Depuis trois jours maintenant s’abat sur cette campagne reculée une pluie torrentielle. Un temps à ne pas mettre un chien dehors. Au milieu de vastes champs de maïs, une maison isolée, jaunit par le temps, qui semble sortir tout droit de la terre, comme une fleur que l’on eut plantée là, soigneusement arrosée et entretenue, puis abandonnée au bout d’un certain temps. Une route unique, traversant les champs par le centre dans un parcours rectiligne et monotone, relie l’habitation au reste du monde. Mais le monde, tant par l’est que par l’ouest, se situe à une distance infranchissable, à moins que de posséder une de ces machines capables d’avancer d’elle-même à de grandes vitesses. Dans la longue cours comme dans le garage adjacent la maison, il n’y a ni machine, ni carriole, ni chevaux.

Au pied de la porte, parfois pleurant, parfois criant, demandant pitié et maudissant à tout vent, se trouve un homme désemparé. Un loquet soigneusement verrouillé, des volets fermement clos et un canon bien chargé le retiennent à l’extérieur depuis trois jours, par cette pluie démentielle d’un froid saisissant. À l’intérieur du bâtiment bicentenaire, une femme, en colère. Révoltée par une soudaine impulsion de ce monde dans lequel elle se doit d’être soumise, elle avait volé à l’homme de la maison son précieux fusil à long canon, promettant dans faire usage si celui-ci ne quittait pas les lieux dans l’heure. À son tour révolté de la manigance de sa femme, le chef de famille avait tenté de la remettre au pas. En retour de cette tentative était partie une balle.

Aujourd’hui, cela fait trois jours que cet homme à l’éducation catholique gît sur la galerie du seul endroit à de nombreux kilomètres à la ronde possédant un toit. Se refusant maintenant à baisser sa garde et abandonner son pouvoir d’homme, il décide d’user de la seule arme qu’il lui reste, son discours. Il lui faut convaincre cette femme rebellée que le système patriarcal est commandé par Dieu lui-même, et que le contester la mènera en enfer. Soudainement fier de sa personne, l’homme se lève, et debout devant sa porte, entame la plus grande lutte de sa vie, une lutte pour le maintien du pouvoir par le sexe dominant.

La femme elle, n’a cependant rien a perdre, et tout à gagner. Elle est désormais maîtresse de maison, et entend bien le rester.