la poutre… Bien sûr, dans l'obscurité, elle ne distinguait personne.  

- Qui est là ? interrogea la jeune femme d'une voix chevrotante.  

Aucune réponse.  

- Que me voulez-vous ? insista-t-elle.  

- T'aider.  

- En quoi voulez-vous m'aider ?  

- Parle-moi. Dis-moi ce que tu as sur le cœur.  

Marie était troublée. Elle ne comprenait pas cette discussion improbable.  

- Et pourquoi je ferais ça ?  

- Pour toi. C'est toujours bon de parler à quelqu'un.  

Il est vrai que plus petite, Marie avait toujours aimé se confier à Marilyn. Raconter ses craintes à sa sœur de cœur l'avait souvent rassuré et soutenu dans les périodes difficiles. Mais là c'était différent, il s'agissait d'un inconnu, pas de Marilyn… Un inconnu qu'elle ne connaissait pas et qui ne la connaissait pas. Un inconnu qu'elle ne reverrait jamais. Un inconnu qui aurait certainement un jugement neutre et extérieur sur les événements.  

Marie prit une profonde inspiration et dévoila d'abord l'humiliation qu'elle avait subi quelques jours plutôt à la Machinerie. L'inconnu l'écoutait patiemment, sans dire mot. Et ce silence était rassurant pour Marie, comme une douce incitation à confier tout ce qui lui pesait. Alors elle lui révéla d'une traite le «travail» qu'elle venait d'effectuer avec son Père. L'horrible douleur qu'elle avait ressenti durant toute la tâche. Les saignements. L'impression de n'être qu'un objet. La sensation d'avoir été brutalement vandalisée. Puis elle enchaîna sur son quotidien, sur cette Société qui la dégoûtait et sur ce monde qu'elle ne supportait plus. De temps à autres, elle s'arrêtait pour reprendre son souffle ou sécher une larme, et l'inconnu attendait en silence qu'elle continue son monologue.  

Lorsqu'elle eut craché tout ce qu'elle avait sur le cœur, l'inconnu prit enfin la parole.  

- Je comprends ce que tu me dis là. J'étais comme toi, avant de découvrir qu'il existe d'autres mondes.  

- D'autres mondes ? Que veux-tu dire ?  

- Oh tu sais, il existe d'autres mondes que cette ruine que l'on appelle Mégapole. Des mondes sans sociétés ni hiérarchies d'aucune sorte. Parfois même sans humains ! Des mondes où il n'y a pas d'industries pour pourrir l'air et la terre. Des mondes où la douleur et la souffrance ne sont qu'illusions. Des mondes où tu peux vivre libre, faire ce que tu veux quand tu le veux.  

Marie savait que de telles terres n'existaient pas – comme l'affirmait la Grande Prêtresse, en dehors de la Mégapole s'étendait à perte de vue le Monde des Morts, de feu et de sang -, et pourtant ces mots lui faisaient du bien, comme si croire en l'imaginaire lui redonnait des forces. C'était donc cela, le rêve.  

 

Marie écouta quelques instants encore l'homme, puis le remercia du soutien qu'il lui avait apporté. Certes la douleur et la honte étaient toujours là, mais elle se sentait beaucoup mieux depuis qu'elle s'était confiée à cet inconnu. Mais il était désormais temps de rentrer chez elle…  

- Avant de partir, pourrais-je connaître le nom de mon aimable confident ?  

- Je n'ai pas de nom. Mais généralement, on m'appelle Cholbi.  

- Très bien, Cholbi. Et me laisseriez-vous poser un visage sur votre voix ?  

La curiosité est parfois un vilain défaut.  

Cholbi (Alex Laxman) sortit lentement de derrière la poutre en acier et s'avança lentement dans l'unique petit coin de lumière provenant d'une fenêtre sale. Sur un corps frêle vêtu d'une vieille tunique sûrement volée était posée une tête aux cheveux ébouriffés. Au milieu de son visage s'imposaient deux yeux perçants qui formaient un regard brûlant, où l'on pouvait deviner des flammes.  

Marie resta bouche-bée quelques instants, puis s'enfuit en courant.  

