"Saleté de temps de merde ! Mes pompes !"  

En entrant sur le terrain, le lieutenant Alain Duperey (Patrick Lassek) n'avait pas pu s'empêcher de pester contre le temps. Depuis deux jours, la pluie tombait sur la ville sans discontinuer. Avec un temps pareil, il serait bien resté dans son bureau à attendre le dépôt de plainte d'une vieille dame dont le chien s'était échappé du jardin mais qui serait persuadée de son enlèvement, ou la déclaration de vol d'un pauvre type ayant tellement picolé la veille qu'il ne se rappellerait plus de l'endroit où il avait abandonné sa voiture.  

Au lieu de ça, cette satané supérieure l'avait convoqué pour qu'il se rende au plus vite au Stade de football où un jeune joueur prometteur avait été retrouvé mort sur le banc de touche, en plein match.  

"Encore un saleté de sportif doppé qui a trop abusé de la picouze !"  

Pour arriver sur les lieux, Duperey avait du garrer son automobile à plusieurs patés de maisons du stade, toutes les rues allentours ayant été envahies par les supporters venus nombreux assister à ce match de fin de saison. Un match important, si l'inspecteur en jugeait des articles paru le matin dans la presse locale, car une victoire de l'équipe receveuse la mènerait en division supérieure.  

Et comme si traverser à pied tout ce quartier sous cette pluie ne suffisait pas, en plus de la douche, Duperey avait du prendre un bain de foule, en traversant les supporters furieux qui avaient été évacués par la police lorsqu'on avait découvert la mort du joueur.  

"Foutus décérébrés qui n'ont rien d'autres à fouttre que de passer deux heures sous la pluie à regarder des abrutis courir après un balon !"  

Arrivé sur le banc de touche, l'inspecteur fut accueilli par ses collègues déjà sur place. Après avoir essuyé ses chaussures du mieux qu'il avait pu, et avoir jeté sa cigarette en pestant contre la pluie qui venait de lui gâcher l'unique plaisir qu'il pensait trouver sur place, Duperey se pencha sur le corps de Raoul Florent (Tristan Mirren). A priori, aucune trace de coup, que ce soit à l'arme blanche ou avec l'aide d'une arme à feu. L'autopsie révèlerait s'il avait été empoisonné ou pas.  

En attendant, Duperey allait devoir inspecter la zone où se trouvait le corps, à la recherche d'un quelconque élément, mais dans cette boue, il allait être difficile de trouver quoi que ce soit. Comme il s'en doutait, il ne trouva rien de significatif, si bien qu'il s'approcha ensuite des deux femmes qui attendaient à l'entrée des vestiaires, à l'abri, accompagnée d'un policier et d'un psychologue qui s'occupait d'elles.  

"On va interroger les pleureuses, même si elles n'ont sans doute rien de particulier à dire"  

Anette Florent (Barbara Johansson) tenait encore debout, mais menaçait de s'évanouir à n'importe quel instant. Le choc avait apparemment été terrible. Perdre ainsi son unique fils, alors qu'elle avait perdu son époux un an plus tôt, voilà une situation que personne ne devait lui envier. Pourtant, deux ans auparavant, nombreuses auraient été les femmes à souhaiter être à sa place.  

Riche industriel, Pascal Florent avait fait fortune dans le transport de marchandises par bateau. Parti de rien, il avait démarré en créant une petite société de transport dont il était le seul employé, armé d'un vieux fourgon qu'il avait acheté à crédit, et au fil des années, il avait développé son commerce jusqu'à créer une société de transport international. La petite maison avait été remplacée par une immense villa avec piscine, et les vieux vêtements par un costume sur mesure.  

Mais voilà un an, l'homme avait été retrouvé mort dans son bureau. Une crise cardiaque, c'était ce qu'avait conclu les médecins. L'homme avait succombé alors qu'il était en train de faire les comptes de son entreprise. Un comble.  

Anette Florent n'avait rien de particulier à dire à propos de son fils. Il n'avait aucun ennemi, et avait une qualité de vie irréprochable. Depuis qu'il avait décidé de tenter sa chance dans le milieu professionnel du football, malgré toutes les tentatives de son père de l'empêcher de faire ceci, lui préférant une vie comme la sienne, Raoul avait tout fait pour être au plus haut, mais sans jamais tomber dans le piège du dopage.  

C'était en tout cas les dires de la mère du défunt. Le légiste le confirmerait ou l'infirmerait bientôt.  

"Et maintenant la veuve ! La pauvre va me dire à quel point elle l'aimait, et blablabla..."  

Florence Gicquel (Annie Van Handenhove) était avec Raoul depuis plus de trois ans. Les deux jeunes s'étaient rencontré au collège, et ne s'étaient plus quitté depuis. Plutôt fière d'être la petite amie d'une future star, elle l'avait toujours soutenu dans son choix, d'autant plus qu'elle savait que dans tous les cas sa mère serait là pour l'aider financièrement quoiqu'il arrive.  

Bizarrement, alors qu'elle répondait lassivement aux questions du lieutenant, celui-ci surpris plusieurs regardes de la jeune femme vers sa belle-mère, comme si elle attendait à chaque fois l'approbation de cette dernière avant de répondre. Sans doute de la paranoïa. Défaut professionnel.  

Le légiste allait faire enlever le corps, lorsque le lieutenant demanda à vérifier une dernière chose avant qu'il s'en aille. Une dernière fois, il examina le corps à la recherche d'un quelconque indice. Mais il n'y avait rien. L'affaire allait sans doute rapidement être classée. Ce n'était pas le premier sportif qui était mort "dans l'effort", et ça ne serait sans doute pas le dernier.  

A moins que...  

Cette petite tâche sur la nuque du défunt intrigua Duperey. De quoi s'agissait-il ? On aurait dit une perle de sang, de la taille d'une aiguille.  

Alors qu'il relevait la tête, le lieutenant surpris le regard inquisiteur de la mère. Décidément, celle-ci avait quelque chose à cacher.  

"Pfff, fréquenter les bourgeois et les footeux, j'avais bien besoin de ça, moi !"