Mon nom est Libourne (Francesca Berger), nous sommes en 1991 et du haut de mes 9 ans, je "déplombe" des jeux vidéos pour mes potes de l'école. Ils me filent leur disquettes et moi je leur copie ce qu'il y a sur mon disque dur de 10 Mo (si mon père savait ce que je fais avec son matos... En fait, je crois qu'il le sait). Je me sers de mes aptitudes - je suis née avec un clavier dans les mains - pour répandre la "bonne parole" autour de moi (et me faire rendre quelques services) : DOS, Amiga, Atari, Commodore 64, aucune plate-forme ne m'échappe. Je "cracke" même des jeux Mac, c'est dire si mon spectre est large. Si, si, il y a des jeux pour Mac. C'est mon père, ex-informaticien chez Bull aujourd'hui au chômage, qui m'a tout appris sur son temps libre. Et après on dira qu'il n'y a plus de parents pour transmettre le savoir des anciens...

De temps à autres, je tape la causante avec des gars des forums du Minitel - ou même sur le Prestel anglais ou sur les IRC de l'internet. Ca me fait toujours marrer, des nouveaux contacts : Allemands, Suédois, Danois, Espagnols, Anglais - ce qu'il y a de formidable avec ces nouveaux réseaux, c'est la rapidité de transmission de l'info. Ca me permet d'avoir des nouveautés, les derniers hits en attente, ou déjà piratés - voire même les jeux qui sont interdits chez nous mais autorisés ailleurs. On est des vrais pirates du pixel, quoi ! Et pour la plupart, on vit tous chez papa-maman aussi. Enfin, pour moi, c'est normal ! Quand on travaillera, on rentrera forcément dans les rangs. Pour le moment, c'est un peu ce qu'on appelle "le fruit défendu", un truc pas autorisé. Mes parents avait le hard-rock. Moi, j'ai la déplombe.

Récemment pourtant, j'ai reçu le fichier d'un nouveau jeu, un truc allemand impossible à lancer sur lequel les protections tenaient encore. Une clé de cryptage tenace... ou mon correspondant qui avait eu la flemme de se pencher dessus et qui pensait que je pourrais lui rendre ce petit service. Toujours est-il que ça n'a pas tenu 24h00.
Une fois "libéré de ses entraves", le petit programme s'est révélé décevant. Un truc genre "Pac-man" programmé avec les pieds pour DOS : je me demandais bien qui, dans les années 90, avait encore le toupet de sortir un truc pareil. J'ai pensé que ça pouvait être un freeware, un truc gratuit - mais j'expliquais mal alors la présence de protections. Protéger ? Ca ? N'importe qui aurait haussé les épaules et jeté le fichier à la poubelle...
C'est en "grattant" un peu plus profondément dans le code que je suis tombée sur les problèmes.

C'est qu'on avait pris la peine de dissimuler, en les compressant, des fichiers là-dedans. Ca aurait pu être un "oeuf de Pâques" (une blague de programmeur) racontant une histoire cochonne. Là c'était tout autre chose. Des plans. Ne me demandez pas de qui, de quoi, c'était pas écrit ni en Français, ni en Anglais. Des plans, des formules, des textes - mais pas des trucs informatiques ou rigolos. Je n'ai rien compris sur le moment. Et j'en ai pas dormi de la nuit.

C'est le lendemain, dans l'autocar, que j'ai aperçu pour la première fois ce grand bonhomme (Raoul Landers) qui me suivait.
(Script original)