 

***  

 

Les jours suivant furent relativement tourmentés pour Marie. Ce regard perçant la hantait et la suivait partout, en tous temps. Les yeux de braises de ce Cholbi l'obsédaient tellement qu'elle en parla même à Marilyn qui se montra très intriguée par l'affaire. Que diable ce démon avait-il à suivre ainsi la jeune femme ? Même la Grande Prêtresse n'aurait su répondre à cette question.  

C'est justement à la sortie d'un office de la Sainte-Société que Marie revit, pour la première fois depuis leur rencontre dans l'entrepôt abandonné, son mystérieux suiveur. Il l'attendait au coin d'une ruelle, les bras croisés. Il ne cherchait même plus à se cacher. Marie, curieuse, demanda à une Marilyn peu rassurée de l'attendre un peu plus loin. Ce regard la hantait depuis trop longtemps, elle voulait des réponses.  

Aussitôt Marilyn éloignée, Marie posa la question qui lui trottait dans la tête depuis des jours : qui Cholbi était-il réellement ?  

L'homme sembla réfléchir quelques instants avant de répondre, comme si son identité était si complexe qu'il devait lui-même prendre le temps de se la rappeler.  

- Disons que je suis différent de toi. Ou plutôt que mon passé est différent du tien.  

Cela ne contentait pas Marie. Elle voulait en savoir plus sur cet étrange homme qui la suivait ainsi depuis quelques temps. Elle insista donc encore auprès de Cholbi, mais celui-ci ne lui dévoila pas un seul élément supplémentaire sur sa personne.  

- Ce n'est pas encore le moment de te parler de moi, se contenta-t-il de répondre, les lèvres crispées.  

Marie aurait aimer en savoir plus, mais une voix l'empêcha de poser toutes les questions qui lui tournaient dans la tête. Marilyn appelait sa sœur de cœur avec force : elles ne devaient pas être en retard pour retrouver leur Père.  

Avant de quitter précipitamment l'homme au regard si particulier pour rejoindre Marilyn, Marie glissa quelques mots qui firent légèrement sourire Cholbi, d'ordinaire sombre et renfermé.  

- Demain au zénith, au lieu de notre première discussion. Si je n'y suis pas, reviens le lendemain, et ainsi de suite jusqu'à ce que je puisse me libérer.  

 

***  

 

Dans les jours qui suivirent, Marie et Cholbi se revirent. Plusieurs fois. Ils parlaient finalement peu, préférant profiter silencieusement de leurs balades aux quatre coins de la Mégapole. Ensemble.  

Toutefois, il arrivait que Marie se confie sur son «travail». Celui-ci lui faisait de moins en moins mal, bien qu'elle souffrait encore beaucoup.  

Marie évoquait aussi parfois sa santé, car celle-ci la préoccupait de plus en plus. En effet, la jeune femme semblait de plus en plus souvent proie aux maux de tête et de ventre. Seul point positif des dernières semaines : ces saignements mensuels semblaient s'être mystérieusement arrêtés. Tant mieux, c'était ainsi moins douloureux.  

 

Un jour, les deux amis se rendirent à la Machinerie. Ils n'avaient en principe pas le droit de s'y rendre si ce n'était pas pour participer au bon développement de la toute-puissante Société-Industrielle, mais Cholbi connaissait des passages à l'abri des regards des Machinistes. Ils avancèrent ensemble pendant plusieurs dizaines de minutes entre les usines et les entrepôts , jusqu'à atteindre un mur de béton qui leur bloquait la route. C'étaient les limites de la Mégapole. La frontière entre deux Mondes. Le Connu, et l'Inconnu.  

Cholbi grimpa sur un baril qui se trouvait là, escalada le mur de l'entrepôt voisin et se hissa sur le toit de celui-ci. Marie l'imita non sans mal, aidée par la main de son ami. Une fois sur le toit, elle s'assit, essoufflée. Face à elle s'étendait à perte de vue un désert de braises et de cendres. Il n'y avait à vue d’œil pas une âme qui ne vivait, pas une plante qui ne poussait. Seules quelques flammettes semblaient s'épanouir… Cette terre noire et rougeoyante était effrayante.  

- C'est magnifique, n'est-ce pas ? remarqua Cholbi. Je viens parfois ici, à la nuit tombée. C'est encore plus beau.  

Marie regardait son ami, incrédule.  

