Quartier du Queens, New-York City, USA - aujourd'hui  

Il avait fallu prendre un rare luxe de précautions pour faire venir les plus grands dirigeants de la planète ici, au coeur du quartier le moins recommandable de la cité. Mais l'organisateur de la réunion en avait décidé ainsi. Les Services Secrets de quinze nations différentes avaient donc du collaborer à la venue de leur président ou chef de gouvernement respectif.  

L'ordre était venu d'en haut : "l'organisateur" avait la haute main sur les décisions qui relevaient de sa compétence. Il était le seul maître dans sa partie.  

Cet homme était Philippe Courtoix* (Jason Salmon), résidant aux Etats-Unis depuis plusieurs siècles, citoyen honoraire du quartier et précurseur de la défense de cette Réalité face au Chaos Rampant. Son club-house se nommait "La Maison des Secrets" et avait pignon sur rue dans un petit immeuble miteux dont un programme immobilier projetait la destruction depuis au moins 15 ans - sans jamais y parvenir.  

On y rentrait par une petite porte et le choc était grand une fois à l'intérieur.  

En fait, l'intérieur ne correspondait pas à l'extérieur - et pour cause : Courtoix avait appliqué de puissants sortilèges de dissimulation. Ses activités restaient ainsi suffisamment souterraines pour que les agences de ses alliés ne viennent fourrer leur nez dedans. Une porte, une plaque qui ne laissaient imaginer le luxe de l'endroit.  

Convaincre les Maîtres du Monde de l'imminence du danger qui les menaçait n'avait pas été trop compliqué : le monde entier avait vu au Printemps 2012 un portail magique s'ouvrir au milieu du ciel de la Grosse Pomme, des dragons en sortir et un indescriptible chaos s'ensuivre. Philippe était le seul rescapé du groupe qu'il avait composé alors - un groupe de vrais héros courageux qui étaient parvenus à refermer la brèche et annihiler le culte qui en avait été à l'origine**.  

Mais cette fissure dans la Réalité avait eu un écho ailleurs. Et d'autres dangers menaçaient la planète. D'où cette réunion.  

Le Président Américain Hussein Obama (Erik Jezek) avait été le premier sur les lieux - directement concerné par les précédents événements qui avait fait tomber son prédécesseur (voir une armée de nains nordiques casqués et armés débouler en plein centre-ville pour en découdre avec des orques sur Time Square n'avait fait rire personne - et occasionné une explosion des visionnages web), il avait débloqué des budgets de l'ordre de milliards de dollars afin de "sécuriser" son pays, mettant FBI, CIA, NSA et l'armée à disposition de la Maison des Secrets. En fait, les finances et ce type de moyens importaient peu pour Philippe - ni le pouvoir d'ailleurs. Si disposer d'un appui logistique fort pouvait améliorer la situation en cas de crise, les armes conventionnelles n'auraient aucun effet sur leurs adversaires : nous étions dans le règne de la Magie, une puissance initiale bien difficile à appréhender ici.  

Le Premier Ministre Russe (Sean Krumholtz) s'était joint très rapidement. Beaucoup plus à l'aise dans les affaires occultes, Vladimir Kerenowic avait compris très vite tout l'intérêt de lutter contre des forces qui n'en voulaient pas seulement à son pays mais à la Réalité-même des choses. Ayant tout à perdre face à un ennemi invisible, fluctuant et ne disposant d'aucune valeur humaine imaginable, il avait systématiquement redirigé les budgets de son Etat à cet effet : l'Europe n'était-elle pas la meilleure productrice de magiciens de la planète ? "Vlad", plus à l'aise, venait donc en position de force, amenant avec lui le Prince Voldak (Sam Vrana), nouveau leader de la Communauté Vampire avec laquelle il avait pactisé. Courtoix savait tout cela : il haïssait Voldak mais aurait besoin de toutes les créatures magiques de son côté.  

A ses côtés, Tulya (Vanessa Zhan) - prête pour la mission qui l'attendait.  

Une fois les dirigeants réunis dans l'immense salon richement décoré, Courtoix les fit monter un par un sur une plate-forme qui s'éleva à son tour. Le plafond sembla se désagréger devant eux.  

Les gouvernants ne s'attendaient pas à ce spectacle : la plate-forme traversait une bibliothèque aux dimensions cyclopéennes au sein de laquelle s'affairaient des milliers d'individus - dont certains n'étaient clairement pas des humains : certains lévitaient, d'autres volaient, la plupart se servant d'ascenseurs gravitationnels afin d'arriver au niveau requis.  

