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Walken Production présente
La Rançon

Un jour, quand j’avais sept ou huit ans, j’ai surpris ma mère et mon père qui parlaient de me tuer. Elle voulait m’étouffer avec mon oreiller pendant mon sommeil, puis m’enterrer dans la cour en attendant. Lui disait qu’il préférait me noyer dans le petit lac à l’arrière de la maison, en m’attachant des briques aux chevilles et en me jetant à l’eau depuis le quai. Ils discutaient ferme mais n’élevait pas la voix. Ils ne s’attendaient pas à ce que je revienne de l’école aussi tôt. J’ai longuement écouté leur conversation et j’en suis arrivé à la conclusion que, peu importe de quelle façon, mes parents m’élimineraient la fin de semaine venue. À aucun moment je ne les ai entendus parler du pourquoi. Je savais que je n’étais pas une gamine facile. Je salissais souvent la maison en y ramenant des créatures que je trouvais sur les berges du lac et je me battais parfois avec mes camarades de classe. Mais je ne comprenais pas pourquoi mes parents que j’aimais ne voulaient plus de moi.  

 

Je ne me suis pas enfuie. C’eût été lâche de ma part, et je n’avais nulle par où aller. J’ai passé deux nuits à dormir paisiblement. Je n’avais pourtant pas oublié ce que j’avais entendu. J’étais seulement décidée à n’affronter mon destin que lorsque celui-ci se dresserait devant moi. Le vendredi soir, je me suis couché vers neuf heures. Ma mère est venu me border et m’a embrassée sur le front, comme toujours, avant de quitter ma chambre. Le sommeil s’est emparé de moi presque immédiatement. J’ignore combien de temps j’ai dormi avant que le coussin ne s’abatte sur ma figure avec violence. Je sais par contre que les bras qui me maintenaient en place étaient bien plus forts que les miens. J’ai sombré dans l’inconscience plus rapidement que je ne l’avais imaginé.  

 

L’eau glaciale m’a tirée de ma torpeur pour me plonger dans l’effroi. Une force irrésistible m’entraînait vers le fond du lac dans lequel je me baignais si souvent auparavant. Pieds et mains liés, il était vain de résister. Alors, un éclair de compréhension m’a frappée. J’ai compris que je venais tout juste d’affronter mon destin, de le détourner courageusement. Je ne devais pas mourir. Je savais tout. Je devais m’être enfuie, avoir élaboré un plan pour survivre à l’attaque de mes parents. Mais je n’en avais rien fait. Tranquillement, j’ai ouvert ma petite bouche et, fermant les yeux, aspiré la plus grande quantité d’eau que mes poumons pouvaient contenir.  

 

Je suis morte.  

 

***  

 

Une rançon. Voilà ce que j’étais. Ce que je suis.  

 

En échange de la vie d’un de mes parents, je devais être sacrifiée au lac. Cela a pris du temps mais je comprends aujourd’hui toute l’étendue de leur lâcheté, de leur stupidité. Mon ami m’a expliqué longuement que tuer son propre enfant pour sauver sa vie est l’un des gestes les plus affreux que l’on puisse commettre en tant qu’humain. Étrangement, j’avais d’abord été ravie de m’être laissé mourir en apprenant que j’avais ainsi sauvé la vie de mon père ou de ma mère. C’était bien avant que je ne saisisse pleinement la situation dans laquelle je m’étais ainsi retrouvée. Mon ami m’a beaucoup aidé à surmonter la douleur que m’occasionnait ma nouvelle existence. Il m’a entre autre appris qu’il valait mieux que je ne me laisse pas emporter par des sentiments de haine ou un esprit de vengeance. Parmi tout ceux qui vivent avec nous, il est l’un des rares à prodiguer pareil conseil. Il est aussi l’un des plus anciens à vivre encore ici. En vérité, il était là dès l’origine. Il dit que jamais il ne partira, et son courage m’émerveille.  

 

Je sais tout du monde. L’eau me raconte ce qu’elle voit, entend et ressent. J’ai d’abord eu honte de m’être baignée nue dans le lac étant enfant, mais l’eau m’a rassurée. Elle ne se préoccupe pas de tels détails. J’ai appris cependant que mes parents ont quitté la demeure familiale quelques mois après ma disparition, apparemment accablé d’une terrible tristesse. Rares sont les indices qui me permettraient de les retracer. Je les soupçonne d’être allé se réfugier dans un désert et d’y avoir fondé une nouvelle famille. Grand bien leur fasse. Il est seulement dommage que j’aie besoin d’eux pour réaliser mon projet.  

Je veux recouvrer ma liberté. Retourner vivre à la surface avec mon seul ami. Il se dit bien ici mais je sais que c’est faux. On ne peut se trouver bien dans un endroit pareil, pire que la mort et l’Enfer. Parlant d’Enfer, c’est précisément là que je devrais me rendre, pour négocier ma libération avec le maître des lieux. On dit que nulle porte n’y donne accès, et que seul le diable et les âmes damnées peuvent franchir l’espace entre l’Enfer et le monde des hommes.  

 

Mes parents me doivent un petit service. J’espère bien que l’un d’eux consentira à parler en mon nom et en celui de mon ami devant ce cher vieux Diable, lorsque je les aurai moi-même retrouvé, là où ils se cachent…  

 

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Narratrice : Heather Bremner  

L’ami : Sean Tager  

BO du film : My Journey to the Stars - Burzum  

Scénario : (3 commentaires)
une série Z fantastique de Virginia Reviglio

Sean Tager

Heather Bremner
Sorti le 08 juin 2013 (Semaine 440)
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