«Tant de morts causées pour éviter la mort»


Sous les eaux fantomatiques du Lac Albert, dans le comté de Eastonshire, se cache une bien étrange population. Une population maudite, si terrible qu’on inscrivit son histoire dans les livres de légendes et qu’on brûla ensuite tous les livres, afin que personne ne garde le souvenir de ces 409 habitants. Seulement, celui qui avait écrit la légende refusa de céder le manuscrit original, avant de s’enfuir dans quelques contrées inconnues pour y perpétuer son histoire. Aujourd’hui encore, de rares individus la transmettent…

« On raconte qu’il y a plusieurs centaines d’années, un village nommé Albert Town a été visité par le diable en personne, sous la forme d’un vieillard s’aidant d’une canne pour marcher. Parcourant la rue principale, les habitants le virent progresser, et se mirent à le suivre inconsciemment. Il y avait en tout 409 âmes résidentes à Albert Town, et toutes entourèrent bientôt le diable à la limite du chemin, devant le lac. Là, le vieillard éleva la voix, une voix morne et rauque. Il commanda à la population de prendre les armes, sans poser de questions, et de s’attaquer aux églises du comté, les brûler, ainsi que leurs occupants. Le diable leur dit aussi que s’ils refusaient, il les submergerait tous dans les eaux glacées du lac, où ils trouveraient la mort. Alors les torches s’allumèrent, et on vit l’éclat rouge des flammes sur les fourches dressées. Cette nuit là, plus de vingt villages brûlèrent. Des mères de familles hurlèrent, voyant leurs enfants être décapités devant elles. Les maris criaient à Dieu de venger ses brebis. Mais il ne vint pas à leur secours. On dit même que lorsque les 409 habitants revinrent à Albert Town, le diable en personne prit peur devant leur puissance. Alors il déchaîna sur eux la colère du lac, et les maudits, avant de disparaître à tout jamais…»


Lucien (Conor Vrana) habite au 409, Chemin du Lac, dans le comté de Easternshire. Il est le seul à posséder une propriété sur les rives du Lac Albert, propriété qui lui a été cédée d’office à la mort de son vieux père. N’étant pas des plus riches, Lucien a donc gardé la maison malgré son isolement. Il avait quand même une magnifique vue sur le lac, et même un long quai duquel il pouvait pêcher. Mais ce qu’il préférait le plus, c’était les visions régulières qu’il avait, d’une belle et grande nymphe (Cristina Staite) au cheveux d’un noir de jais, qui l’attendait sur sa galerie, puis se dirigeait vers l’eau, tranquillement, avant d’y disparaître complètement sans créer le moindre remous. Jamais Lucien n’avait osé la suivre. Il serait stupide de se mouiller pour une illusion, d’autant plus qu’il ne savait pas nager. Alors il attendait, au bout du quai, toujours en vain, que la femme ne revienne.

Il ignorait la légende des 409. Il ignorait donc aussi que ce nombre, inscrit sur le côté de sa porte, n’était en réalité pas son adresse, mais l’indication formelle que les événements passés s’étaient déroulés directement à cet endroit. Il ignorait également que la malédiction lancée par le diable à la population d’Albert Town les condamnait à vivre éternellement, au fond du lac, et que le seul moyen pour eux de s’échapper était de trouver de nouvelles âmes, pour les remplacer dans les bas-fonds. Lucien était donc une cible de choix. Il ne serait pas le premier à y passer, pas le dernier non plus. Car le Lac Albert avait ses affluents, qui eux avaient les leurs, et ainsi le monde entier était à la merci des 409. Mais il leur fallait bien choisir leurs proies, et les endroits où les attaquer, afin de ne pas être découvert. Une malédiction planait sur eux, après tout. C’est pour cette raison que certains explorateurs disparaissaient sans laisser de traces dans des endroits reculés du monde, et que les riverains des grands fleuves, eux, ne couraient aucun risque.

C’était la décision du chef, celui qui avait été maire d’Albert Town, que l’on nommait Altir le Vert (Raoul Tilford). Maintenant, ce dernier souhaitait vivement rencontrer Lucien; échanger quelques mots avec lui, puis prendre enfin congé du monde. La nymphe trouvait là son rôle d’enjôleuse, bien qu’elle ne devait rien en retirer. C’était sans compter la présence d’un autre pouvoir séducteur, Sally (Elaine Lynch), qui elle ne désirait pas voir le plan des 409 se réaliser. Et elle était la nouvelle arme de son père…