On dit que toute notre vie défile devant nos yeux au moment de notre mort. Je n'y croyais pas, et pourtant...  

Cela faisait déjà cinq ans que je vivais tranquillement dans le sud de la France, sous une nouvelle identité et il faut avouer que jusque là, la protection des témoins du FBI fonctionnait plutôt bien. J'avais dit adieu à Anthony Bernudi pour devenir François Féreau, ouvrier dans une usine alimentaire. Une vie banale peut-être, mais une vie tout de même. C'était toujours mieux que de croupir au fond d'un trou creusé dans une carrière et rempli de béton.  

Car c'était ce que m'avait promis mon oncle Roberto (Ronald De La Boulaye) à l'époque de ma trahison, et c'est de très peu que j'avais échappé à la mort. Mon seul et unique regret était de ne jamais avoir su ce qui était arrivé à ma fiancée Emily (Alice Adéessel), elle qui n'était au courant de rien à propos de mes agissements et que j'avais du abandonner derrière moi lors de ma fuite. Mon oncle l'avait-elle laissé tranquille ? Je n'en savais rien, et le FBI m'avait bien fait comprendre qu'il ne fallait en aucun cas chercher à le savoir.  

Or aujourd'hui, alors que je m'occupais de mes orthensia, dans le jardin ensoleillé de ma nouvelle habitation, j'ai apperçu cette ombre dans les branchages, et cette lumière rouge sur ma poitrine. J'ai immédiatement compris quelle était la situation. Ils m'avaient retrouvé et m'avait envoyé un de leurs sniper, je n'y échapperais plus. Je les attendais. J'aurais même pensé qu'ils auraient été plus rapide.  

Et c'est à ce moment là que ma vie a redéfilé sous mes yeux, ou tout du moins les deux dernières années qui précédèrent mon départ pour la France...  

J'avais seulement vingt sept ans à l'époque, et je commençais à me faire une petite réputation dans le milieu de la Mafia de Boston. Dès que mon oncle avait besoin de faire comprendre clairement à un "client" quelle était l'importance de sa protection dans le quartier, il m'envoyait, accompagné de quelques hommes, pour bien lui rentrer ça dans le crâne. On m'avait surnommé "Tony les deux poings" (Lawrence Martinez) pour cette raison.  

J'étais entré dans la mafia par obligation. Toute la famille vivait grace à elle et à mon oncle, et mon père avait tenu à tout prix à ce que je devienne un membre important de la Famille. Roberto n'avait pas d'enfant, et ne pouvait pas en avoir. Mon père espérait ainsi pour moi que j'hériterais de "l'empire" de son frère à sa mort. En arrivant aux Etats-Unis, ma famille avait connu des moments difficiles, et avait du faire de nombreux sacrifices. Mais mon père avait toujours rêvé pour moi d'une vie plus facile.  

Avais-je donc eut le choix ? Je ne m'étais jamais vraiment posé la question avant ce soir là. A aucun moment je n'avais songé à faire autre chose auparavant. Ayant été élevé dans ce milieu, je suivais la voie logique qui avait été tracée pour moi.  

Mais chaque soir, alors que je retrouvais Emily comme si de rien n'était, lorsqu'elle était endormie, je revivais toute ma journée en serrant les poings et en me disant que je ne faisais que mon travail. Lorsqu'elle me posais des questions sur mon travail, je lui mentais. Je lui racontais que j'étais commercial, que je vendais des systèmes de sécurité, et j'utilisais des termes complexes pour lui faire croire que je disais la vérité.  

Jusqu'au jour où je n'avais plus réussi à m'en convaincre.  

Mon oncle m'avait envoyé régler le compte d'un patron de bar qui refusait de payer ses "côtisations". Le patron en question avait déjà été rappelé à l'ordre plusieurs fois, et cette fois-ci, Roberto m'avait prié d'en finir, pour montrer aux commerçants voisins ce qui advenait de ceux qui lui tenaient tête. Mon objectif était simple : il ne devait rester personne.  

Mais en arrivant sur les lieux le soir, un petit bar glauque et vide meublé de chaises bancales, il y eut un imprévu. L'homme que je venais voir n'était pas seul. Son frère était là, avec son jeune fils de sept ans. La situation m'avait alors échappé. Mon objectif était simple... Il ne devait rester personne...  

Durant les deux jours qui suivirent, le visage du petit garçon hurlant à la mort de son père, jusqu'à ce que je l'abatte à son tour, me hanta. Alors après deux nuits blanche, je me rendis jusqu'à un commissariat, loin de mon quartier, en m'assurant que je n'étais pas suivi, afin d'aller me dénoncer. Lorsque j'ai raconté mon récit à Elizabeth Granger (Joanna McClean), celle-ci refusa de m'arrêter, et me proposa autre chose en échange. Plutôt que de quitter le milieu, elle souhaitait profiter de ma situation pour infiltrer la Mafia et se renseigner sur les agissements de mon oncle.  

J'avais fini par accepter son plan, plutôt que de fuire immédiatement le pays avec Emily comme j'aurais pu le faire. Elizabeth m'avait promis de nous protéger tous les deux en échange.  

C'est alors que j'étais devenu une taupe dans ma propre famille, une taupe dont mon oncle se douta rapidement de l'existence, sans savoir exactement qui c'était, et sans se douter une seconde que c'était un membre de sa propre famille, celui qu'il voyait comme son futur successeur, qui le trahissait.  

Les deux années qui suivirent furent les pire de ma vie, celles qui défilèrent devant mes yeux alors que je sentais la mort venir. Ainsi, je les revivais une seconde fois...  

(Texte original, inspiré de la chanson "Repenti" de Renan Luce)