Il n’y a plus de super-héros. Enfin, il n’y en a jamais vraiment eu, mais il existait dans un passé pas très lointain une représentation d’eux que je détestais. Se manifestant à travers des bande-dessinés, des livres, des films, des jeux vidéo, ces être aux pouvoirs exceptionnels faisaient rêver les plus jeunes et véhiculaient les valeurs à la mode parmi le peuple. Aujourd’hui, tout cela n’existe plus. Je suis venu à bout de cette propagande héroïque et ce malgré les plus vives protestations. Je suis désormais l’antihéros par excellence, l’un des êtres le plus détesté sur la planète, mais aussi le plus craint.  

Mon seul échec est de n’avoir pas éradiqué cette mentalité erronée selon laquelle les gentils sont toujours vainqueurs. Pourtant, je suis le méchant, et j’ai triomphé ! J’ai terrassé ce dessinateur maudit, Stan Kirlee, créateur de plusieurs centaines de super-héros ringards. C’est lui qui m’a combattu avec le plus d’acharnement, mais j’ai vaincu. Avec sa mort, DC Comics et Marvel se sont éteints. Tout a brûlé, et tous ceux qui ont encore le courage de créer des héros reçoivent la visite de Nick l’Effaceur et ne s’en remette pas. Seulement, il y a toujours cette femme, cette journaliste, Bella Ulrich, qui publie son infâme torchon dans lequel elle me ridiculise, proclamant que ma défaite est proche. J’ignore pourquoi, mais je ne parviens pas à l’occire, malgré toute mes tentatives. Et c’est elle qui donne au monde l’espoir que le bien l’emportera finalement.  

De ma place forte, au sommet de la Statut de la Liberté, je réfléchis au meilleur moyen de faire comprendre à tous que l’héroïsme est une aberration de l’esprit, que cela est néfaste et finira par conduire le monde à la catastrophe. Difficile de convaincre les gens de se rallier à la cause du mal sans que celle-ci ne soit représentée par une figure charismatique, machiavélique et définitivement pas héroïque.  

Mon regard parcourt la pièce dans laquelle je me trouve et s’arrête sur les magnifiques jambes de mon unique alliée, Honey Ryder, qui était encore tout récemment une bonne amie de Bella Ulrich, qu’elle a trahie à mon bénéfice. Elle s’était avérée être une conseillère avisée et une troisième main efficace, mais en ce jour, je cherche désespérément un moyen de l’utiliser autrement que pour me changer les idées, la nuit venue… J’aimerais lui transmettre mes pouvoirs, mais j’ignore comment ceux-ci m’ont été réellement donnés.  

Nick l’Effaceur est né après que le véritable Nick, moi-même, soit tombé du toit d’un immeuble de trente étages, après une effroyable course poursuite contre des producteurs en colère. Malgré mes recherches scientifiques, je ne suis toujours pas parvenu à expliquer le phénomène, et jeter Honey Ryder du haut de la Statut de la Liberté, à titre d’essai, ne me tente guère. Ça ferait d’elle une martyre, à l’instar de Kirlee, et je déteste les martyrs qui ne portent pas mon nom.  

Je suis finalement interrompu dans ma contemplation par un bip sonore provenant d’une de mes merveilleuses réalisations scientifiques : un détecteur d’héroïsme. L’intensité du signal m’indique que la source est assez forte, de niveau sept sur une échelle de dix, ce qui correspond à l’invention d’un nouveau super-héros, généralement. En moins de vingt minutes, je suis déjà à moins de dix mètres du lieu du crime, dans un petit immeuble abandonné de New York. Je sonde le terrain avec mes pouvoirs, pour découvrir qu’un débat a lieu, à l’intérieur, portant sur l’existence ou non de véritables super-héros. Je sens ma colère grimper et je laisse l’Effaceur investir pleinement mon corps. Je me dirige vers les deux individus, enfermé dans une pièce au dernier étage. Arrivé devant la porte, je m’arrête quelque instant. Je reconnais l’une des voix ! C’est celle de Bella, cette garce ! Mais elle semble perturbée, incrédule ou en colère, je ne saurais dire. L’autre voix, qui m’est inconnu, chevrotante mais persuasive, tient un discours étonnant. L’homme assure que les super-héros, les vrais, sont en route, qu’ils viennent sur New York pour enrayer les plans diaboliques de l’Effaceur, moi ! Super Man, Spiderman, Batman, Wonder Woman, le Surfeur d’Argent ; il les nomme tous, déclamant fièrement qu’il est leur émissaire et que la riposte est proche.  

Apeuré, je tourne les talons et foncent vers la Statut de la Liberté. Cette nuit, une femme y fera une chute vertigineuse…  

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Nick l’Effaceur – Alan Keith  

Bella Ulrich – Kerrilyn Whittall  

Batman – Peter Bova  

Wonder Woman – Kristen Kinworthy  

Honey Ryder – Jeanne Lillard  

L’émissaire – Gregory Tilford  

BO du film – Keep on Rotting in the Free World - Carcass  

Suite de "La Mort des Super-Héros"  

Ce film est dédié à Gérard Cousin.