Albert Town, hiver 1996.  

La créature ne se contrôlait plus d’elle-même depuis quelques jours déjà. Son maître usait de tous les artifices pour la calmer, mais il savait que son pouvoir serait bientôt surpassé, et que cela finirait mal, pour lui et l’humanité. Il n’avait néanmoins aucun regret. Son cœur lui empêchait de détruire cette entité qu’il avait appris à aimer, après l’avoir libérée de ce monde où elle était séquestrée depuis tant d’années. La créature prenait désormais une forme humaine, la forme d’une femme, comme toutes ses semblables à avoir foulée la surface de la terre auparavant. Mais les jours passant, sa véritable nature prenait le dessus sur les enchantements de son libérateur, car sa soif de sang ne pouvait être rassasiée et aucune magie ne pouvait la lui faire oublier éternellement.  

Dissimulé dans les bois en bordure du village d’Albert Town, l’homme tentait de déchiffrer un très vieux manuscrit dans lequel il espérait trouver une solution pour sauver la captive de son malheureux sort. Ce manuscrit rapportait une ancienne légende médiévale qu’il pouvait aisément associé à la créature découverte sur les rives du Lac Albert. Il l’avait trouvé dans les fondations d’un manoir abandonné, autrefois habité par des adeptes du satanisme qui accumulaient dans leur cave des objets ayant des liens rapprochés avec le diable et sa possible présence sur terre. Lui-même attiré par les forces maléfiques, l’homme s’était rendu à l’endroit exact où le diable avait autrefois, selon les écrits, condamnés une population entière à un terrible châtiment, la forçant à vivre éternellement sous les eaux d’un lac, sans espoir de salut pour les âmes qui la constituaient. Depuis combien de temps l’attendait la créature maudite, l’homme n’aurait su le dire, mais il lui était immédiatement apparu évident que celle-ci implorait son aide, ce à quoi il s’était vu incapable de refuser.  

L’ancien manuscrit ne révélait que peu d’information sur la véritable nature de la malédiction, et encore moins sur un possible moyen de la contrer. Des feuilles volantes, apparemment rajoutées beaucoup plus récemment, décrivaient cependant comment certaines personnes avaient mystérieusement disparu de la surface de la terre après avoir suivi aveuglément des déesses surgit du néant pour les attirer dans les eaux du lac. À voir la créature qu’il détenait sous sa forme humaine, l’homme pensait bien qu’il s’agissait d’une de ces déesse-appâts, mais ne comprenait pas pourquoi elle avait refusée de jouer son rôle avec lui. Maintenant épris d’amour et de pitié pour elle, il hésitait entre la relâcher sur le village ou la renvoyer sous les eaux, car plus les jours de ce morne hiver avançaient, plus la femme manifestait son besoin d’assouvir sa soif sanguinaire. Étant toujours sous le coup de la malédiction, elle ne pourrait continuer à vivre dans le monde réel qu’en se nourrissant constamment des âmes des autres, ce qui finirait par la mettre en danger, ainsi que l’humanité entière.  

Poursuivant ses recherches occultes, l’homme découvrit enfin qu’il était possible d’enclencher des pourparlers avec le diable en personne, et qu’en de rares occasions, celui-ci se montrait clément envers une de ses victimes, acceptant de la libérer d’un châtiment en échange de services. Pour le convoquer sur terre, les textes affirmaient qu’il ne suffisait que de commettre un acte vil et cruel tout en adressant sa requête aux enfers.  

Sa décision était maintenant prise. Dès le crépuscule, l’homme relâcherait la bride de la créature maléfique, la laissant désormais agir à sa guise. Il ne doutait pas que les habitants d’Albert Town en subiraient de terribles conséquences, mais c’était le prix à payer pour racheter l’âme de la femme qu’il aimait éperdument. L’homme ignorait cependant de nombreuses choses sur la nature du mal, mais il n’allait pas tarder à les apprendre…  

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L’homme : Romain Martin  

La créature : Hilary Pullman  

BO du film : Unbridled at Dusk – Cradle of Filth