Mars 1880,

Dans une vieille maison en rase campagne, une femme souffre. C’est son quatrième enfant, pourtant jamais la douleur n’a été aussi vive, aussi cruelle. Son mari s’inquiète, installé dans un fauteuil du 19ième siècle, regardant d’un œil intéressé la sage-femme et le docteur faire tout en leur possible pour soulager la pauvre dame et sauver le poupon. Les autres gamins ne saisissent pas vraiment la situation. Ils courent, bêtement, poussant des cris de plus en plus énervants, jouant à la cachette bruyamment. La mère, agonisante, perd le contrôle d’elle-même. Agacé par le bruit, elle empoigne l’objet le plus près de son lit et le lance en direction de son plus jeune fils, qui le reçoit à la tête, et s’effondre, inconscient. Fâché par l’événement, le mari se lève et invective sa bien-aimée, qui sent alors la force la quitter, définitivement, sous le poids de la peine. Le docteur regarde l’homme, et lui tend sans cérémonie un petit être gluant, dégoûtant de laideur. C’est une fille, et déjà, elle a deux morts sur la conscience…

1900,

Dans les faubourgs de Londres, Elizabeth vient de provoquer la mort pour une troisième fois. Elle n’a jamais accepté les insultes, depuis que son père l’a abandonnée dans une ruelle de la ville, la maudissant pour tout, pour son apparence hideuse, son caractère mauvais et grossier, pour avoir tué la femme de sa vie et son fils le plus prometteur. Elizabeth avait pris à l’époque ces accusations stoïquement, regardant son père dans les yeux, évitant d’afficher la moindre peine, qu’elle ressentait néanmoins en son fort intérieur. Aujourd’hui, la jeune femme a cédé à une impulsion. Le cordonnier, en s’attaquant à la difformité des pieds de sa cliente, a fait une erreur de jugement, ignorant à quel point ce simple détail agaçait déjà Elizabeth. Le misérable gît à présent dans son propre sang refroidi, avec ses airs de grand bourgeois, et la meurtrière, elle, vit toujours, avec sa laideur infâme, sa pauvreté immense. Craignant d’être prise sur les lieux, et de finir sa vie dans un trou à rats, Elizabeth prend la direction de la campagne, avec en tête une résolution ferme : acquérir une fois pour toute la beauté qui lui manque tant, peut importe le moyen; et si cela doit s’avérer impossible, faire en sorte d’être malgré tout la plus belle d’Angleterre.

Sur une haute colline d’une région épargnée par l’ère industrielle, Elizabeth décide de s’installer, pour de nombreux jour. Là, elle peut en paix invoquer tous les mauvais esprits que ses mauvaises expériences lui ont fait connaître par le passé. Elle jure alors fidélité aux dieux les plus noirs, hurle dans la nuit ses désirs les plus chers et sa fureur la plus folle, dans l’espoir que la beauté lui soit accordée. Mais rien n’y fait, malgré des heures et des jours d’effort. Pire encore, à force de baigner son visage dans d’étranges concoctions aux effets soi-disant magiques, elle a désormais un teint blafard effroyable, qui sous la lumière des étoiles la rend fantomatique, mais guère invisible, à son grand malheur.

Une nuit, Elizabeth décide de retourner à Londres, sans idée précise en tête, guidée par son vil instinct. C’est alors qu’elle aboutit dans une ruelle où se trouve un groupe de femmes, de belles femmes, réunies près d’un magasin. À son passage, elles se retournent toutes, certaines affichant un air franchement dégoûté, d’autre apeuré. Le mot «sorcière» se fait même entendre parmi leur commérage sans intérêt.
Empli de rage envers tout, motivé par ce nouvel affront, Elizabeth décide de mettre à exécution le second plan de sa résolution, se disant en elle-même : «ces femmes qui parlent seront bientôt aussi tourmentées par la laideur que moi…»

(Titre repris de la chanson Beneath the Howling Stars du groupe anglais Cradle of Filth)