MaNyla Productions présente Le temps d'espérer Dans les Hauts-de-France, après les ravages de la Grande Guerre, le paysage portait encore les cicatrices des combats. Les terrils, imposants, se dressaient dans l'horizon grisâtre, symboles de la région où le charbon et la terre faisaient partie du quotidien des ch'tis où la mine était le coeur battant d'un village, malgré le danger, c'est là que la plupart des hommes trouvaient leur gagne-pain. La guerre avait emporté bien des hommes, des pères et des fils. Etre mineur était une histoire de famille, pères et fils descendaient souvent dans la mine où leurs grands-parents avaient également connu les ténèbres de la noirceur de la terre.
Maurice (Donovan Miller), défaisait le cordage qui maintenait sa tenue de mineur de fonds accrochée à une longue corde au plafond parmi tant d'autres suspendus, attendant son mineur respectif. La salle des pendus comme on appelait le vestiaire. La salle, immense, n'était meublé que de bancs qui servaient aux gars pour s'habiller. Tout autour, c'était le système hydraulique servant aux mineurs à prendre leur douche. Maurice était assis sur l'un des nombreux bancs, il enfilait doucement ses bottes, dont le cuir usé, à cause des centaines d'heures passées sous terre, frottait la peau de ses pieds quelques instants mais il ne faisait plus attention à ce détail. Alors qu'il serrait ses lacets, le regard vide, perdu dans les multiples pensées qui ne cessaient de flotter dans son esprit, Maurice était déjà concentré et ne cessait de penser au pire pour la sécurité des gars qui allaient descendre avec lui. Aujourd'hui ils allaient explorer une nouvelle galerie, récemment une nouvelle veine de charbon avait été trouvée par les ouvriers de roche et la direction de la mine avait rapidement décider de déployer l'équipe de Maurice constituée de piqueurs chargés d'abattre le minerai. Le mineur expérimenté observait ses gars se préparer, concentrés, certains parlant à voix basse et d'autres perdus dans leurs pensées. A ses côtés, Jean, un galibot de 14 ans, l’observait avec de grands yeux incertain tout en ajustant nerveusement son casque. C'était sa première descente, il tentait de cacher son appréhension mais Maurice l'avait remarqué.
"Ca va aller, tiot ?" demanda Maurice d'une voix calme en posant une main rassurante sur l'épaule de Jean qui hocha la tête, les yeux fixant avec détermination la porte qui amenait à l'ascenseur qui allait l'emmenait sous terre. Maurice se revoyait à l'âge de Jean. Il savait que le plus dur était de franchir cette première épreuve, laisser la lumière pour plonger dans l'obscurité oppressante des galeries.
Un bruit métallique déchirait le silence lorsque les grilles se refermaient. Les hommes autour de Jean plaisantaient légèrement pour détendre l'atmosphère mais Jean n'arrivait pas à penser à autre chose que l'appréhension de la descente qui lui nouait l'estomac. L'ascenseur commença sa descente dans les entrailles de la terre. Les bruits de la surfaces s'évanouissaient, remplacés par le ronronnement sourd de la machine et le cliquetis régulier de la cage qui frottait par moment les abords de la terre. Maurice se tenait à côté de Jean, silencieux et inquiet par cette nouvelle galerie dans laquelle ils allaient s'aventurer, bien entendu il ne pouvait pas le montrer devant ses hommes afin de ne pas créer une tension collective. Lorsque l'ascenseur s'arrêta, un silence tomba sur le groupe, l'air était glacial et transperçait les os de Jean, qui serrait son pic, alors que la grille remontait pour les laissés sortir dans la galerie principale. Les gars de Maurice passaient devant une autre équipe qui allait remonter, ils étaient noirs de la tête au pied et semblaient exténués. "Ton père serait fier." murmura Maurice à Jean tandis qu'ils s'avançaient vers la nouvelle galerie, il sentait la responsabilité peser sur ses épaules, celle d'assurer la sécurité de son équipe mais aussi de s'assurer que Jean, le fils de son ami disparu, s'en sorte sain et sauf. Maurice se souvenait de cet homme avec qui il avait partagé tant de descentes, un homme respecté de tous qui n'avait pas eu la chance de revenir de la guerre. Pendant le conflit, la profession de mineur avait été très utile quand il fallait creuser sous l'emplacement des positions ennemis afin de les repérés et parfois poser des explosifs afin d'abattre un grand nombre d'ennemis avant qu'une bataille ne commence. Maurice avait été dans une unité spécialisée avec un grand nombre de gars qui descendait quotidiennement avec lui dans ces galeries, c'était le cas du père de Jean mais également de Lucas, un proche ami qu'il considère comme son second. Lucas et Maurice partageaient un lien indéfectible, forgé dans les profondeurs de la terre mais également dans la boue et le sang sur les champs de bataille. Ils se connaissaient depuis l'enfance, ayant grandi dans le même coron, leurs familles vivant côte à côte. A 14 ans, ils avaient fait leur première descente ensemble, le trio qu'ils formaient avec le père de Jean était inséparable. Même lorsque la guerre fut déclarée, ils s'étaient retrouvés dans le même régiment, embarqués dans l'enfer des tranchées à Verdun, au Vauquois, dans la Somme ou encore au Chemin des Dames. Ils avaient vu des horreurs dont ils ne pouvaient en parler mais qu'ils n'oublieraient jamais. Leur amitié avait été renforcée, veillant les uns sur les autres, espérant revenir dans leur coron afin de retrouver femme et enfants. Malheureusement, Antoine, le père de Jean, avait été emporté par l'explosion d'un obus quelques semaines avant la fin du conflit. Aujourd'hui, alors qu'ils étaient de retour sous terre, ils se comprenaient sans dire le moindre mot. Maurice observait ses hommes qui s'étaient mis à l'ouvrage, il ressentait des vibrations inhabituelles, il savait que Lucas ressentait les mêmes inquiétudes.
