Village de Wiezkorek, Pologne - 1944  

"Un deux trois, le loup est dans le bois..."  

Anet (Estelle Camacho) se berce doucement en cette fin d'été sur la balançoire que feu-ses parents avaient installée. Au-dessus d'elle, le ciel splendide et les arbres bruissent que la vie, malgré tout, est belle.  

Quand la vieille Magda vient la trouver à l'orée du village, elle est presque assoupie. Magda revient de Poniecz, autre petit village somnolent de fatigue en cette saison : les moissons seront bientôt finies et une fois de plus, les femmes fêteront l'événement sans leurs maris, partis au front. Anet, elle, n'a plus de famille. Du moins aimerait-elle le croire...  

Mais Magda ne revient pas qu'avec ses potins habituels. Cette petite grand-mère indigne annonce le retour des "garçons" en permission, télégramme à la main et toute joyeuse de l'annoncer au reste de la communauté.  

Anet l'interrompt : les soldats sont-ils listés ? La réponse est oui. Son demi-frère Valran (Ronald Martinez) y figure-t'il ? Oui, là encore.  

De grandes réjouissances s'annoncent. De grandes réjouissances pour tous, sauf Anet.  

Valran : que n'aurait-elle donné pour qu'il reste sur le front, qu'il périsse gelé quelque part, qu'une balle perdue lui traverse la boîte cranienne et en finisse avec lui...?  

Valran. Demi-frère débile, brutal et incestueux.  

"Il" revenait : la plus grande guerre de l'Histoire ne l'avait pas terrassé - pire encore, il revenait en vaincu - car au fond d'eux-mêmes, les gens sentaient que ce conflit s'éternisait et que la cause que le Reich avait imposée était vouée à l'annihilation. Les villages de la région avaient collaboré de bonne grâce avec les nazis pour préserver leur tranquillité - sacrifiant une partie de leur jeunesse à la conscription "légitime" des vainqueurs.  

Valran était parti la fleur au fusil, non pas enrôlé de force comme les autres mais volontaire, motivé par la mauvaise lueur de ses yeux : chaque missive qu'il lui adressait égrenait ses abominables "états de service" et "faits d'armes", faisant état de son insolente réussite hiérarchique. Elle avait fini par brûler toute sa correspondance.  

C'est à ce moment que les lettres s'étaient taries. Elle avait cru à un miracle, à la fin du calvaire, à sa disparition. Il y a un an de celà.  

Mais non - il revenait. Gradé. Sur la défensive. Il voudrait se venger de tout et de ses ennemis mais ne le pourrait pas. Alors, comme d'habitude, il se défoulerait sur elle.  

Elle ne voulait pas que ça recommence.  

(Script original)