Ici se trouvait la Science des Dimensions. Du moins la partie que Courtoix et ses gens avaient pu acquérir depuis des milliers (millions ?) d'années.  

Tandis que ce spectacle bousculait les cerveaux et l'âme de ces hommes et femmes, le Maître des lieux avait pris la parole. Il évoquait des concepts de physique quantique, les Masses du Chaos jusqu'alors circonscrites dans un périmètre clos, des humains qui - à trop vouloir jouer à Dieu - avaient fini par attirer l'attention de créatures immortelles malsaines. Cela avait entrainé des drames familiaux, le réveil de puissances sectaires. Il n'était pas possible de stopper l'armageddon à venir. Mais peut-être pouvait-on ralentir sa venue.  

Courtoix ajouta : "Cela réclamera des sacrifices. Des sacrifices de personnes qui n'ont jamais demandé à se retrouver mêlées à ces affaires." A ces mots, son regard vers Tulya s'intensifia : la jeune femme maîtrisait les Arts de la Guerre et de la Magie comme personne, Courtoix l'avait formée, elle faisait partie de sa task force. Celle qui irait récupérer, avec les militaires, les Avatars.  

Les Avatars étaient ceux qui avaient - selon les théories de Courtoix - créés ces univers qui menaçaient désormais de s'effondrer comme un château de cartes. Il faudrait aller les chercher - même par la force. Il était d'ailleurs probable qu'ils ignoraient eux-mêmes ce qui les attendait.  

D'un contrôle mental précis, Courtoix stoppa la plate-forme à l'un des étages de l'immense construction de bois. L'Archiviste (Amaury Kirdar) les salua et dès lors, devant eux l'image de deux hommes s'afficha : le premier Avatar était le Créateur des mondes, le second la Source. Le premier devait son existence au second.  

"- Nous avons mis plusieurs années à remonter leur piste. Ils demeurent dans des dimensions parallèles aux nôtres. Le premier, le Créateur, ignore même l'existence de la Source. Quant à la Source, elle est dans l'ignorance que les mondes qu'elle a créés ont une existence réelle."  

Le Président des Etats-Unis objecta : comment pouvait-on être sûr que ces "Avatars" collaboreraient avec eux ? La réplique de Courtoix fut sans appel :  

"- Il ne s'agira pas de les inviter à collaborer. Il s'agit d'éviter de les Créatures du Chaos ne les retrouvent avant nous, les ramener ici et sauver votre dimension."  

Le premier de ces individus, le Créateur, était un homme d'une petite soixantaine d'années bien tassée et se nommait...  

... Ari G. (Bill Hingue) venait d'arrêter son réveil. Le soleil était déjà haut et le célèbre producteur de Gérardmerveille souffrait d'avoir fêté bruyamment les dernières récompenses en date de sa compagnie aux récents GM Awards : la gueule de bois était sévère. Madame G. et leur fille étaient déjà en bas avec le personnel de maison, à nettoyer tout le bazar que les membres de la production avaient laissé en l'état dans le hall et la salle de réception. Le vieux bonhomme déglutit un instant, se leva douloureusement, avisa sa boîte de pilules bleues qu'il rangea dans un tiroir de sa commode, essaya de rentrer son bide devant le miroir de pied de la salle de bains attenante. Mmfff - rien n'y faisait : le lifting avait été une chose, il faudrait qu'il pense à un peu de body training pour améliorer sa ligne. Il consulta son agenda : réunions, réunions, réunions, séance-presse, conférence, cocktail, party chez Chopin... Il soupira un instant.  

Douche, rasage, crèmes de jour, lunettes noires, ligne de coke, perruque et gaines de maintien enfilées, c'est un homme sautillant, svelte, énergique et rajeuni de 10 ans qui descendit l'escalier, donna quelques instructions, embrassa sa famille et récupéra sa décapotable la plus rapide (la Rolls Ghost III ferait l'affaire pour cette fois) pour rejoindre le campus de sa compagnie.  

Ari G., l'homme qui avait créé le désormais célèbre Ariverse, une des personnalités les plus influentes du cinéma local, avait la patate - comme toujours.  