"Tu te souviens de notre première descente avec Antoine ?" demanda Lucas à voix basse, les yeux fixés sur les parois de charbons qui luisaient à cause de l'humidité. Maurice hocha la tête, le regard perdu dans le passé. "Ouais. C'était dur, mais on avait confiance car il était avec nous, il veillait toujours sur nous." Lucas soupira. "Et maintenant, c'est nous qui devons veiller sur son fils."
Un silence pesa entre les deux amis, les souvenirs de la guerre, des morts qu'ils avaient laissés derrière eux, la promesse que Maurice avait fait au père du petit. Tout revenait en tête tandis que le bruit du martèlement du pic sur le charbon se faisait entendre dans la galerie.
Dans les corons, la vie suivait son train-train quotidien. Les femmes travaillaient et veillaient sur les enfants, faisant de leur mieux pour gérer leur domicile. Elles étaient un soutien majeur pour leur mari partis sous terre, sachant que la mine pouvait leur prendre la vie à tout moment. Elles étaient très solidaires les unes envers les autres et c'est tout naturellement que Madeleine (Francesca Gunning) qui était enceinte de Maurice, avait rejoint la mère de Jean, Louise, chez elle afin de l'aider du mieux qu'elle pouvait. Les deux femmes étaient très proches, pendant la guerre elles étaient munitionnettes dans la même usine et se soutenaient mutuellement dans les coups durs, surtout quand elles avaient appris le décès de Antoine. Alors que Madeleine berçait le plus jeune fils de Louise sur ses genoux pendant qu'elle préparait le repas avec sa fille, une violente secousse ébranla le sol. Les murs tremblèrent, les fenêtres s'ouvrirent brusquement et les portes claquèrent sous la force du choc. Les deux femmes se regardèrent fixement alors que les enfants pleuraient, choquées par ce qui venait de se produire. Cette secousse terrifiait les deux femmes. Madeleine avait posé sa main sur son ventre rond alors qu'elle s'approchait de la porte d'entrée afin de voir l'agitation dans la rue. Les femmes commençaient à sortir de leurs maisons, alarmées par la secousse. Chacune interrogeait sa voisine mais personne ne savait quoi que ce soit. Les enfants, effrayés, se blottissaient contre leur mère respective. Un murmure d'angoisse commençait à monter parmi elles, la peur que quelque chose de grave ait pu se produire au fond de la mine.
"On ne peut pas rester là et attendre." dit Madeleine d'une voix tremblante mais résolue. "Il faut aller à la mine." conclut-elle en serrant la main de la mère de Jean. Un groupe de femmes se dirigeait vers l'entrée du complexe minier, la marche se faisait dans un silence pesant, ponctué par les gémissements des plus jeunes enfants et des murmures à peine audibles provenant de quelques femmes. L'inquiétude était grande. Leur mari, leurs fils, leurs frères étaient en bas et elles devaient savoir ce qu'il s'était passé.
A mesure qu'elles approchaient de la mine, l'anxiété grandissait. Devant l'entrée, quelques responsables tentaient de contenir la foule, répondant évasivement aux multiples questions. Madeleine sentait son coeur battre à un point où sa poitrine serait prête à éclater. Maurice était là, quelque part sous leurs pieds et elle ne savait pas si il allait bien ou non.
