- Boston, 2437 -  

Malgré l'heure tardive, la ville grouillait encore de passants qui allaient et venaient à travers les passerelles reliant les différents bâtiments les uns aux autres. Depuis plus de deux siècles, la lumière du soleil ne parvenant plus à traverser l'épaisse pollution qui avait recouvert la Terre, l'humanité s'était habituée à vivre dans une nuit éternelle, si bien qu'on trouvait du monde dans les rues à toute heure de la journée. Comme toutes les autres térapoles, Boston avait vu en un siècle et demi sa population se multiplier de manière exponentielle. Car désormais, les Hommes ne vivaient plus que regroupés dans des villes qui avaient grimpé dans le ciel, abandonnant la surface de la Terre qui sans le soleil était devenue un territoire de désolation.  

Reliées entre elles par la voie des airs uniquement, les villes n'étaient plus composées que d'immenses tours dont on n'apercevait plus la base, elles mêmes jointes les unes aux autres par des paserelles qui formaient une immense toile d'araignées à plusieurs niveaux. Dans ces immeubles s'entassaient hommes et femmes qui ne se nourissaient plus que d'aliments de synthèse.  

Au milieu de cette fourmilière volante, Derek Walton (Joel Weiner), un ancien flic mis à pied pour excès de violence, qui s'était reconverti en détective privé, avançait d'un pas mal assuré jusqu'à son bureau, situé au 18 476è étage de la tour Bellington, dans le quartier pauvre de Boston. L'esprit embrumé par l'alcool de synthèse qu'il avait ingurgité, il avançait sans but au milieu de cette population qui ne faisait plus attention aux autres autour d'eux.  

Là, un jeune homme montait sur le parapet d'une passerelle, et se jetait dans le vide, disparaissant dans les ombres des étages inférieurs, qui avaient été petit à petit abandonnés à mesure que les tours grimpaient, offrant aux plus riches des habitations les plus en altitude, sans que personne ne se soucie de son sort. Ici un vieillard tendait la main dans l'espoir d'obtenir un ou deux Crédits, la monnaie internationale, sans qu'aucun passant ne daigne même porter un regard sur lui.  

Ce paysage déprimait l'ancien flic qui s'interrogeait sur le but que pouvait avoir une vie dans un tel environnement. Arrivant enfin à son bureau, il poussa la porte du local qui lui servait également d'habitation. Dans la pièce principale se trouvait son bureau, derrière lequel trônait son vieux fauteuil faisant face aux deux chaises sur lesquels ses potentiels clients pouvaient s'asseoir, et dans un coin avait été poussé un vieux canapé qui lui servait de lit lorsqu'il ne s'endormait pas au bar. La petite pièce d'à côté était une minuscule salle de bain où il passait brièvement chaque matin, si on pouvait encore définir ce qui était le matin et le soir dans cette nuit constante.  

Jetant son manteau sur le canapé, et posant son révolver dans son tiroir, Derek versa un peu d'eau à la plante qui survivait à la lumière d'une lampe dont l'ampoule commençait à faiblir. C'était là sa seule richesse, une plante verte qu'il s'était acheté à l'époque où il était encore dans la police. Car celles-ci étaient rares, ce qui expliquait leur prix exhorbitant. Derek n'avait jamais voulu la revendre, malgré ses soucis d'argent, voyant en cette plante le symbole de ses derniers espoirs de survie. Se séparer d'elle reviendrait à abandonner définitivement tout espoir.  

Refermant le tiroir dans lequel il avait déposé son arme, un révolver à l'ancienne mode, loin de ces nouveaux fusils de nouvelle génération qui ne nécessitaient même plus de balles, il lança son répondeur pour écouter ses messages, dans l'espoir d'avoir enfin un client.  

La voix de Rebecca Laury (Gwendolyn Henriksen), son ex-collègue de la police, retentit alors. Comme chaque jour, elle l'appelait pour s'assurer qu'il allait bien. Depuis plus de six ans, elle continuaient de s'inquiéter pour celui avec qui elle avait partagé le terrain durant trois ans. Son seul message ce jour là encore. Derek se releva alors et alla s'affaler sur son canapé pour prendre un peu de repos.  

Lorsqu'on frappa à la porte, le détective privé s'était assoupi, et fut tiré de son sommeil par les bruits insistants. Après quelques secondes pour retrouver ses esprits, Derek se releva et alla ouvrir la porte. Une jeune femme se tenait debout devant lui, et demanda à lui parler. L'homme la fit alors entrer et asseoir devant son bureau. Il s'assit à son tour sur son fauteuil et chercha de quoi écrire parmi ses affaires. Après une minute de recherche dans ses tiroirs, il trouva enfin un stylo pour écrire sur la feuille de papier qui trainait sur le bureau, et demanda à sa cliente ce qui l'amenait vers lui.  