A peine sorti de l'enceinte de son luxueux manoir en périphérie de la ville qu'il avisa une sorte d'immense coléoptère fondre sur lui... Il braqua le véhicule à temps, évitant l'insecte de justesse dans un crissement de pneus. La créature reprit de la hauteur, vrombissant et attendant le moment opportun pour attaquer...  

"Mais qu'est-ce que c'est que ç... ??!!?"  

Il n'avait pas terminé sa phrase que Tulya était apparue subitement à ses côtés, ce qui ressemblait à un bazooka entre les mains.  

"- Monsieur Golan, je présume ?!"  

Puis elle se détourna de lui rapidement, ajustant son arme vers la créature qui les avait pris en chasse.  

Les pires pensées se bousculaient dans le cerveau du producteur : avait-il sniffé la ligne de coke de trop pour vivre un Big Trouble in Gerardmerveille en live ?  

"- Ahaha, j'adore ça !"  

Cyril Leroy (Barclay Glau) était plutôt content de lui. Il l'était souvent ces temps-ci. Le joueur venait de terminer un nouveau script et consultait à présent le forum de Cinéjeu, se régalant des dernières informations et des psychodrames qui agitaient la petit communauté à laquelle il était heureux de participer. Il consulta ses courriels. Rien de neuf : le week-end démarrait plutôt bien. La Source se leva, arrêta le ventilateur, mis l'ordinateur en veille et la tête dehors, respira un instant l'air frais. Le Général Eté avait définitivement posé ses quartiers sur la Provence, Delorès (Ninna Miretto) prenait le soleil sur la terrasse, à l'ombre des arbres.  

Il descendit au rez-de-chaussée et informa sa moitié des derniers résultats des GM Awards : c'était grâce à elle qu'il avait découvert le jeu - et si elle s'était "rangée des voitures" depuis, lui continuait à promouvoir la Meuh-Meuh Prods au travers d'Ari G. à Cannasucre, puis Gerardmerveille : c'était distrayant et plutôt culturellement enrichissant.  

Delorès rehaussa un instant ses lunettes de soleil : "- Le courrier..." C'est vrai qu'il n'était pas allé voir en rentrant. Il récupéra donc ses baskets et partit au petit (très petit) trot.  

Il s'arrêta brusquement à mi-chemin. Il avait eu comme une drôle d'impression : il ressentait comme un malaise. Pas dû à la chaleur déjà accablante - c'était bizarre. Il jeta un oeil vers le ciel : ce dernier était en train de se couvrir.  

Des bruits de pas sur le gravier : sa charmante voisine, "Mame Danielle" (Amy Nathanson) venait vers lui à pas mesurés.  

Il lui sourit. Elle s'arrêta alors à quelques mètres de lui, penchant la tête sur le côté.  

"- Mame Danielle, vous allez bien ?"  

Quand elle ouvrit la bouche, un flot sonore grotesque et ininterrompu de 150 décibels se déversa sur lui comme une vague d'énergie. Il tituba, puis s'effondra - à la fois totalement désarçonné et terrifié par une surdité partielle. Il n'entendait plus que son coeur battre la chamade. Quand il releva la tête, Mame Danielle avait été rejointe par deux - choses ? créatures ? blobs ? - qui fonçaient vers lui. Il était totalement désarmé, pétrifié. Mort.  

Il sentit des mouvements derrière lui : des lasers venaient de pulvériser le couple de monstres. Un laser qui ressemblait comme deux gouttes d'eau à celui d'un personnage de fiction qu'il avait créé pour Cinéjeu.  

Il se retourna et fut relevé vigoureusement par Jack Riley (Patrick Patoque), héros des Aventuriers du 37ème Siècle***, une petite série Z qu'il avait écrite il y a plusieurs mois...  

Ca y est, il était devenu fou : des personnages de fiction lui sauvaient la vie et des monstres lui en voulaient.  

C'était un très très mauvais script.  

(Script original, suite de Le Portail (Dark Mirror - Portal) (2012) et Miroir Noir (Dark Mirror) (2005)  

* Pour en savoir plus sur le personnage de Philippe Courtoix : Le Portail (Dark Mirror - Portal) (2012) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=6195 et Empire Vampire (2005) : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=65  

** Voir les événements de Le Portail (Dark Mirror - Portal) (2012)  

*** Voir : http://www.cinejeu.net/index.php?page=p&id=54&unite=fenetre&section=vueFilm&idFilm=11399