Il contemplait enfin la réalité telle qu’elle était vraiment. La connaissance suprême entrait en lui avec une telle force que son esprit ne semblait plus supporter d’être confiné dans sa simple enveloppe corporelle. Sa peau se déchirait lentement, découvrant ses muscles relâchés qui tombaient l’un après l’autre sur le sol, suivi de ses organes, de ses fluides et de ses os. La douleur qu’il ressentait à son arrivée s’était entièrement dissipée, et il flottait maintenant allègrement dans ce lieu céleste tel un ange au paradis, libre et heureux. Plusieurs jours s’écoulèrent durant lesquels il ne fit rien d’autre que de s’émerveiller devant la toute simplicité de l’univers, du cosmos. Il s’était imaginé, comme bien d’autre, un enchevêtrement si complexe de règles hiérarchiques que la conscience même de celles-ci le mènerait immédiatement à sa propre destruction. Ce n’était guère le cas. Une règle, toute simple et belle, liait entre eux tous les éléments, et leur permettait d’être. C’était aussi tellement plus logique…  

Si le Père Carl avait autrefois été l’Élu, il était aujourd’hui Dieu, l’Unique. Non pas l’Être suprême, et encore moins le Créateur, mais le seul devant qui la vérité s’était dévoilée sans aucune pudeur. Il possédait désormais l’atout essentiel qui lui permettrait de mener le monde, l’univers entier, dans la direction souhaitée par les siens depuis de longues années. Ils n’auraient plus besoin d’endormir leurs ennemis avec de savants textes culpabilisateurs. Père Carl veillerait désormais sur la bonne marche de leurs affaires, et ils le vénéreraient, lui, et pas l’autre, l’usurpateur, le maître de l’utopie. Le pouvoir changeait de main. C’était une nouvelle révolution, la dernière révolution…  

*  

Il contemplait enfin la réalité telle qu’elle était vraiment. La vérité le frappait de plein fouet et lui donnait la nausée. Père Carl l’avait trahi, insidieusement, en le convaincant de l’emmener jusqu’ici, en ce lieu béni, et maudit, que son ordre s’efforçait de dissimuler depuis la nuit des temps. Comment aurait-il pu savoir? Il portait la marque de l’Élu, cette marque que seul le Créateur pouvait transmettre. Le doute était impossible. Et pourtant…  

Il savait maintenant qu’il n’y avait plus d’espoir. Père Carl se ferait l’Unique. La Lumière du ciel s’éteindrait, et laisserait place à la domination de l’homme sur l’homme, dans un nouvel univers dirigé par un être qui ignorerait tout du Principe qui gouverne la Règle. Il voudrait évidemment accélérer les choses, sauter les lentes étapes mises en œuvre depuis des millénaires par ses aïeuls pour accomplir la mission divine, s’assurant ainsi la gloire éternelle. Ce serait alors la fin du monde tel que tous l’avaient connu. Les serviteurs du Créateur croiraient avoir accompli leur devoir, mais la connaissance suprême, elle, ne resterait toujours que l’affaire d’un seul être, l’Unique, Père Carl, qui l’a protégerait avec tant de ferveur qu’il préférerait la détruire plutôt que de la partager avec qui que ce soit.  

Père Simon, malgré la douleur lancinante qui l’affligeait, ne pouvait se résigner à la défaite en un moment si grave. Le lieu béni avait été profané une fois, il n’y aurait pas davantage de mal s’il le faisait lui aussi, dans un but noble digne de son ordre. Sa mission lui apparaissait désormais clairement. Il devait à tout prix découvrir la Règle, lui qui connaissait le Principe, et devenir à son tour l’Être Suprême, le Créateur… Dieu.  

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Père Simon : Patrick Lassek  

Père Carl : Patrice Maiseureu  

BO du film : Lost Wisdom - Burzum