À l'intérieur des cercles de la folie.  

La forme se meut imperceptiblement sur une surface qui pue la pourriture. Impossible de percevoir clairement de quoi il s'agit. Si elle n'est pas humaine, elle tend assurément à en prendre l'aspect, à le devenir. Une forme abstraite de mutation apparaît indistinctement là où des écailles semblaient autrefois recouvrir la chose. Là se constitue lentement une sorte de peau blanchâtre, visqueuse, molle. Elle recouvre une chaire en putréfaction, la combat, la repousse profondément au coeur de l'être vivant qui commence à bouger plus vigoureusement, sur son perchoir d'immondices. Un sifflement se fait entendre, faible, puis de plus en plus strident, sans jamais discontinuer. Le sifflement se transforme en râle. Aigu, il prend lentement un ton de plus en plus grave et lourd. Un spasme secoue violemment le corps de l'être qui repose maintenant dans une position fœtale. Plusieurs convulsion le font se redresser vivement, alors que son dos prend la forme d'un arc sous la douleur. Le râle se transforme en hurlement qui se transforme en crachotement creux. La créature, calmée, lâche enfin son tout premier souffle...  

Avec soin, lenteur gracieuse et aérienne, la créature descend de son promontoire. Devant elle, des dizaines d'hommes et de femmes nus plongent leur tête dans un sol boueux, révérencieux. Certains ne parviennent pas à endiguer leur extase, leur esprit en ébullition qui hurle le premier souffle de l'Homme. Ils se retournent, visage vers le ciel, le corps secoué de tremblement d'une violence telle que leurs os se rompent et percent leur chair, s'élevant glorieusement vers l'infini, saluant dans un dernier tressautement les forces de ce monde qui ont donné naissance à la folie, à l'Homme qui souffle. Des cris déchirant s'élèvent dans la nuit, dans un crescendo harmonieux qui rythme l'entrée en transe de jeunes enfants, yeux percés, qui s'élancent dans les flammes, bras ouverts, en l'honneur de leur Dieu-naissant. Puis le silence reprend le dessus, car l'Homme qui souffle désormais marche, marche à travers ses adorateurs sans même leur accorder le moindre regard. Résolu, pas à pas, il rompt les cercles. N'écoute point les cris que les femmes lui lancent pour l'arrêter. L'Homme ne s'arrête pas. Il ne le fera, tant qu'il n'aura pas trouvé ce qu'il recherche. Libre à ces serviteurs de le suivre où qu'il aille, mais en aucun cas ils ne pourront l'empêcher de poursuivre sa quête.  

L'Homme qui souffle, lui, la créature immonde qu'il est, se cherche une mère. Et il la trouvera...