LE FILM DE LA SOIREEComme promis, chers télespectateurs, voici
Quelque part dans le Ciel, le chef d'oeuvre de Chpom Entertainment, réalisé par Charles Freeman, avec dans le rôle principal, son frère : Anton. Pour la petite anecdote, en plus d'obtenir le titre de Meilleur Drame et de finir 3ème pour celui du Meilleur Film aux GM Awards 2016, ce film a été précurseur dans la mode des découpages d'affiches en rectangle ("mode chpomique") ainsi que dans renouveau du drame à Gérardmerveille. Il a obtenu l'incroyable moyenne de
5 étoiles. Bon film.
Le fil de la chaîne est à votre disposition pour tout commentaire sur ce film et plus généralement sur cette journée consacrée aux frères Freeman.Des femmes. Des femmes qui tournent la tête. Toutes regardent dans une direction précise, pas toujours la même. Eric (Anton Freeman) ne voit pas leurs visages, elles lui tournent le dos. Eric vole. Certaines marchent. L’une d’elles est assise sur une chaise et regarde la porte de la pièce dans laquelle elle se trouve. Une pièce toute bleue. Elle semble se rhabiller. Une autre marche lentement, nostalgiquement. Elle porte une robe rouge vif. Eric ne veut pas spécialement voir leurs visages. De toute façon il y en a beaucoup. Beaucoup trop.
Eric sait que c’est bientôt la fin. Il a une horloge dans la tête et n’a jamais eu besoin de réveil. Pourtant, histoire de sécurité, il en met toujours un à 6h50. Il sait qu’il est entrain de rêver et arrive à contrôler un peu les images qui défilent devant ses yeux fermés. Exercice que tout le monde pratique… Contrôler ses rêves… Par curiosité, il aimerait voir un visage. Il saisit l’une des femmes et veut la retourner. Il n’y arrive pas. Elle se débat pour rester de dos. Même si elle le voulait, il ne pourrait pas.
Eric ouvre les yeux et son réveil se met à sonner.
« Toujours vous rappeler de vos rêves » lui a dit l’homme qu’il voit une fois par semaine depuis quelques mois. Un sourire lui vient aux lèvres lorsque les images de son rêve lui reviennent en tête. Sourire qui laisse place à l’étonnement alors qu’il voit une femme assoupie au dos nu moulé dans les draps de son lit. Sa copine depuis quelques semaines, s’il se souvient bien.
Son prénom, c’est Caroline (Virginia Blakstad). Il l’a rencontrée un soir au restaurant alors qu’ils attendaient leurs conquêtes respectives du moment. Le temps d’un regard, puis d’un sourire, d’un
haut de cœur et les deux n’attendirent pas plus longtemps... Caroline était jeune, tout juste vingt ans, alors qu’Eric en a 26. Vingt ans. Le bel âge. Ils en vinrent vite à consommer leurs corps dans une passion extrême et semblèrent se retrouver sur la même longueur d’onde à ce niveau-là.
Eric dit toujours que la vie, ça se consomme et se rêve sans modération, chose qu’il applique fort bien dans sa propre vie.
Leur passion mutuelle les tenait ensemble depuis ces quelques semaines.
« Quelques semaines… Ça commence à faire pas mal de temps » pense Eric, assis sur le bord du lit tournant ainsi le dos à Caroline. Il réalise sans avoir pourquoi qu’il n’a plus trop envie de la voir. Il connaît trop bien les femmes et sait comment ça va se terminer.
Elle se réveillerait lentement, le regarderait dans les yeux, sourirait et lui dirait qu’elle l’aime, probablement.
« Je te quitte » lui répondrait-il. Comme toujours… Comme pour toutes les petites amies qu’il a eues depuis Madeleine. S’en suivrait la scène de dispute dont il connaît trop bien les tenants et les aboutissants.
Madeleine. Toujours assis au bord du lit, il repense à elle. Au travail, il repense à elle. La nuit, le rouge de sa robe qu’elle portait le jour de leur dispute l’obsède et il aperçoit toujours son dos… Ses dernières paroles, il les connaît par cœur, elles résonnent dans sa tête sans cesse. Leur dernière dispute, il la revit chaque minute de sa vie. Souvent il en rêve, souvent il en cauchemarde.