- Mais, Cholbi… C'est le Monde des Morts ! Une terre infernale de sang et de feu, que même Dieu ne peut contrôler ! On ne devrait même pas s'en approcher, la grande Prêtresse nous l'a encore répété hier ! Nos âmes pourraient traverser cettre frontière infernale…  

- Je me fiche de ce que dit la grande Prêtresse. Je ne la crois pas. Car je suis sûr qu'il existe au-delà de ce désert, ou même simplement au-delà de ce mur, des mondes libres bien différents de cette prison en ruines que tu nommes «Société». Je le sais. Et un jour je t'y mènerai. Et tu seras à ton tour émerveillée par ces terres.  

Marie n'était pas convaincue de cela. Pourtant, elle ne pouvait s'empêcher d'accorder une confiance aveugle en Cholbi. Elle se sentait comme rassurée à ses côtés, comme si même la mort ne pouvait l'atteindre. Elle se sentait bien.  

- Pourquoi fais-tu tout cela pour moi ? demanda la jeune femme. Pourquoi me montres-tu tout cela, Cholbi ?  

L'homme resta immobile quelques instants. Son visage était particulièrement mystérieux, mais une étincelle semblait sautiller dans ses yeux. Un petit quelque chose que Marie n'avait jamais vu dans les yeux de quiconque.  

- Parce que je suis tombé en amour pour toi, répondit-il simplement.  

Marie fronça les sourcils et serra les poings. Elle n'aimait pas qu'on se moque d'elle. L'amour. Cette vieille légende imaginée par quelques fous impies pour détourner les hommes du droit chemin de la vie. La Grande Prêtresse elle-même avait assurée que l'amour n'existait pas, qu'il ne s'agissait que d'un mensonge inventé par quelques opposants à la Sainte-Société pour dévier le Peuple de leur servitude volontaire envers celle-ci.  

Cholbi sembla lire l'incrédulité de la jeune femme dans ses yeux, et lui répondit sur un ton sincère et naturel.  

- L'amour a toujours existé. Ta Sainte-Société a tenté de détruire ce sentiment par ses principes de travail et de prudence, mais dans d'autres mondes l'amour est toujours une réalité.  

Marie ne le croyait pas. Et pourtant, une intuition lui disait que Cholbi était sincère, qu'il pensait réellement ce qu'il disait… Mais cela ne voulait pas dire qu'il avait raison. Peut-être était-il fou ?  

- Tu n'es pas obligée de me croire, lui répondit alors Cholbi. Je comprends tout à fait que tu remettes en question mes paroles.  

Marie et Cholbi passèrent encore de longues minutes à observer ce monde qui s'étendait face à eux, en silence. Plus Marie la contemplait, plus cette terre de feu lui semblait attrayante. Une forme de curiosité commençait à naître en elle, même si elle craignait toujours la Mort et le Jugement que lui avait décrit la Grande Prêtresse.  

 

Après un certain temps, les deux amis entreprirent de descendre de leur toi, Marie la première. Mais une fois de retour sur la terre ferme, son regard en croisa un autre empli de haine. Il appartenait au Pétrolier. La jeune femme eut juste le temps de prévenir Cholbi que déjà, l'imposant Machiniste fondait sur elle. N'ayant plus le temps de réagir, elle s'attendait à être violemment projetée contre le mur lorsqu'une silhouette passa au-dessus de sa tête pour atterrir pieds joints sur le torse puissant de leur agresseur. Celui-ci s'écroula sur le sol, le souffle coupé par la violence du choc et l'esprit retourné de surprise. Lorsqu'il réussit à se relever, le colosse poussa un long hurlement. Les deux intrus s'étaient enfuis.  

 

***  

 

Marilyn ne pouvait s'empêcher de triturer ses cheveux. Voilà déjà une demi-heure que Marie aurait dû rentrer. Marilyn la savait avec cet homme, Cholbi, auquel elle semblait s'être attachée. Elle savait aussi qu'il était certainement en train de lui parler de cet au-delà qu'il imaginait si merveilleux. Et cela l'inquiétait terriblement. Qui sait où il pouvait l'emmener ?  

Ainsi, lorsque la porte des appartements du Père s'ouvrit, Marilyn crut un instant que sa sœur rentrait. Ce fut malheureusement une voix d'homme qui s'adressa au Père. Ils parlaient à voix basses, et pourtant semblaient tendus et énervés. Comprenant qu'il s'agissait sûrement de Marie, Marilyn tendit l'oreille. Elle apprit alors que sa sœur et son ami avaient agressé un Machiniste et avait pris la fuite.  