Sous terre, Maurice et ses hommes avançaient bien, l'équipe avait attaqué la veine de charbon avec une organisation rodée par des années de pratique. La sécurité devait primer et c'est pour cette raison qu'il avait donner un ordre clair : humidifier au maximum les parois. Il connaissait trop bien les risques liés à la poussière de charbon. Un nuage de poussière suspendu dans les airs, un simple coup de pioche mal placé et c'était l'explosion assurée. L'humidité alourdissait l'atmosphère déjà étouffante de la galerie, mais chaque gars savait que c'était un mal nécessaire pour leur sécurité. Maurice veillait, circulant entre ses hommes, ses yeux scrutant chaque recoin, chaque mouvement, toujours à l'affût du moindre signe de danger afin de réagir au plus vite. "Continuez d'arroser ces parois." dit-il d'une voix ferme mais posée, tout en tapotant l'épaule d'un mineur. "On ne prend aucun risque et on remonte tous ensemble aujourd'hui." Les pioches tapaient le charbon et le bruit résonnait dans le silence oppressant de la galerie, le bruit sourd du charbon arraché à la roche qui se mêlait aux souffles des hommes. Jean faisait de son mieux pour suivre le rythme de ses aînés, une certaine tension pouvait se lire sur son visage. Mais soudain, une légère vibration parcourut le sol sous leurs pieds, ce n'était pas inhabituel mais Maurice sentait quelque chose d'étrange, il regarda instinctivement vers Lucas et ce dernier était déjà entrain de le regarder afin de voir sa réaction. "Ca a vibré un peu plus fort que d'habitude, non ?" murmura Lucas en s'approchant de son ami, jetant un oeil inquiet vers les parois. Une sombre pensée s'insinua dans l'esprit de Maurice : la rumeur. Depuis plusieurs jours, on parlait d'un feu de mine qui n'avait pas été totalement maîtrisé, d'une galerie voisine. Le vétéran avait tenté de ne pas prêter attention à ces histoires, mais les secousses inhabituelles ramenaient ses craintes à la surface. Etait-ce lié au feu couvant dans les profondeurs ? Il savait qu'un éboulement pouvait libérer des poches de gaz et que la moindre flamme pourrait transformer la mine en une véritable fournaise. Maurice devait-il partager ses craintes ? La panique ne ferait pas bon ménage et risquerait de créer un accident. Pourtant, il ne voulait pas laisser ses hommes dans l'ignorance. "Lucas." murmura-t-il en attrapant le bras de son frère d'armes, "Tu as entendu les rumeurs concernant la galerie voisine ?" Lucas hocha la tête, son visage se crispant. Oui, mais je pensais que c'était sous contrôle. T'es entrain de me dire que... tu crois que c'est ça ?" Maurice regardait autour de lui, le bruit des pioches continuaient de résonner. "Je sais pas. Je ne sais pas pourquoi mais je n'aime pas du tout ce qui est entrain de se passer ici. Je penses à faire remonter l'équipe." Le mineur se retourna vers Jean, ce dernier travaillait avec sérieux. Il se sentait responsable du garçon, encore plus avec ce danger potentiel qui planait au-dessus de leur tête. Alors qu'il s'apprêtait à parler à Jean, son regard tomba sur la lampe qu'il avait posé à côté d'eux. Son coeur manqua un battement. La flamme vacilla puis s'éteignit soudainement. "GRISOU !" hurla-t-il en se précipitant vers Jean, l'attrapant fermement par le bras. Le jeune garçon, surpris et effrayé fut violemment tiré vers un profond renfoncement dans la paroi de la galerie.
Un bruit sourd et terrifiant, ressemblant à un hurlement démoniaque , amena un déferlement de violence inouïe dans la galerie avec un souffle balayant tout sur son passage. L'explosion souleva les gravats et une tonne de poussière, une onde de choc intense parcourut les entrailles de la terre. Maurice plaque Jean contre lui, cherchant à le protéger du souffle destructeur alors qu'autour d'eux les parois tremblaient. Une première explosion résonna, presque immédiatement suivie d'une seconde encore plus dévastatrice. Le feu, né de l'explosion, se propagea à une vitesse fulgurante dans la galerie , dévorant tout sur son passage avec une chaleur étouffante qui envahit les l'espace confiné. La galerie semblait s'effondrer sous la violence du brasier. Les cris, atroces, des hommes, résonnaient résonnaient à travers la galerie, Jean avait l'impression que son coeur allait éclater tant il battait fort, ses mains, moites de sueur et de terreur, s'accrochaient désespérément au bras de Maurice. Le jeune garçon serrait si fort qu'il en avait mal aux doigts, mais c'était la seule chose qui le rassurait dans ce chaos déchaîné. Maurice, lui, était figé, accroupi contre la paroi, locataire Jean aussi fermement que possible. Mais son esprit vagabondait malgré lui, emporté par des souvenirs terrifiants. Le bruit assourdissant de l'explosion, le souffle brûlant et l'odeur de brûlé faisaient remonter en lui des images qu'il avait longtemps tenté d'entrer. L'horreur des obus qui explosaient à quelques mètres de lui dans les tranchées de Verdun, les cris de ses camarades, la terreur qui l'avait saisie alors qu'il était pris sous un déluge de feu... Tout cela revenait avec une précision glaçante.