Cette fois-ci, chez Monsieur Alih (Daniel Halligan), son psychologue, Eric extériorise son rêve. Toujours le même rêve. Et pour une fois, il raconte son histoire, sa rupture avec Madeleine (Sokchana Keut).
Madeleine était de trois années l’aînée d’Eric. Elle l’est toujours d’ailleurs. Enfin bon, pour un jeunot de 18 ans, c’était quelque chose de sortir avec un femme de 21 ans. Et puis, contre toute attente, rester avec cette même personne pendant six années, c’était comme n’exister qu’avec elle, ne faire qu’un seul, à deux. Six ans plus tard, il avait passé un quart de sa vie avec sa moitié…
Arrivé à 24 ans, les études tout juste finies, fiancé, Eric avait toute la vie devant lui, il était prêt à tout construire, tout gravir. Ça, c’est ce qu’il croyait.
Il ne semblait pas savoir que Madeleine souffrait depuis quelques temps. Elle souffrait de ce qu’était Eric, ce qu’il avait toujours été et qu’il sera toujours probablement : un individualiste, rêveur, légèrement asocial et qui n’aime pas beaucoup les gens. Certains pourraient l’appeler un génie, d’autre l’appelleraient un idiot. Mais, quoiqu’il en dise, ce que pensent les autres n’a jamais été important pour lui.
Leur relation sclérosée perdait l’équilibre, sûrement parce qu’au bout de six années aux côtés d’Eric, Madeleine n’avait plus foi en lui, elle ne l’admirait pas comme avant, elle n’admirait plus son style de vie, ses pensées. Lassée ? Elle en avait peut-être juste marre. Avec le temps…
« Elle n’était peut-être juste pas à la hauteur » aime à penser Eric, parfois.
La dispute explosa une matinée de juin il y a deux ans, comme une guerre rugit soudainement dans une paix qu’on s’efforçait de voir, de croire totale.
Madeleine, à la fois déçue, énervée, déboussolée, se mit à crier sans qu’Eric ne comprenne pourquoi. Immédiatement sur la défensive –ce qui tua définitivement leur relation-, il demandait ce qu’elle voulait, il disait qu’il ne comprenait pas. Madeleine, perdue, tapa sur le mur qu’érigeait Eric jusqu’à s’y casser les poings. À bout de force, elle se mit à genoux pour le supplier, exprimer son sentiment le plus profond à Eric, assis sur le bord du lit, écoutant attentivement, sans comprendre, les larmes aux yeux. Elle pleurait aussi…
« - J’ai l’impression qu’on se tourne le dos sans cesse, que tu ne viens pas vers moi, que tu me laisse en bas… Je rêve toutes les nuits que je te cherche partout sans te trouver… Je t’en pris Eric, je t’aime, je veux rester avec toi, j’ai besoin de toi, dis moi juste où-tu es… J’ai besoin de savoir…
- Quelque part dans le ciel » avoua Eric après un long silence, comme une confession, les yeux fixés dans ceux de sa future ex-fiancée.
Sur ces paroles, Alih signale à Eric qu’il est temps
de se dire au revoir. Eric, qui a raconté son souvenir en restant stoïque, rentre chez lui, pensif.
Quatre heures plus tard, adossé contre le mur sur le lit dans le noir de la nuit, il n’arrive pas à fermer l’oeil. Le récit conté à son psy l’après-midi a fait renaître en lui des émotions douloureuses. Il sent son cœur battre la chamade alors que d’un regard vide, il pose les yeux sur la robe rouge que Caroline portait aujourd’hui et qu’il a presque déchirée avant de lui faire l’amour tout à l’heure.
Caroline -assoupie comme toujours sur le dos pour trouver le sommeil- se retourne brusquement lorsqu’elle entend Eric fondre en larmes. Les sanglots s’approfondissent alors qu’elle le prend dans ses bras pour consoler ce chagrin qu’elle ignore.
« Eh bien alors, mon chou… Qu’est-ce qui ne va pas…? » demande-t-elle à plusieurs reprises. Ses paroles étant apparemment sans effet, elle se contente de le consoler par un câlin qu’une mère ferait à son enfant…
Devant l’accalmie de la tristesse d’Eric, elle pose un léger et doux baiser sur ses lèvres puis lève son regard jusqu’à ses yeux. Du fond du cœur, elle lui chuchote comme un secret son tout premier
« Je t’aime ».