- Je les retrouverai moi-même, déclara le nouveau-venu. J'ai quelques comptes à régler avec le garçon avant de les revendre à la grande Prêtresse.  

- Ramenez-moi Marie. J'ai encore besoin d'elle quelques temps… Ensuite je vous la livrerai et vous en ferez ce que vous voudrez.  

- Une rebelle reste une rebelle, même si elle est fille d'un ami ! Je la livrerai à la grande Prêtresse en même temps que le garçon.  

Marilyn ne pouvait entendre un mot de plus. Sa sœur de toujours courait un grave danger, elle ne pouvait l'abandonner ainsi à son sort funeste. Mais comment l'aider ? Elle ne pouvait désobéir aux ordres du Père, sans quoi elle s'exposerait au même sort. Elle devait donc convaincre le Père de partir à la recherche de Marie. Et ce n'était pas des plus simples : le Père n'avait aucun raison de protéger une hors-la-loi alors même qu'il avait une autre Fille pour le servir.  

Ainsi, lorsque le Père entra dans la salle de travail, Marilyn entama immédiatement les négociations.  

- Père, j'ai à vous parler.  

- Moi aussi, j'ai à te parler, répondit-il l'air grave. Marie a disparu. On part à sa recherche immédiatement.  

 

***  

 

- Nous n'avons pas le choix ! s'exclama Cholbi. On a pénétré la Machinerie sans motif, j'ai agressé un Machiniste et on a pris la fuite… A l'heure qu'il est, on est sûrement à nos trousses ! Et si on nous attrape, ce sera fini. Tout sera fini.  

Debout en haut d'un monticule de déchets métalliques, Marie et Cholbi surplombaient le mur. La frontière entre la Mégapole et le Monde des Morts était là, juste devant eux. Pourtant, Marie ne pouvait se résoudre à la franchir.  

Elle tremblait de peur. La solution proposée par Cholbi l'effrayait. Car si elle craignait plus que tout au monde le jugement de la grande Prêtresse, qui savait se montrer généreuse avec les citoyens fidèles et dévoués mais qui était également impitoyable envers les rebelles et les hérétiques, l'idée de se réfugier dans le Monde des Morts ne lui semblait guère plus intéressante.  

Mais sa tête commençait à tourner de nouveau et des nausées l'empêchaient de réfléchir. Alors peut-être devait elle faire confiance à son seul ami ?  

Cholbi tendit une main à Marie et la fixa de son regard de feu.  

- N'aie pas peur, Marie. Met simplement ta main dans la mienne.  

Marie prit une profonde inspiration, ferma les yeux et s'exécuta. La main de Cholbi était chaude, brûlante même, ce qui n'empêcha pas Marie de ressentir un frisson en l'attrapant. Elle rouvrit les yeux. Cholbi la fixait toujours de son regard enflammé.  

Il lui fit alors un signe de la tête. Ils sautèrent par-delà le mur, et quittèrent la Mégapole pour la Mort.  

 

 

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Pamya Prod présente Voici la mort.  

Un film de science-fiction de Chazelle DeBlois.  

Sur un scénario de Peter Rowling.  

 

Avec :  

Alex Laxman – Cholbi  

Adria Boult – Marie  

Jewel Desplat – Marilyn  

Maximo Velasquez – Le Père de Marie et Marilyn  

Lukas Hart – Le Pétrolier  

Izabella Lavez – La grande Prêtresse  

 

Musiques composées par Jodie Hammer.  

Œuvre musicale extérieure utilisée : Voici la mort de Saez  

https://www.youtube.com/watch?v=HbcGw3XTFqI  

 

Bande-annonce officielle du film : https://www.youtube.com/watch?v=UD8bTl8x6Fc

Scénario : (2 commentaires)
une série A de science-fiction de Chazelle DeBlois

Alex Laxman

Adria Boult

Maximo Velasquez

Jewel Desplat
Avec la participation exceptionnelle de Izabella Lavez, Lukas Hart
Musique par Jodie Hammer
Sorti le 12 avril 2047 (Semaine 2206)
Entrées : 22 749 475
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