Le rugissement du feu dans la galerie était semblable à celui des bombardements incessants. Maurice se souvenait de ces nuits interminables passées à attendre, impuissant, la prochaine explosion, le prochain cri. Il se souvenait des tranchées remplies de fumée, des flammes qui léchaient le ciel, de l'odeur de la mort. Et aujourd'hui, dans cette galerie en feu, l'enfer semblait avoir refait surface. Ce n'était plus la guerre, mais cela y ressemblait beaucoup. Les flammes, le bruit assourdissant, la peur viscérale étaient les mêmes, mais il n'était plus un simple soldat. Ici, il était responsable. Responsable de Jean, de Lucas, de ses hommes. Il ne pouvait pas se permettre de faiblir. "T'inquiète pas, gamin." murmura Maurice d'une voix qu'il voulait rassurante, même si elle tremblait légèrement sous la pression de la situation. "On va s'en sortir, d'accord ? Tiens bon." Jean hocha la tête, incapable de prononcer le moindre mot, le contact avec Maurice lui apportait un réconfort fragile. Les flammes se déferlaient toujours dans la galerie, et l'air devenait de plus en plus irrespirable. Mais pour Maurice, il n'y avait qu'une chose à faire : survivre, comme il l'avait fait sur les champs de bataille.
À la surface, Madeleine se tenait avec les autres femmes des corons devant l'entrée du complexe minier, rongée par l'angoisse. Autour d'elle, les hommes du village s'activaient, tentant de trouver une solution pour descendre et aller chercher les survivants. Mais les visages fermés et les mouvements déclenchés témoignaient de la gravité de la situation. Ils savaient tous que chaque seconde comptait, et plus le temps passait, plus les chances de sauver les hommes s'amenuisaient.
Madeleine, le cœur battant à tout rompre, chercha désespérément des réponses. Elle se précipita vers le directeur de la compagnie minière, qui venait d'arriver sur les lieux. L'homme, entouré de ses ingénieurs et de quelques responsables, semblait aussi inquiet qu'elle, mais restait impassible. Elle le tira par la manche, ses yeux pleins de détresse. "Monsieur ! Je vous en supplie, dites-moi ce qu'il se passe ! Mon mari... les hommes sont encore là-dessous, vous devez faire quelque chose !" Sa voix tremblait, presque étouffée par l'émotion. Le directeur détournait à peine le regard. "Nous faisons tout ce que nous pouvons, madame. Mais pour l'instant, nous devons évaluer les dégâts. Je ne peux rien vous dire de plus."
Madeleine sentait la colère monter en elle, mais avant qu'elle ne puisse insister, un bruit assourdissant coupa court à toute conversation. Un grondement sourd, comme un rugissement venant des entrailles de la terre, retentit. Dans un fracas épouvantable, un nuage de poussière jaillit de l'entrée de la mine avec une force démesurée. La puissance de l'explosion était telle qu'elle souleva un cheval dans les airs, projetant l'animal à plusieurs mètres avant qu'il ne retombe lourdement sur le sol.
Le choc de l'explosion faisait trembler l'infrastructure de la mine. Le chevalet, cette grande tour métallique qui permettait de remonter les mineurs, fut soulevé par la déflagration. Les câbles de moulinage qui permettaient de faire descendre et remonter les cages furent arrachés et la structure métallique craqua sous la pression, se tordant comme du papier. Une partie des installations s'effondra sous les regards horrifiés des villageois.
Madeleine, le souffle coupé, sentit ses jambes se dérober sous elle. L'ampleur du désastre allait prendre une nouvelle dimension. Tout semblait s'écrouler autour d'elle, au sens propre et figuré. Les hommes criaient des ordres, cherchant à comprendre ce qui venait de se produire, tandis que les femmes reculaient, horrifiées. Le chaos régnait. La panique commençait à s'installer.
Le directeur, lui aussi secoué par l'explosion, s'empressa de s'éloigner, le visage blême. Il n'y avait plus de mots, plus de faux semblants. La situation venait de basculer dans l’irréparable.
Madeleine, les larmes aux yeux, ne pouvait détacher son regard du chevalet endommagé. "Maurice…" murmura-t-elle, la voix brisée par l'effroi. ![]() ![]() ![]()
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