Ce n'est pas tant la gite de l'avion qui avait impressionné Karen Ann (Virginia Kwiat) que l'immense aile en feu qu'elle pouvait entr'apercevoir de son hublot.  

L'immense TransOceanic T544 de la compagnie NavWest piquait dangereusement du nez et la confusion parmi les passagers n'aidait pas à y voir clair.  

Le vol était parti de New-York City quelques heures auparavant, direction Porto Rico. C'était une ligne assez fréquentée, et une destination prisée ces dernières années - pour Karen une manière de sortir du smog de la métropole et de se ressourcer auprès de ses amis qui l'attendaient là-bas.  

Cette fois elle en était sûre : le grand oiseau de métal, blessé, perdait de l'altitude. De la vitesse aussi, peut-être ? Les masques à oxygène étaient tombés mais Karen, à la différence de beaucoup de gens, ne s'en était pas encore emparée spontanément.  

Assez curieusement, les choses avaient l'air de se dérouler au ralenti depuis qu'elle avait bouclé sa ceinture. Connaissait-elle une forme d'ivresse dûe au manque d'oxygène ? Ridicule : si elle risquait sa vie, pourquoi n'avait-elle pas eu le même réflexe de survie que ses congénères ?  

Le sol se rapprochait.  

....  

"- Qui êtes-vous ? Vous souvenez-vous de votre nom ?"  

L'homme s'exprimait avec un accent d'Europe de l'Ouest.  

"- Mon nom est Karen Ann, je suis Directrice d'Exploitation au sein d'une compagnie pétrochimique. J'ai deux enfants et je crois en notre Seigneur Jésus-Christ... Et vous ?"  

Le couple était sur une plage de carte postale. Les vêtements en lambeaux.  

"- Je suis Yusef Grigorcewicz, (Carsten Bova) citoyen américain. En vacances jusqu'à il y a trois heures ? Est-ce que vous avez mal quelque part ?"  

Non. Tout semblait aller bien, elle pouvait marcher - c'en était même miraculeux, pas même une égratignure. Yusef, qui l'aidait à se relever, avait eu moins de chances : contusions, bleus, plaies et bosses constellaient son corps d'athlète et son beau visage.  

"- J'aurais du mettre ma ceinture, j'ai du faire un vol plané et je suis tombé."  

Il s'était réveillé sur cette même plage, à une centaine de mètres d'elle.  

Autour d'eux, aucune trace de l'avion ou d'êtres humains. Karen Ann se rappelait du pilote de Lost, Yusef du Lagon Bleu.  

Ensemble, ils devaient rester silencieux quelques minutes sur cette plage, le visage vers l'océan, bercés par les embruns et la végétation ambiante.  

Une impulsion devait pousser Karen à prendre la main de Yusef. Il fallait bouger.  

Quelques instants plus tard, trois individus arrivaient sur la plage. Trois ombres grotesques dont les vêtements et le matériel résonnaient comme une ode à la démence.  

S'agissait-il encore d'humains ? Difficile à dire : l'un d'entre eux arborait une tête de lézard ornée d'un monocle et, si elle n'avait pas été habillée, on aurait juré que sa silhouette présentait des traits simiesques. A sa gauche, celle qui les dirigeait avait le visage et le corps avenants d'une jeune femme (Francesca De La Boulaye) : n'eussent été son troisième oeil fiché sur le front et ses ailes de chauve-souris, on aurait pu lui tenir conversation. Le troisième enfin, ressemblait au croisement improbable entre un cafard et une mante religieuse, émettait d'étranges sons et n'arrêtait pas de tourner autour de l'endroit où Karen s'était réveillée, quelques instants auparavant. Tous trois étaient lourdement armés de filets et de ce qui ressemblait à des revolvers.  

Tous trois arboraient des costumes étincelants de Waffen SS.  

Cachés dans un buisson à l'écart, enfoncés dans la forêt, Karen et Yusef ne pipaient mot, observant la scène à couvert, les yeux exhorbités et la bouche pendante...  

(Script original)