Elle se nommait Angela Whithey (Demetra Rasmuson), et elle était inquiète pour son petit ami qui avait disparu depuis quatre jours déjà, un dénommé Tyler Deckard (Joel Sbrizzi), journaliste au Boston Herald. Selon la jeune femme, il réalisait un article sur la société Dyges Constructions, et semblait depuis plusieurs jours très inquiet, lorsqu'il avait disparu. D'après elle, il avait un comportement bizarre, comme s'il se sentait menacé, mais n'avait rien voulu dire à sa fiancée.  

A présent qu'il avait disparu, elle s'inquiétait donc énormément pour Tyler, craignant le pire le concernant. Derek devait avouer qu'elle avait bien des raisons de s'inquiéter. Car à Boston, comme partout ailleurs à présent, les disparitions étaient nombreuses, et rares étaient ceux qu'on retrouvait. Que devenaient tous ces disparus ? Personne n'en savait rien. Parmi eux, il y avait sans doute un grand nombre de suicidés, comme ce jeune homme que le détective avait vu le jour même sur la passerelle. Peut-être aussi y avait-il des personnes ayant voulu changer de vie, les fabriquants de faux papiers n'ayant jamais eut autant de travail que ces derniers siècles.  

La jeune femme, dont les moyens étaient réduits, était venue voir Derek dont les services étaient parmi les moins chers de la ville. Faisant d'abord mines d'hésiter, l'ex-flic accepta finalement ce contrat, le seul contrat qu'il obtenait en plusieurs mois. Il allait devoir commencer par inspecter l'appartement du couple. Aussi il demanda immédiatement à Angela de le mener chez eux, où il pourrait trouver un élément le mettant sur une piste. Fermant la porte après-lui après avoir récupéré son arme et son manteau, Derek quitta son bureau accompagné de sa nouvelle cliente, et se dirigea alors vers son appartement.  

Au commissariat central, Rebecca essaya à nouveau de contacter son ex-collègue, en vain. Depuis trois jours, il ne répondait plus, ce qui inquiétait de plus en plus la flic. Elle savait dans quel genre de situation son ancien collègue pouvait se mettre. D'ailleurs son nouvel équipier, Rick Walsh (Armando Boglioni) la mettait sans arrêt en garde, lui conseillant de laisser tomber ce "bon à rien alcoolique". D'après lui, plus Derek se faisait discret, et mieux c'était. Il gardait encore ce souvenir de cette enquête que le détective avait menée, au cours de laquelle il avait accusé à tord un notable de la ville, ce qui avait frôlé l'incident diplômatique. Rebecca et Rick avait réussi à sauver la peau du détective ce coup là, mais depuis, le flic préférait savoir Derek au bar que sur une enquête. Et voir Rebecca qui était toujours prête à venir en aide à cet alcoolique le désolait chaque jour.  

Appuyé sur la rambarde d'une passerelle du 18 478è étage, Edward Young (Logan Lester) attendait le retour d'Angela. Lorsqu'il la vit arriver, ses craintes furent confirmées. Ayant pour mission de surveiller la fiancée de Tyler, Edward avait abandonné son poste une dizaine de minutes seulement pour aller boire un verre, mais à son retour, la jeune femme avait disparu. La voir à présent accompagnée de cet homme lui faisait craindre le pire.  

Ses employeurs, des hauts dirigeants de la société Dyges Constructions, le principal constructeur des tours de la ville, ne souhaitaient pas qu'on interfère dans leurs affaires, et avaient engagé l'homme de main pour s'assurer que la fiancée du reporter n'allait pas faire de vague. Or Edward reconnaissait le visage de l'homme qui l'accompagnait. Il avait déjà eut affaire à ce type, à l'époque où il était flic, et savait ce qu'il était devenu depuis. Mais bien qu'il était désormais plus connu pour ses penchants pour l'alcool que pour ses états de service, l'homme de main se méfiait de lui.  

S'il cherchait à comprendre ce qui était arrivé au fiancé de sa cliente, en fouillant trop assiduement, il risquait de mettre certaines choses en péril, des choses enfouies dans les étages inférieures de la ville, des choses bien trop importantes qui devaient rester secrètes, et qui vallaient bien plus que la vie d'un journaliste ou d'un détective privé...