Affolée, Ludivine (Moemie Takano) arriva en courant dans le hall de l'hôpital et se dirigea vers l'accueil derrière lequel se tenait une jeune femme. On l'avait appelée une dizaine de minutes auparavant pour lui signaler que son petit ami, Edouard (Raoul Torkildsen) avait été admis aux urgences dans un état grâve, après avoir été roué de coups par un groupe de supporters.

Depuis longtemps, elle avait craint que ceci n'arrive. Depuis qu'il avait pris un abonnement au Parc des Princes, elle s'inquiétait à chaque fois qu'il partait voir un match, ne sachant pas comment la soirée allait se terminer. Ce n'était pas la seule chose qui l'inquiétait d'ailleurs. Le comportement d'Edouard également, qui petit à petit, depuis trois ans, parlait de plus en plus violemment dès qu'il abordait le sujet du football, lui faisait peur. Elle n'aimait pas ce qu'il était en train de devenir. Au départ, ce n'étaient que des boutades lancées envers les supporters adverses et les joueurs de l'équipe, puis petit à petit, ces mots étaient devenus de plus en plus incisifs, et dérangeants. Il lui arrivait même d'avoir des propos racistes à l'encontre même des joueurs de sa propre équipe.

On lui indiqua le service où Edouard avait été admis, et Ludivine traversa les couloirs blafards en direction du service de neurologie. Elle aperçut alors cette silhouette, assise sur une chaise dans le couloir, le dos courbé, la tête tenue entre les mains, le regard tourné vers le sol.
Matthieu (Tristan Mirren), le meilleur ami d'Edouard, qui était avec lui à chaque fois qu'ils se rendaient au stade, restait là, immobile, fixant le carrelage, l'esprit dans le vide. Ludivine s'assit à côté de lui, et posa doucement sa main sur son épaule. Il releva la tête, les yeux remplis de larmes, et tourna le regard vers la jeune fille. En l'apercevant, il s'effondra, et prit Ludivine dans ses bras. "Je suis désolé". C'est tout ce qu'il arrivait à lui dire, et il le lui répéta plusieurs fois.

Comme à leur habitude, Edouard et Matthieu s'étaient rendus ce soir là au match de leur équipe, vêtus de leurs tenues de supporters. Plus motivés que jamais, ils étaient sûrs que leur équipe gagnerait son match à domicile cette fois-ci. Ils n'accepteraient cette fois-ci aucune erreur du club. Cela faisait trop longtemps qu'ils enchainaient les déceptions, et ils voulaient enfin voir l'équipe sortir la tête de l'eau.
En rentrant dans les tribunes, les deux jeunes hommes furent comme à chaque fois envahis par l'ambiance qui se dégageait. Les cris des supporters résonnaient déjà dans tous le stade, et déjà le ton montait entre ceux des deux équipes adverses. Ils allèrent s'asseoir à leurs places réservées, et se préparèrent à assister à un spectacle enfin réjouissant pour eux. Au bout d'un moment, les joueurs entrères sur le terrains, sous les acclamations et huements des différents spectateurs, et le coup d'envoie fut lancé.

L'activité de l'hôpital empéchait Ludivine et Matthieu de s'endormir. Edouard était encore en salle d'opération. Quatre heures déjà ! Cela faisait quatre heures qu'il y était. Ils ne savaient quoi penser. Etait-ce bon ou mauvais signe ? Des bruits de talons résonnèrent alors sur le carrelage, et les deux jeunes relevèrent la tête dans leur direction. D'un pas soutenu, Nelly (Jeanne Henriksen), la mère d'Edouard, arrivait vers eux, les yeux rougis.
Elle demanda des nouvelles, mais ils n'en avaient pas. Elle s'effondra alors sur une chaise, et éclata en sanglots. Elle venait de faire quatre heures de route depuis chez elle pour venir auprès de son fils, la seule famille qu'il lui restait depuis le décès de son mari, d'un cancer, trois ans plus tôt. Elle ne voulait pas rester seule, elle ne voulait pas perdre son fils.

Assises les unes à côté des autres, en silence, dans ce couloir blafard, trois personnes souffraient pour une quatrième. Trois personnes qui risquaient de perdre beaucoup à cause d'un match perdu.
En se tenant toujours la tête entre les mains, Matthieu repensa alors à cette soirée qui avait si mal tourné, à ce moment où tout avait changé, quand le ballon s'était engouffré au fond des buts de leur équipe. Ce silence bref durant lequel la haine avait envahi le coeur de toute cette tribune, qui déjà se préparait à ce qu'ils allaient faire à la sortie.
Il s'apercevait seulement à présent de la bêtise de tout ceci, du peu d'importance de cette défaite face à ce qu'ils risquaient de perdre à présent.

Ce moment, où tout avait changé...